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     IMM-58-97

ENTRE :

     NICOLE MADELEINE MBUYI,

     requérante,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Prononcés à l'audience tenue à Toronto (Ontario)

     le 5 novembre 1997 et révisés.)

LE JUGE REED

     Comme je l'ai dit, j'ai lu le compte rendu de l'audience qu'a tenue la Commission. Bien que celle-ci ne les ait pas détaillés dans l'exposé de ses motifs, les contradictions, imprécisions et faux-fuyants qu'on trouve dans ce dossier sont nombreux. J'aborderai, en premier lieu, le troisième argument invoqué par l'avocat de la requérante dont le récit ne tient tout simplement pas debout.

     Quant au défaut par la Commission de ne faire expressément référence à aucune des preuves documentaires sur l'état des droits de la personne au Zaïre, l'avocat de l'intimée a allégué que si une commission n'est pas en mesure de conclure à l'existence d'un lien entre la preuve fournie par le demandeur et l'élément de persécution pour justifier le statut de réfugié au sens de la Convention, il est inutile qu'elle tienne compte expressément de la preuve documentaire. J'accueille cet argument. La Commission a fait état, en l'espèce, au début de l'exposé de ses motifs, de la preuve documentaire qui lui a été soumise. Il est clair, me semble-t-il, que la Commission a rendu sa décision dans le contexte de sa connaissance générale de la situation qui prévaut au Zaïre. Ce serait une erreur, à mon avis, qu'un tribunal d'appel infirme cette décision du fait que l'exposé des motifs ne fait expressément pas mention de la preuve documentaire.

     Ce qui nous amène à l'étude du rapport psychiatrique. Le Dr Payne dit avoir évalué plus de 1 000 demandeurs du statut de réfugié. Il déclare dans son rapport que la requérante a de la difficulté à évoquer son histoire :

     [TRADUCTION]         
     Il lui était difficile d'exposer son cas de façon claire et suivie ou de se rappeler les dates. Sa façon de relater son histoire et les réactions émotives qu'elle manifestait alors s'accordaient avec cette histoire. Rien n'indique chez elle un trouble psychiatrique (psychotique) grave montrant une dissociation d'avec la réalité.         

     Même si elle doit prendre en considération un témoignage d'expert, une commission n'est pas tenue de l'accepter comme l'élément déterminant de la question à trancher. Elle doit évaluer la preuve que lui fournit un demandeur en tenant compte de l'avis d'expert, comme elle l'a fait dans ce cas-ci. Ses motifs peuvent essentiellement s'énoncer ainsi : l'opinion du Dr Payne ne peut excuser le fait que la teneur de la preuve fournie par la requérante présente des lacunes appréciables.

     La requérante fonde sa revendication du statut de réfugié sur deux éléments : elle était perçue comme ayant des opinions antigouvernementales, et elle était persécutée par le gouvernement du fait que : (1) elle avait composé trois chansons qui pouvaient être interprétées comme l'expression de sentiments antigouvernementaux (chansons qui n'ont jamais été publiées suite au refus de la maison d'enregistrement sollicitée à cet effet); (2) elle faisait partie d'une catégorie de familles considérées comme activement mêlées à des activités antigouvernementales (les activités de son frère Willy étant l'événement déclencheur).

     La Commission a conclu qu'il n'était pas plausible que la requérante ait été persécutée à cause des trois chansons, car malgré le fait que sa tentative de les publier par les soins d'une maison d'enregistrement ait eu lieu en septembre 1994 et que son domicile ait été mis à sac aussitôt après, les autorités n'avaient pas essayé de l'entraver ni de mettre fin à sa participation à la chorale où elle continuait de chanter, comme elle l'a fait jusqu'à son départ du Zaïre en septembre 1995. La Commission a également jugé que la preuve était insuffisante pour conclure au saccage de sa maison par les militaires.

     Quant au fait que la requérante faisait partie d'une catégorie de familles, la Commission a, encore une fois, noté une omission cruciale dans son témoignage. Elle n'a pu expliquer ce qu'avait fait son frère qui l'eut fait rechercher par le gouvernement, sinon qu'il travaillait aux archives d'une imprimerie. Elle a déclaré que le rédacteur attaché à cet établissement avait été tué en novembre 1994, mais elle n'a pu expliquer ce qu'a fait son frère.

     Bien qu'elle ait déclaré au tout début qu'elle avait aidé son frère à enfouir au jardin certaines publications antigouvernementales avant qu'il ne disparaisse en août 1995, elle a dit, plus tard, ignorer la date de cette disparition (elle semblait dire que celle-ci avait suivi le décès du rédacteur-journaliste en novembre 1994). Quoi qu'il en soit, elle a été incapable de préciser ni ce qu'a fait son frère ni les activités auxquelles il se livrait qui ont conduit à la persécution dont elle faisait l'objet comme membre d'une même catégorie de familles. Et tout cela en dépit du fait qu'ils vivaient sous le même toit et qu'elle l'avait prétendument aidé auparavant, à sa demande, à enfouir des livres critiquant le gouvernement.

     Ce sont les lacunes constatées dans le témoignage de la requérante qui ont conduit la Commission à rejeter sa demande.

     Il m'est impossible de conclure qu'il y ait motif à infirmer la décision de la Commission. La demande est par conséquent rejetée.

     "B. Reed"

     Juge

Toronto (Ontario)

Le 5 novembre 1997

Traduction certifiée conforme     

                                     François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :              IMM-58-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      NICOLE MADELEINE MBUYI

                     et

                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
                     L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :      5 NOVEMBRE 1997

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE      PAR LE JUGE REED

EN DATE DU :              5 NOVEMBRE 1997

ONT COMPARU :

                     M. Peter J. Reiner,

                                 pour la requérante

                     M me Diane Dagenais,

                                 pour l'intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                     Peter J. Reiner

                     Avocat et procureur

                     55, avenue Eglinton est

                     Bureau 307

                     Toronto (Ontario)

                     M4P 1G8

                                 pour la requérante

                     Gorge Thomson

                     Sous-procureur général du Canada

                                 pour l'intimée


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                 IMM-58-97
                                                 ENTRE :
                                                 NICOLE MADELEINE MBUYI,
                                                      requérante,
                                                      et
                                                 MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      intimée.
                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE
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