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Date : 19990527


Dossier : T-1140-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


appelant,


     - et -


     ENG FENG JENNY LIN-HSIEH,


     intimée.


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD


[1]      Il s"agit d"un appel interjeté au nom du ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté et de l"article 21 de la Loi sur la Cour fédérale , à l"encontre de la décision du juge de la citoyenneté Van Roggen, en date du 7 avril 1998, dans laquelle celle-ci faisait droit à la demande de Eng Feng Jenny Lin-Hsieh (l"intimée) pour l"obtention de la citoyenneté canadienne aux termes du paragraphe 5(1) de la Loi sur la citoyenneté .


[2]      Dans sa décision du 7 avril 1998, le juge de la citoyenneté a décidé que l"intimée avait rempli le critère de résidence requis par l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, en dépit du fait que celle-ci n"avait maintenu une présence physique au Canada que pendant 433 jours, et qu"il lui manquait 567 jours pour remplir l"exigence minimale de trois années de résidence au Canada au cours des quatre années qui précédaient immédiatement la date de sa demande de citoyenneté canadienne.


[3]      La preuve suivante a été soumise au juge de la citoyenneté :

     (a)      L"intimée, une citoyenne de Taiwan, est née à Taiwan le 15 janvier 1952;
     (b)      L"intimée a obtenu le statut de résidente permanente au Canada le 20 septembre 1994;
     (c)      Le 23 septembre 1997, l"intimée a rempli une demande de citoyenneté canadienne pour adulte, qui a été reçue au Centre de traitement des demandes en matière de citoyenneté à Sydney, en Nouvelle-Écosse, le 2 octobre 1997;
     (d)      Selon les renseignements fournis par l"intimée, elle n"a été physiquement présente au Canada au cours de la période pertinente que pendant 433 jours avant la date de sa demande de citoyenneté canadienne.
     (e)      Au soutien de sa demande de citoyenneté canadienne, l"intimée a rempli le 1er avril 1998 un questionnaire relatif à la résidence. De plus, elle a soumis d"autres documents, notamment :
         "      son dossier d"établissement;
         "      son passeport;
         "      des photocopies de sa carte d"assurance sociale, de sa carte d"assurance-santé de la Colombie-Britannique, et de sa carte de la Banque Hongkong du Canada;
         "      sa déclaration de revenus des particuliers de 1995 et son relevé de compte de la Banque TD;
         "      les évaluations foncières de 1997 et 1998, le relevé des taxes municipales, le certificat de titre du 2477 Berton Place, North Vancouver;
         "      le permis d"exploitation de LuLu Enterprises.

[4]      L"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté énonce trois critères applicables à tous les demandeurs de la citoyenneté canadienne. Ces critères sont :

     (a)      l"admission légale au Canada à titre de résident permanent;         
     (b)      le maintien du statut de résidente permanente;
     (c)      le cumul d"un minimum de trois années de résidence au Canada au cours des quatre années qui précèdent immédiatement la date de la demande, selon la méthode de calcul décrite à l"alinéa.         

[5]      En l"espèce, les deux premiers critères ne sont pas en litige.

[6]      Quant au troisième critère relatif à une période de résidence au Canada, le mot " résidence " n"est pas défini de façon spécifique au paragraphe 2(1) de la Loi sur la citoyenneté .

[7]      Dans sa jurisprudence récente, la Cour a continué de mettre l"accent sur la nécessité d"une présence physique et effective au Canada. Comme l"affirmait le juge Pinard dans Re Chow1 :

     Suivant une certaine jurisprudence, il n'est pas nécessaire que la personne qui demande la citoyenneté canadienne soit physiquement présente au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours, lorsqu'il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles. J'estime toutefois que des absences du Canada trop longues, bien que temporaires, au cours de cette période de temps minimale, comme c'est le cas en l'espèce, vont à l'encontre de l'objectif visé par les conditions de résidence prévues par la Loi. D'ailleurs, la Loi permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent immédiatement la date de sa demande de citoyenneté.         

[8]      Dans une décision du 1er mars 1999, le juge Cullen a affirmé2 :

         De plus en plus de tribunaux se rangent à l'avis du juge Muldoon dans

         Re Pourghasemi (1993) 19 Imm. L.R. (2nd) 259 (C.F. 1re inst.), [...]

[TRADUCTION] Il est allégué que, malgré les différentes formulations du critère de résidence, la jurisprudence actuelle montre clairement que le demandeur de citoyenneté doit, au moyen de faits objectifs, démontrer que, premièrement, il a établi sa propre résidence au Canada au moins trois ans avant sa demande et, deuxièmement, il a conservé cette résidence pendant toute cette période.

             

[9]      Dans la présente affaire, le Bureau de la citoyenneté a calculé que l"intimée a été physiquement présente au Canada pendant 433 jours, avec 567 jours manquants avant d"atteindre les trois années de résidence requises.

[10]      Un mois après avoir obtenu son statut de résidente permanente au Canada, l"intimée s"est absentée du pays pendant 36 jours. Sa plus longue durée de séjour continuel au Canada au cours de la période de trois ans a été approximativement de trois semaines. Durant cette période de trois ans, il y a eu 17 absences distinctes du Canada, toutes sauf une pour des voyages d"affaires à Taiwan.

[11]      Le juge de la citoyenneté a écrit dans ses motifs :

     [TRADUCTION] Les documents et le questionnaire ont été examinés. La demanderesse aide son mari à fonder une place d"affaires au Canada " pour développer un marché outremer et le contrôle de la qualité à Taiwan. International Trading Co. " Lulu Enterprises " compagnie canadienne. Une fois la compagnie fondée, Jenny n"aura plus à se déplacer en Asie " enfants à l"école " sa fille est une étudiante à rendement supérieur " qui entreprendra ses études universitaires au Canada.         

[12]      La procédure d"appel en matière de citoyenneté a été modifiée par les Règles de la cour fédérale de 1998 , qui sont entrées en vigueur le 25 avril 1998. Sous les anciennes Règles, l"appel en matière de citoyenneté consistait en un procès de novo , et il y avait un ensemble de règles distinctes qui en régissait la conduite. En vertu des nouvelles Règles, les appels en matière de citoyenneté se font par voie de demande sur la base du dossier présenté au juge de la citoyenneté, et sont régis par les règles générales en matière de demandes : Règle 300(c).

[13]      Le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit et a mal appliqué le critère de résidence lorsqu"elle n"a pas tenu compte du fait que l"intimée a entrepris de nombreux voyages à l"étranger dès son arrivée au Canada, soit à Taiwan, sans avoir d"abord établi sa propre résidence au pays.

[14]      Par conséquent, l"appel est accueilli, et la décision du juge de la citoyenneté est annulée.

                                                                                     (Signé) " John D. Richard "

                                     Juge en chef adjoint

Vancouver (Colombie-Britannique)

27 mai 1999

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

     COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1140-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                          L "IMMIGRATION

                     c.

                     ENG FENG JENNY LIN-HSIEH

LIEU DE L"AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L"AUDIENCE :          25 mai 1999

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

en date du 27 mai 1999

COMPARUTIONS

     Kim Shane                  pour le demandeur
     Eng Feng Jenny Lin-Hsieh          en son propre nom

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

     Morris Rosenberg              pour le demandeur

     Sous-procureur général

     du Canada

    

__________________

1      (1997), 40 Imm. L.R. (2è) 308, à la p. 310.

2      MCI c. Chung Shun Paul Ho, C.F. 1re inst., no de dossier T-1683-96, 1er mars 1999.

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