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Date :19980624

Dossier : T-1113-97

E N T R E :

ALAIN CHARRON,

demandeur,

- et -

LE MINISTÈRE DES TRANSPORTS,

défendeur.

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(exposés à l'audience d'Ottawa (Ontario)

le 23 juin 1998)

LE JUGE HUGESSEN


            [1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire visant la décision d'une formation d'appel de trois membres du Tribunal de l'aviation civile confirmant la décision d'un membre du Tribunal qui, siégeant seul, avait confirmé la décision par laquelle le ministre avait suspendu, pour une période de trois jours, la licence de pilote du demandeur.


            [2]         Dans la décision rendue par un membre du Tribunal, les faits, qui n'ont pas été contestés, sont exposés de la manière suivante :

[Traduction]

            Le 8 mars 1996, M. Alain Charron était le commandant de bord d'un aéronef de type Cessna 172 immatriculé C-GZTE. À cette occasion, des parachutes ont été largués de l'aéronef dans des espaces aériens contrôlés sans qu'ait été obtenue au préalable l'autorisation requise.

            [3]         L'infraction dont le demandeur a été reconnu coupable est prévue à l'article 515 du Règlement de l'air...[1] dans la version en vigueur à l'époque, le règlement ayant été modifié depuis la date de l'infraction. À l'époque, voici ce que prévoyait la disposition applicable :


515.       Parachute descents, other than emergency descents, shall not be made:

(a)         in controlled airspace or within any air route designated as such by the Minister except in accordance with the written authorization of the Minister; or

...


515.       Sauf en cas d'urgence, il ne sera pas effectué de descentes en parachute

(a)         dans les espaces aériens contrôlés, ni dans les limites des routes aériennes désignées comme telles par le ministre, si ce n'est en conformité d'une autorisation écrite du ministre; ou

...


            [4]         La responsabilité du demandeur en tant que commandant de bord était engagée au titre du paragraphe 8.4 de la Loi sur l'aéronautique[2].

            [5]         Le demandeur avance un triple argument. Si je le comprends bien, il soutient, d'abord, qu'il ne devrait pas être tenu responsable des faits de personnes qui, si elles avaient effectivement été passagers à bord de son aéronef, ne l'étaient plus au moment où elles ont commis l'infraction. On ne saurait nier, en effet, que la personne qui saute en parachute n'est plus passager d'un aéronef. J'avoue ne pas saisir la pertinence de cette constatation. Le demandeur n'est pas rendu responsable des actes des passagers. Il est tenu responsable, aux termes du paragraphe 8.4(3), des infractions relatives à un aéronef dont il était le commandant de bord. Il est évident que le parachutiste qui commet une infraction en sautant d'un aéronef volant à 4 000 pieds dans des espaces aériens contrôlés commet une infraction relative à l'aéronef dont il saute. L'argument ne saurait donc être retenu.

            [6]         Ensuite, si j'ai bien compris, le demandeur fait valoir que les parachutes en question sont eux-mêmes des aéronefs au sens de la définition inscrite dans la Loi[3]. Peut-être en est-il effectivement ainsi. Il ne m'appartient pas d'en décider. Il n'en reste pas moins vrai, cependant, que même si un parachute peut être considéré comme un aéronef, l'infraction qui consiste à effectuer une descente en parachute en sautant d'un avion, l'infraction prévue en l'occurrence à l'article 515 précité, est effectivement une infraction relative à l'aéronef dont le parachutiste a sauté. Que l'on puisse faire valoir ou non qu'un autre aéronef, en l'occurrence le parachute, a participé à l'infraction en question, rien ne permet au commandant de bord de l'aéronef à partir duquel est effectuée la descente en parachute de se soustraire à la responsabilité qui lui incombe en vertu de la loi.

            [7]         Le demandeur plaide, troisièmement, l'absence de toute preuve démontrant que la descente en question a été effectuée dans des espaces aériens contrôlés. Or, il ressort clairement du dossier que les faits ont été reconnus, aussi bien devant le Tribunal siégeant en membre unique que devant le Tribunal d'appel. Dans la décision du membre unique, l'extrait dont j'ai donné lecture au début des présents motifs, et dans lesquels sont exposés les faits, est immédiatement suivi par ceci :

[Traduction]

            Le représentant du demandeur a déclaré au Tribunal que les faits, tels qu'exposés, n'étaient pas contestés.


            [8]         On trouve un passage analogue à la page 2 des motifs du Tribunal d'appel :

[Traduction]

            Les faits, ci-après exposés, n'ont pas été contestés par le représentant de l'appelant. Le 8 mars 1996, M. Alain Charron était commandant de bord d'un aéronef de type Cessna 172 immatriculé C-GZTE lorsque des parachutistes ont été largués de l'aéronef dans des espaces aériens contrôlés à l'aéroport de Gatineau (Québec) sans qu'ait été au préalable obtenue l'autorisation requise de Transports Canada.

            [9]        Vu cette reconnaissance des faits, le Tribunal n'avait pas à rechercher d'autres preuves. J'ajoute, cependant, qu'il ressort de la transcription et de la documentation versée au dossier que le Tribunal disposait en fait d'éléments qui lui auraient permis d'étayer sa conclusion dans l'hypothèse où les faits auraient été contestés. Mais, étant donné que les faits n'ont pas été contestés, le Tribunal a pu, à juste titre, trancher comme il l'a fait.

            [10]       De manière plus générale, je rappelle au demandeur qu'à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, il n'appartient pas à la Cour de dire si la décision du Tribunal ou d'un tribunal administratif d'instance inférieure est fondée mais, plutôt, de se prononcer sur la légalité de la décision en cause. On entend, en l'occurrence, par légalité que le tribunal doit avoir agi dans les limites de sa compétence et ne pas avoir commis une erreur manifestement déraisonnable. Aucune erreur n'est invoquée en l'espèce et encore moins une erreur qui serait manifestement déraisonnable.


            [11]       En conséquence, la demande sera rejetée.

                  « James K. Hugessen »                

juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-1113-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :ALAIN CHARRON c. MINISTÈRE DES

TRANSPORTS

LIEU DE L'AUDIENCE :Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :le mardi 23 juin 1998

MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE HUGESSEN

EXPOSÉ À L'AUDIENCE LE 23 JUIN 1998

ONT COMPARU :

M. Alain Charrondemandeur (agissant en sa propre cause)

Me Claude Morrissettepour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alain Charron

Gatineau (Québec)demandeur (agissant en sa propre cause)

George Thompson

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)pour le défendeur



    [1]C.R.C. 1978, ch. 2 modifié par DORS/85-1089 (abrogé par le paragraphe 900.01(a) du Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433, entré en vigueur le 10 octobre 1996)

    [2]L.R.C. (1985), ch. A-2

    [3]L'article 3 de la Loi sur l'aéronautique (L.R.C. (1985), ch. A-2) dispose que :

"aircraft" means

(a) until the day on which paragraph (b) comes into force, any machine capable of deriving support in the atmosphere from reactions of the air, and includes a rocket, and

(b) [Not in force]

3(1)

« aéronef »

a) Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'alinéa b), tout appareil qui peut se soutenir dans l'atmosphère grâce aux réactions de l'air, ainsi qu'une fusée;

b) [Non en vigueur]

3(1)

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