Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051208

Dossier : IMM-2119-05

Référence : 2005 CF 1669

Toronto (Ontario), le 8 décembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

KARLA TATIANA SALAZAR GARCIA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le 23 mars 2005, lors de motifs exposés oralement, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que Mme Garcia, une citoyenne du Mexique de 22 ans, n'est ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger. La demanderesse demande un contrôle judiciaire de la décision de la Commission selon laquelle elle avait la possibilité de trouver refuge dans le district fédéral de Mexico. Puisque selon moi, la conclusion d'une possibilité de refuge intérieur n'est pas manifestement déraisonnable, je dois rejeter la demande.

[2]                La demande de la demanderesse est fondée sur les sévices commis contre elle par un homme membre d'une famille riche et influente, qui aurait possiblement des affiliations avec la police, et qui serait impliqué dans le trafic de drogues. Ces sévices comprennent l'administration de coups et une agression sexuelle en mai 2001, sévices auxquels des agents de police locaux ont participé et pour lesquels la demanderesse a dû recevoir des soins médicaux. La police a été avisée de l'agression et a refusé de lancer une enquête. La demanderesse a quitté la ville de Leon pour trouver refuge chez une amie à Tampico; pendant ce temps, son agresseur s'est informé sur l'endroit où elle se trouvait. Elle est venue au Canada en juillet 2001 et a suivi des cours de langue. En mai 2002, elle est retournée au domicile familial au Mexique et s'est fait attaquer une seconde fois. Une fois de plus, la police a refusé d'enquêter. La demanderesse est revenue au Canada en juin 2002 et a déposé une demande d'asile en septembre 2002. Elle a déclaré que son agresseur continue de se renseigner sur le lieu où elle se trouve et qu'elle craint qu'il puisse réussir à la retrouver peu importe où qu'elle soit au Mexique.

[3]                Une audience devant la Commission a eu lieu le 23 mars 2005 et des motifs oraux ont été rendus la même journée. La commissaire a conclu que la crainte de persécution de la demanderesse n'était pas crédible en raison de plusieurs facteurs, y compris le fait que la demanderesse a retardé son départ du Mexique après la première agression, même si elle possédait un passeport et un visa pour les Etats-Unis valides. La commissaire a aussi relevé des invraisemblances dans la demande de la demanderesse, et celle-ci n'a pas produit de preuve claire et convaincante qu'elle ne pourrait pas se prévaloir de la protection de l'État au Mexique.

[4]                Pour terminer son analyse, la commissaire a conclu que même si la demanderesse avait été victime des agressions qu'elle a mentionnées, elle avait effectivement une possibilité de refuge intérieur (PRI) raisonnable dans le district fédéral de Mexico.

[5]                Mme Garcia demande le contrôle judiciaire aux motifs que la commissaire n'a pas tenu compte d'un rapport d'un psychologue, qu'elle a tiré des conclusions manifestement déraisonnables par rapport aux preuves et qu'elle a commis une erreur en concluant à l'existence d'une PRI. La question du rapport médical a effectivement été abandonnée lors de la plaidoirie au vu de la transcription des motifs de la commissaire qui indiquent clairement que le rapport a été examiné. L'avocat de la demanderesse a reconnu qu'il revenait à la commissaire de déterminer l'importance de cette preuve.

[6]                L'avocat de la demanderesse a soulevé de bons arguments au sujet de certaines conclusions d'improbabilité émises par la commissaire qui ne résistent pas à un examen poussé; cependant, la décision au sujet de la demande d'asile a finalement été prise en fonction de la conclusion qu'il existait effectivement une PRI raisonable dans la ville de Mexico.

[7]                Il est acquis que la norme de contrôle qui s'applique à une conclusion de PRI de la Commission est la décision manifestement déraisonnable : Yrais Del Carmen Silva Ramirez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1413, au paragraphe 34 ; Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1263, au paragraphe 11 (QL) ; Cerna c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 1061, au paragraphe 33 ; Zakka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1759 (QL).

[8]                La demanderesse allègue que la Commission n'a pas tenu compte des preuves pertinentes au sujet des problèmes auxquels les femmes font face dans le district fédéral en ce qui a trait à l'obtention de la protection de l'État, lorsque la Commission a conclu que la demanderesse y avait accès à une PRI acceptable. Il ne s'agit pas de déterminer s'il existe des lois et une procédure pour obtenir la protection, mais plutôt de vérifier si l'État, par le biais des services policiers, est prêt à les appliquer de façon efficace : Elcock c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 175 F.T.R. 116. La demanderesse prétend que la preuve, dans le présent cas, démontre que les policiers ne sont non seulement pas prêts à mettre en application des lois de protection, mais qu'ils ont de plus aidé son agresseur.

[9]                Le défendeur allègue qu'il n'existe aucune preuve dans le présent cas indiquant que l'agresseur de la demanderesse a tenté de la retracer au Mexique ailleurs que dans la ville de Leon, et que le fait que quelques agents de la police locale aient participé de façon active à sa persécution ne prouve pas, en soi, que le Mexique est incapable de la protéger. Les faits qui ont eu lieu dans la ville de Leon n'ont pas d'effet déterminant sur ce qui pourrait se passer dans la ville de Mexico.

[10]            L'examen en deux partie d'une PRI a été institué dans Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.F.). La Commission doit être convaincue selon la prépondérance de la preuve que : 1) il n'existe pas de possibilité sérieuse que le demandeur soit victime de persécution dans la PRI et 2) compte tenu de toutes les circonstances, il n'est pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge. Comme le juge Linden l'a précisé dans l'affaire Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589, la notion de PRI fait partie intégrante de la définition d'un réfugié au sens de la Convention, et le statut de réfugié ne sera pas accordé si l'on conclut qu'il existe une PRI. Lorsque la question d'une possibilité de refuge intérieur est soulevée, il appartient au demandeur de prouver, selon la prépondérance de la preuve, qu'il risque d'être persécuté dans la région qui offrait prétendument une PRI.

[11]            Je suis convaincu que la commissaire a correctement appliqué le critère lorsqu'elle a conclu qu'il n'existait pas de possibilité sérieuse que la demanderesse soit victime de persécution si elle retournait au Mexique, et que compte tenu des circonstances particulières de la demanderesse, il n'était pas déraisonnable pour elle de s'établir dans le district fédéral.

[12]            La Commission a clairement reconnu que la protection de l'État dans la ville de Mexico, et dans le pays en général, continue d'être sujette à des problèmes. Cependant, la Commission a examiné des facteurs tels que les initiatives entreprises afin de régler le problème des crimes sexuels au Mexique, la présence d'organisations de la femme et les étapes entreprises afin d'assainir les organismes d'application de la loi judiciaires et fédéraux. La Commission ne s'est pas contentée de déterminer si de la thérapie et un soutien psychologique pour les victimes existent à Mexico, comme la demanderesse le donne à penser, mais ce qui est plus important, si une protection réelle existe. Comme la Commission a conclu que c'est le cas, il n'était pas déraisonnable de conclure que la demanderesse aurait d'abord dû demander de la protection dans son pays avant de rechercher une telle protection sur le plan international.

[13]            Par conséquent, la demande sera rejetée. Aucune question de portée générale n'a été proposée pour la certification et aucune ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                            « Richard G. Mosley »

JUGE

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                       IMM-2119-05

INTITULÉ :                                                      KARLA TATIANA SALAZAR GARCIA

                                                                       

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                       

DATE DE L'AUDIENCE :                               7 DÉCEMBRE 2005                          

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     LE JUGE MOSLEY

COMPARUTIONS:                        

J. Byron M. Thomas                                         POUR LA DEMANDERESSE

Stephen Jarvis                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

J. Byron M. Thomas

Avocat

Toronto (Ontario)                                              Pour la demanderesse

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général

du Canada                                                         Pour le défendeur   

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.