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Date : 20040226

Dossier : IMM-1301-04

Référence : 2004 CF 285

Toronto (Ontario), le 26 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

ENTRE :

                                                              PETER PAL RACZ

                                                                                                                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une requête présentée par le demandeur qui vise à obtenir une ordonnance sursoyant à l'exécution de son renvoi du Canada vers la Hongrie, lequel est prévu pour le 27 février 2004.

[2]                Le demandeur est arrivé au Canada en 1996, en provenance de la Hongrie, et il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention en raison de ses origines roms. La revendication a été rejetée, de même que la demande de contrôle judiciaire de la décision (autorisation refusée).

[3]                Le demandeur a présenté une demande dans la catégorie des DNRSRC, laquelle a été rejetée.

[4]                En janvier 2001, le demandeur a déposé une demande d'établissement pour des raisons d'ordre humanitaire. Son renvoi a été différé en attendant la décision relativement à sa demande d'établissement, laquelle a été rejetée le 18 juillet 2003.

[5]                Le demandeur a présenté une demande d'examen des risques avant renvoi (l'ERAR), laquelle a été rejetée. La demande d'ERAR contenait des renseignements additionnels déclarant que le demandeur était menacé par une personne appartenant à un groupe qui a des liens avec le crime organisé et que, par conséquent, le demandeur était visé par la définition de réfugié au sens de la Convention en raison du fait qu'il était un membre d'un groupe social, les victimes du crime.

[6]                Le demandeur a demandé à un agent d'exécution de surseoir à l'exécution de son renvoi. Cette demande a été rejetée le 5 février 2004.

[7]                Le demandeur s'est marié le 11 novembre 2003 et une demande de parrainage a été préparée. L'épouse du demandeur a des problèmes de santé qui sont potentiellement graves.

[8]                Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l'ERAR.

[9]                La question en litige est : Devrait-on surseoir à la mesure de renvoi?

Analyse et décision

[10]            L'agent d'exécution possède un certain pouvoir discrétionnaire et il peut, dans certaines circonstances, surseoir à l'exécution du renvoi du demandeur (voir la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 295 (C.F. 1re inst.)).

[11]            Dans le but d'obtenir un sursis à l'exécution de la mesure de renvoi, le demandeur doit satisfaire aux exigences énoncées dans l'arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), à la page 305 :

Notre Cour, tout comme d'autres tribunaux d'appel, a adopté le critère relatif à une injonction provisoire et énoncé par la Chambre des lords dans l'arrêt American Cyanamid Co. v. Ethicon Ltd., [1975] A.C. 396 [renvoi 3 annexé au jugement]. Ainsi que l'a déclaré le juge d'appel Kerans dans l'affaire Black précitée :

[traduction] Le critère à triples volets énoncé dans Cyanamid exige que, pour qu'une telle ordonnance soit accordée, le requérant prouve premièrement qu'il a soulevé une question sérieuse à trancher; deuxièmement qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance n'était pas accordée; et troisièmement que la balance des inconvénients, compte tenu de la situation globale des deux parties, favorise l'octroi de l'ordonnance.

Le demandeur doit satisfaire aux trois éléments du critère à triples volets.


Question sérieuse

[12]            À titre de questions sérieuses, le demandeur a soulevé ce qui suit :

1.          L'agent a commis une erreur de droit en concluant qu'il n'y avait aucun lien entre la crainte exprimée par le demandeur et la définition de réfugié au sens de la Convention.

2.          L'agent a commis une erreur de droit en concluant que le demandeur disposait d'une protection de l'État.

[13]            Un examen de la décision de l'agent démontre que celui-ci a semblé écarter le fait que le demandeur soit visé par la définition de réfugié au sens de la Convention parce que sa revendication du statut de réfugié était fondée sur son appartenance à un groupe social, les victimes du crime. Bien qu'il soit vrai que la jurisprudence majoritaire appuierait cette conclusion, il existe un certain nombre de décisions de la Cour qui ont décidé que, dans certaines circonstances, les membres du groupe social des victimes du crime peuvent être qualifiés de réfugiés au sens de la Convention. L'agent ne semble pas en avoir tenu compte. Ainsi, je crois que cela constitue une question sérieuse à trancher. Il n'est pas nécessaire de traiter d'autres questions sérieuses.


Préjudice irréparable

[14]            Dans la décision Nemati c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 853, le juge Kelen a conclu que le refus d'accorder la possibilité d'obtenir gain de cause s'il faisait instruire sa demande dans la catégorie des DNRSRC constituait un préjudice irréparable qui pourrait être causé au demandeur. En l'espèce, le demandeur avait droit à ce que l'agent examine la question de savoir si sa situation factuelle particulière faisait ou non de lui un membre d'un groupe social, les victimes du crime, qui répondait à la définition de réfugié au sens de la Convention. Le défaut de le faire constitue un préjudice irréparable causé au demandeur.

Balance des inconvénients

[15]            Le demandeur est au Canada depuis 1996 et ne fait peser aucune menace sur le public. La balance des inconvénients le favorise.

[16]            La requête du demandeur en sursis d'exécution de son renvoi est accueillie.

[17]            À la demande du défendeur, l'intitulé est modifié en radiant « Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration » à titre de défendeur et en lui substituant « Le solliciteur général du Canada » .


                            ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          Il est sursis à la mesure de renvoi prise à l'encontre du demandeur jusqu'à ce que l'autorisation soit refusée dans le cadre de la demande d'autorisation de contrôle judiciaire ou, si l'autorisation est accordée, il est sursis à la mesure de renvoi jusqu'à ce que les tribunaux statuent sur la demande de contrôle judiciaire.

2.          L'intitulé est modifié en radiant « Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration » à titre de défendeur et en lui substituant « Le solliciteur général du Canada » .

                                                    « John A. O'Keefe »              

                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                         COUR FÉDÉRALE

          AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                                         IMM-1301-04

INTITULÉ :                                                                                        PETER PAL RACZ

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                                LE 23 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                                        LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                                                       LE 26 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Wennie Lee

POUR LE DEMANDEUR

Rhonda Marquis

POUR LE DÉFENDEUR

SOLICITORS OF RECORD:

The Law Firm of Wennie Lee

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR       

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR


COUR FÉDÉRALE

                     Date : 20040226

        Dossier : IMM-1301-04

ENTRE :

PETER PAL RACZ

                              demandeur

                       

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                               défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE


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