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Date : 20040630

Dossier : T-2332-03

Référence : 2004 CF 943

ENTRE :

                                                     CHRISTINE ELWELL

                                                                                                                        demanderesse

et

                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre du Revenu national, datée du 14 novembre 2003, de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi) de renoncer aux intérêts et aux pénalités imposés à l'encontre de la demanderesse pour l'année d'imposition 1997, ou de les annuler.


[2]                Les faits ayant donné lieu à la présente demande sont les suivants. Le 2 avril 2001, la demanderesse a reçu un avis de Revenu Canada selon lequel elle n'avait pas produit sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1997 qui devait être produite le 15 juin 1998. La demanderesse a répondu par lettre datée du 21 août 2001, mentionnant qu'elle avait produit sa déclaration de revenus pour 1997. Sa lettre se lit comme suit :

[traduction]

Pour faire suite à nos nombreuses conversations et à la lettre du 2 avril 2001 me demandant de produire ma déclaration de revenus pour 1997, vous trouverez ci-joint une copie de celle-ci pour vos dossiers. Je vous prie de m'excuser pour avoir tardé à vous l'envoyer. En fait, nous avons dû la reconstituer à partir des vieux dossiers que ma mère avait heureusement conservés. Vous remarquerez que toutes les pièces qui y sont jointes sont les deuxièmes copies.

Comme je vous l'ai mentionné, ma position est que la déclaration a été produite en temps opportun et le fait que nous ayons eu à nous rabattre sur des copies des pièces jointes le prouve. Il s'ensuit également que tous les impôts dus ont été payés à l'époque. Je ne sais pas si les vieux dossiers bancaires sont disponibles pour établir cela davantage mais il me fera plaisir de coopérer avec vous à mesure que nous progresserons.

Veuillez me faire savoir ce que je pourrais faire de plus pour répondre à vos préoccupations.


[3]                Le 20 novembre 2001, la demanderesse a reçu un avis de cotisation pour l'année d'imposition 1997, lequel mentionnait qu'elle devait 5 437,00 $, alors que la déclaration qu'elle avait produite mentionnait que le montant d'impôt dû sur le revenu tiré d'une entreprise était de 4 214,15 $. La demanderesse a présumé que la différence entre ces montants était reliée au refus du défendeur d'accepter la déduction de 3 000,00 $ relativement à la cotisation au REER de conjoint.

[4]                Par la suite, le 31 janvier 2002, la demanderesse a présenté une demande au Comité d'équité de Revenu Canada, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la Loi, pour obtenir une renonciation aux pénalités et aux intérêts qui avaient été imposés par le ministre. Mme Elwell énonce comme suit les motifs de sa demande :

[traduction]

Sur les conseils de Mme Lagopoulos de la Direction de la vérification, je vous écris afin de demander un nouvel examen de la nouvelle cotisation établie relativement à l'année d'imposition 1997. Voici les deux principaux motifs de la présente demande. Le premier est que c'est ma position que Revenu Canada a perdu ma déclaration pour 1997. Lorsqu'on m'a demandé de produire la 1997 de nouveau, tous mes dossiers étaient des copies, p. ex. copies des T4, etc. Il n'y avait aucun document original, cela appuyant mon opinion selon laquelle j'avais envoyé la déclaration, accompagnée des documents originaux. Je n'aurais eu aucune raison de ne pas produire la déclaration pour 1997 et, de fait, votre avis de nouvelle cotisation mentionnait que j'avais versé les impôts dus pour 1997. Par conséquent, il ne devrait y avoir aucune pénalité de retard ni frais d'intérêts concernant 1997.

La deuxième demande principale pour un nouvel examen est que, lorsque l'avis de nouvelle cotisation pour 1997 a été expédié, il était mentionné que ma déduction de 3 000,00 $ relativement à la cotisation au REER de conjoint était refusée. Par conséquent, ce montant additionnel a été ajouté à mon revenu et des pénalités ainsi que des intérêts devenaient alors dus pour ce montant, multipliés par cinq ans!


Selon moi, Revenu Canada n'a pas examiné la première page de la déclaration pour 1997 qui mentionnait clairement que Steve Shallhorn est mon conjoint. Le reçu de la banque relatif au REER que Revenu Canada m'a retourné a été fait à son nom mais la copie de celui que j'ai eu de la banque, et que j'ai envoyé avec la copie de la déclaration de revenus pour 1997, portait tant mon nom que celui de Steve. Selon les services fiscaux de North York, auprès de qui nous avons vérifié lorsque nous avons produit à l'origine la déclaration pour 1997, c'était dans l'ordre des choses que je ne devrais avoir aucune dette relativement à l'année d'imposition 1997. La nouvelle cotisation de quelque 11 000,00 $ en impôts, pénalités et intérêts non payés est erronée et nous a causé, à moi et à ma famille, des embêtements considérables pour tenter de reconstituer ce qui est arrivé il y a tant d'années. Je comprends que, jusqu'à ce que l'examen de ma nouvelle cotisation soit complété, ce n'est pas votre politique d'établir une cotisation pour des pénalités additionnelles ou de procéder à des mesures de recouvrement.

[5]                Dans une lettre datée du 6 mai 2002, l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) a rejeté la demande de la demanderesse visant à obtenir l'annulation des pénalités et des intérêts, énonçant ses motifs comme suit :

[traduction]

Les dispositions législatives en matière d'équité permettent l'annulation des intérêts et des pénalités lorsqu'ils sont imposés en raison d'une erreur commise par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) ou de circonstances indépendantes de la volonté d'un client. Un des facteurs à l'origine de cette décision est celui des antécédents du contribuable pour se conformer en ce qui concerne le dépôt de ses déclarations.

Conformément au paragraphe 150(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, vous devez produire une déclaration de particulier pour chaque année pour laquelle un impôt est payable. Vous devez le faire sans avis ni mise en demeure, dans le délai prescrit pour la déclaration.

Nos dossiers démontrent que nous avons délivré plusieurs demandes et mises en demeure de produire à partir de novembre 1998. Nous n'avons reçu votre déclaration pour 1997 qu'en septembre 2001. Un examen de votre compte indique également que nous avons dû délivrer des demandes et des mises en demeure pour des déclarations d'années antérieures.

Les pénalités imposées pour production tardive concernant ces déclarations m'indiquent que vous étiez au courant des conséquences découlant du fait de produire vos déclarations en retard. Mon examen indique que vous n'avez pas fait preuve de diligence raisonnable en vue de satisfaire à vos obligations fiscales.


Après un examen des circonstances présentées et un examen attentif des dispositions législatives en matière d'équité, j'ai décidé qu'il ne serait pas approprié d'annuler les pénalités et les intérêts.

[Non souligné dans l'original.]

[6]                La demanderesse a pris connaissance de la décision le 5 juin 2003, lorsqu'elle a reçu son avis de cotisation pour 2002. Mme Elwell a alors demandé un examen de la décision le 10 juin 2003 et elle a formulé des observations écrites en rapport avec les motifs invoqués par le comité pour lui refuser un redressement. Dans une lettre datée du 14 novembre 2003, l'ADRC l'a avisée que, en raison de ses piètres antécédents pour se conformer en regard des six années d'imposition allant de 1991 à 1996, la décision lui refusant un redressement concernant l'arriéré d'intérêts et la pénalité pour production tardive était appropriée et que la décision serait maintenue.

[7]                La demanderesse vise maintenant à obtenir l'annulation de cette décision au motif que le défendeur n'a pas observé un principe de justice naturelle et d'équité procédurale et qu'il a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

[8]                J'accueille la demande pour les motifs suivants.


[9]                Premier motif, et le plus important, le défendeur n'a pas produit de preuve documentaire pour établir son allégation selon laquelle, à partir de novembre 1998, il a délivré plusieurs demandes et mises en demeure à la demanderesse pour qu'elle produise sa déclaration de revenus pour 1997. Cette déclaration se trouve au paragraphe six de l'affidavit d'Alice Shields, qui était directrice de l'impôt à l'époque, qui a examiné la demande de nouvel examen de la demanderesse relativement à la décision originale en matière d'équité et qui a confirmé cette décision refusant un redressement. La déclaration apparaît également dans la décision du comité d'équité original, datée du 6 mai 2002.

[10]            Toutefois, aucun des documents présentés par le défendeur ne constitue une mise en demeure ou une demande afin que la demanderesse produise sa déclaration de revenus pour 1997. Lors de l'audience tenue devant moi, j'ai interrogé l'avocate du défendeur quant aux raisons pour lesquelles de tels éléments de preuve n'avaient pas été produits devant la Cour et elle n'a pas été en mesure d'offrir quelque explication que ce soit. J'accepte donc la déclaration de la demanderesse selon laquelle elle n'a pas été mise au courant avant le 2 avril 2001 qu'il y avait des problèmes concernant sa déclaration de revenus pour 1997.


[11]            De plus, je ne suis pas convaincu que la demanderesse a bénéficié de l'équité procédurale de la part du défendeur lorsque celui-ci a examiné sa demande de nouvel examen relativement à l'équité. La décision originale du Comité d'équité est datée du 6 mai 2002. Mme Elwell soutient qu'elle n'a jamais reçu cette décision et qu'elle n'en a pris connaissance que le 5 juin 2003, lorsqu'elle a reçu un avis de cotisation pour son année d'imposition 2002, lequel mentionnait un solde de 13 600,45 $ représentant des intérêts et des pénalités relativement à sa déclaration pour 1997.

[12]            J'accepte l'explication de la demanderesse parce que, encore une fois, le défendeur n'a pas fourni de preuve documentaire me convainquant que la décision originale du 6 mai 2002 lui a, en fait, été envoyée. Ce que le défendeur a offert, et ce qui est joint à l'affidavit de Mme Shields, ce n'est pas une copie d'une lettre selon le format établi sur papier à en-tête du défendeur, mais un imprimé de la décision fait à partir d'un écran d'ordinateur. Bien que le document établisse qu'une décision a été rendue par le Comité d'équité, son format laisse planer un grand doute dans mon esprit concernant le fait qu'il ait vraiment été expédié à la demanderesse.


[13]            De plus, une fois que Mme Elwell a été mise au courant de la décision du comité en juin 2003, elle a immédiatement cherché à obtenir un nouvel examen. À l'appui de sa demande, elle a présenté un document qui tentait de fournir des explications concernant les motifs invoqués par le comité d'équité original, dans sa décision du 6 mai 2002, pour rejeter sa demande de renonciation aux pénalités et aux intérêts. Il m'est impossible de vérifier, à partir de la décision de Mme Shields, qui a examiné à nouveau la demande et confirmé la décision antérieure en matière d'équité, qu'elle a tenu compte des explications de la demanderesse. Sa décision du 14 novembre 2003 réitère simplement les antécédents de la demanderesse pour se conformer et s'appuie sur ceux-ci pour motiver son refus de lui accorder un redressement.

[14]            Il est clair que cette affaire a été en proie à des délais, en raison principalement de l'omission de la part du défendeur de communiquer avec la demanderesse. Compte tenu de cela, bien que le défendeur ait fermement continué de refuser d'accepter la déduction de 3 000,00 $ de la demanderesse relativement à la cotisation au REER de conjoint, ce n'est qu'en février 2004, longtemps après que celle-ci eut introduit sa demande de contrôle judiciaire, qu'il l'a avisée du motif de son refus, à savoir que son institution bancaire n'avait pas mentionné le nom des cotisants sur le reçu relatif au REER. Mme Elwell a convenu de corriger cette erreur et d'obtenir les renseignements nécessaires de sa banque.


[15]            En conclusion, je doute encore, selon la preuve qui m'a été présentée, que la demanderesse ait bénéficié de l'équité procédurale dans le processus décisionnel et que tous les facteurs pertinents aient été pris en compte par le décideur. Je suis convaincu qu'en l'espèce, il existe des circonstances indépendantes de la volonté de la demanderesse et que, sans que ce soit sa faute, elle ne fut mise au courant des problèmes concernant sa déclaration de revenus pour 1997 qu'en avril 2001. Elle a immédiatement pris des mesures pour rectifier la situation et a cherché à obtenir qu'il y ait renonciation aux intérêts et aux pénalités, mais elle a encore fait face à des délais dont elle n'était pas responsable.

[16]            Pour tous ces motifs, la décision du ministre du Revenu national, datée du 14 novembre 2003, de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu de renoncer aux intérêts et aux pénalités imposés à l'encontre de la demanderesse, ou de les annuler, est elle-même annulée. L'affaire est renvoyée à l'ADRC pour nouvel examen par un décideur différent en conformité avec les présents motifs. La demanderesse se verra accorder un délai de soixante jours à compter de la date de la présente ordonnance pour obtenir de son institution bancaire le reçu corrigé relatif au REER.

                                                                                                                          _ P. Rouleau _               

                                                                                                                                         Juge                        

OTTAWA (Ontario)

Le 30 juin 2004


Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                       COUR FÉDÉRALE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                              T-2332-03

INTITULÉ :                                                             CHRISTINE ELWELL

c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                     LE 3 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                        LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                           LE 30 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Christine Elwell                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Suzanne Bruce                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aucun                                                                        POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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