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                                                                                                                               Date : 20040630

                                                                                                                    Dossier : IMM-2757-03

                                                                                                                 Référence : 2004 CF 925

ENTRE :

                                                              ALBERTO MEJIA

                                                             MARITZA BUSTES

                                                                 CARLA MEJIA

                                                            ALBERTO Jr MEJIA

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                            ET DE L'IMMIGRATION DU CANADA

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit ici d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 31 mars 2003, statuant que les demandeurs ne sont ni des « réfugiés » au sens de la Convention, ni des « personnes à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.


[2]         Alberto Mejia (le demandeur) et ses personnes à charge, soit son épouse et leurs deux enfants, sont citoyens du Pérou. Le demandeur allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison de ses opinions politiques. Il allègue également être une « personne à protéger » . Plus particulièrement, le demandeur craint les membres du Sentier lumineux (SL) en raison du fait qu'il aurait refusé de céder à leurs tentatives d'extorsion.

[3]         La CISR a conclu que le demandeur et sa famille ne sont ni des « réfugiés » au sens de la Convention ni des « personnes à protéger » parce que le demandeur n'est pas crédible, parce que son comportement était incompatible avec la crainte alléguée et parce qu'il n'a pas établi l'incapacité de ltat péruvien de le protéger.

[4]         Au sujet de la possibilité de refuge interne et de la capacité de ltat péruvien de protéger le demandeur et sa famille, la CISR a exprimé ce qui suit :

Nous avons demandé au revendicateur s'il pouvait vivre à Lima sans difficulté étant donné la distance qui sépare celui-ci de son lieu d'activités. Il a répondu par la négative car dit-il le Sentier Lumineux est au courant où il habite.

La preuve documentaire (pièce A-3, document 5.1) sur le Pérou nous fait état que le Sentier Lumineux agit dans certaines régions mais que dans la capitale il est très peu actif si ce n'est que pour distribuer les tracts et l'activité se limite à la propagande. Le demandeur a contredit cette version de la preuve documentaire et souligne que les membres du Sentier Lumineux sont toujours présents dans la capitale à titre d'exemple, une bombe aurait sauté près de l'Ambassade américaine. Quant à la protection de ltat, le demandeur l'a recherchée et l'a obtenue d'une certaine façon. Ainsi, lorsqu'il a été requis de déposer une certaine somme d'argent, la police l'accompagnait pour se rendre à l'endroit que nous qualifierons d'indéterminé. Alors nous pouvons conclure que les autorités péruviennes lui ont accordé une certaine protection. Est-elle efficace, ça c'est une autre question que nous ne pouvons répondre d'une façon claire. De toute évidence, il existe une certaine protection au Pérou telle que l'a affirmé le demandeur. Il ne s'agit pas d'avoir une protection individuelle dans un État quelconque mais une protection générale. Dans ce cas-ci on peut citer l'arrêt Villafranca [(1992) 18 Imm.L.R. (2nd) 130 (C.A.F.), no. A-69-90/A-70-90), Marceau, Hugessen, Décary, 18 décembre 1992], où la Cour a abordé la notion de protection.

[5]         Cette appréciation des faits faite par le tribunal spécialisé que constitue la CISR m'apparaît supportée par la preuve, ce qui m'amène à conclure essentiellement comme l'a fait mon collègue le juge Martineau dans l'arrêt Bustamante c. Canada (M.C.I.), 2002 CFPI 499, [2002] A.C.F. no 643 (QL), au paragraphe 12 :


Je conclus que le demandeur n'a pas réussi à montrer que la Commission a commis une erreur en préférant la preuve plus récente et mieux documentée relative à la situation en cours au Pérou au moment de la présentation de la revendication. Cette preuve ne fait état d'aucune activité de la part du Sentier lumineux à Lima et précise que cette activité se limite aux régions éloignées de la jungle. La preuve documentaire versée au dossier établit sans équivoque que l'Association du Sentier lumineux a pratiquement été éliminée par les autorités péruviennes. En outre, la Commission a décidé que le demandeur n'a pas produit une preuve manifeste et convaincante de l'incapacité de ltat à le protéger, même si le Sentier lumineux était réellement à l'origine des appels de menace. À la lumière de l'ensemble de la preuve déposée au dossier, la Commission pouvait raisonnablement arriver à ces conclusions.

[6]         De plus, comme l'a décidé le juge Pelletier dans l'arrêt Zhuravlvev c. Canada (M.C.I.), [2000] 4 C.F. 3 (1re inst.), lorsque l'agent persécuteur n'est pas ltat, l'absence de protection étatique doit être appréciée du point de vue de la capacité de l'État d'assurer une protection plutôt que du point de vue de l'efficacité de l'appareil local de fournir une protection dans un cas donné. Le refus de fournir une protection à lchelle locale ne constituerait pas un refus de l'État en l'absence d'une preuve de l'existence d'une politique plus générale selon laquelle la protection de l'État ne s'étend pas au groupe visé. En l'espèce, le refus de la police de continuer à surveiller le demandeur et sa famille à Cajamarka ne peut à lui seul mener à la conclusion que ltat péruvien n'est pas en mesure de les protéger, et ce, d'autant plus que non seulement le demandeur n'a pas fourni de preuve tendant à démontrer que les autorités policières sont incapables d'assurer une protection adéquate aux citoyens contre le SL, mais que même les articles de journaux qu'il a soumis font état d'arrestations de membres du SL par la police nationale. Comme l'affirme le juge Gibson à la page 786 de la décision Smirnov c. Canada (Secrétaire dtat), [1995] 1 C.F. 780 (1re inst.) :

[. . .] Notre Cour ne devrait pas imposer à d'autres pays une norme de protection « efficace » que malheureusement la police de notre propre pays ne peut parfois qu'ambitionner d'atteindre.


[7]         Tout cela est suffisant pour entraîner le rejet de la demande de contrôle judiciaire sans qu'il soit nécessaire de considérer les autres arguments des demandeurs reliés à la crédibilité et à la preuve documentaire.

[8]         En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 30 juin 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2757-03

INTITULÉ :                                                       ALBERTO MEJIA, MARITZA BUSTES, CARLA MEJIA, ALBERTO Jr MEJIA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMI-GRATION DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 10 juin 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 30 juin 2004         

COMPARUTIONS :

Me Kathleen Gaudreau                                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Caroline Cloutier                                      POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kathleen Gaudreau                                        POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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