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Date : 20200417


 

Dossier : T‑425‑20

Référence : 2020 CF 532

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2020

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

IRIS TECHNOLOGIES INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Iris Technologies Inc. (la demanderesse) demande le remboursement de 62,3 millions de dollars, partie de la somme versée au ministre du Revenu national (le défendeur) au titre de la TPS / TVH en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E‑15 (la Loi) pour les périodes du 1er septembre 2019 au 29 février 2020.

[2]  Par voie de demande de contrôle judiciaire déposée le 27 mars 2020, la demanderesse sollicite les réparations suivantes :

1.  une ordonnance enjoignant au demandeur d’établir une cotisation à l’égard de ses déclarations de TPS / TVH pour les périodes du 1er septembre 2019 au 29 février 2020;

2.  une ordonnance enjoignant au défendeur d’effectuer des remboursements de taxe nette pour les périodes du 1er septembre 2019 au 29 février 2020, ainsi que tout remboursement ultérieur pour les périodes qui suivent jusqu’à la conclusion de la vérification par ce même défendeur;

3.  des frais.

[3]  Le 20 mars 2020, la demanderesse a déposé un avis de requête (la requête de la demanderesse) à titre urgent en vue d’obtenir les réparations suivantes :

1.  une ordonnance provisoire enjoignant au défendeur de procéder à des remboursements de 62 300 000 $ en TPS / TVH, ainsi qu’aux remboursements des périodes postérieures à la date des présentes à l’intention de la demanderesse dans l’attente de l’instruction de la demande de contrôle judiciaire;

2.  une ordonnance tenant pour confidentielles la teneur des affidavits ici déposés et les pièces s’y rattachant;

3.  les frais de cette requête.

[4]  Avant l’instruction de sa requête, la demanderesse a retiré sa demande d’ordonnance de confidentialité.

[5]  La demanderesse est une société canadienne de télécommunications au service d’une clientèle résidentielle, commerciale et de gros au Canada et à l’étranger, notamment aux États‑Unis d’Amérique.

[6]  Le défendeur est chargé de recouvrer les recettes fiscales au nom du gouvernement du Canada.

[7]  La requête de la demanderesse a pour contexte une vérification de ses déclarations de TPS / TVH par l’Agence du revenu du Canada (ARC) au nom du défendeur.

[8]  La première vérification des déclarations de TPS / TVH de la demanderesse a débuté en décembre 2018. Elle visait les périodes du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 (la première vérification). L’ARC l’a menée à terme le 28 octobre 2019 sans apporter de modifications aux déclarations en question.

[9]  Pendant la première vérification, l’ARC a retenu les remboursements de TPS / TVH à la demanderesse pour les périodes postérieures au 31 décembre 2018. En réponse à une demande du chef de la direction de la demanderesse en avril 2019, le défendeur a consenti à procéder aux remboursements en question pour les périodes se terminant le 30 novembre 2018, le 31 décembre 2018, le 31 janvier 2019, le 28 février 2019 et le 31 mars 2019 dans le cadre de la première vérification en raison de difficultés financières éprouvées par la demanderesse.

[10]  Le 30 octobre 2019, l’ARC a avisé la demanderesse que ses déclarations de TPS / TVH pour la période se terminant le 30 septembre 2019 feraient l’objet d’une vérification (la vérification).

[11]  Le 3 décembre 2019, l’ARC a informé la demanderesse par lettre qu’elle étendait la vérification dans le temps de manière à viser toutes les périodes comprises entre le 1er janvier 2019 et le 31 octobre 2019.

[12]  À l’appui de sa requête, la demanderesse a déposé les affidavits de MM. Samer Bishay et Magdi Wanis. Le défendeur a produit pour sa part les affidavits de M. Vance Smith et de Mme Krystina Lau.

[13]  M. Bishay est le fondateur et chef de la direction de la demanderesse. Dans ses affidavits, il résume les activités et les clients de l’entreprise de la demanderesse. Il expose aussi le déroulement dans le temps de la vérification et fait état du respect par la demanderesse de toutes les demandes de renseignements.

[14]  M. Bishay a déclaré que le défendeur retient les remboursements de TPS / TVH dus à la demanderesse depuis septembre 2019 et que ce geste a causé des difficultés financières. Il a décrit ses communications avec le défendeur et ses demandes multiples de renseignements et d’allégement de ces difficultés.

[15]  M. Bishay a en outre déclaré que, pendant la première vérification, le défendeur a procédé aux remboursements retenus de TPS / TVH en raison des difficultés financières de la demanderesse. Il a dit avoir sollicité le même allégement de ces difficultés pendant la vérification le 24 février, le 27 février et le 19 mars 2020. Il a souligné avoir encore plus besoin de ces fonds pendant la crise sanitaire de la COVID‑19 au Canada à la lumière de ses graves conséquences sur les activités commerciales.

[16]  M. Bishay a également déclaré que l’entreprise de la demanderesse pourrait tomber en faillite si elle n’a pas accès aux fonds nécessaires à la poursuite de son exploitation.

[17]  M. Wanis est le directeur financier de la demanderesse. Comme pièces accompagnant son affidavit, il y avait les déclarations de TPS / TVH de la demanderesse et les relevés d’affaires décrivant la facturation et les paiements aux fournisseurs. Il a aussi décrit la situation financière actuelle de la demanderesse, ses conséquences sur ses affaires et les mesures prises pour puiser à d’autres sources de financement.

[18]  M. Smith est gestionnaire du Programme de la planification abusive de la TPS / TVH et de l’intégrité des remboursements à la Direction de la TPS / TVH de la Direction générale des programmes d’observation à l’ARC.

[19]  Il a déclaré que, selon lui, les déclarations de TPS / TVH produites par la demanderesse font voir une participation à une « fraude carrousel », entendant par là un stratagème où des remboursements de taxe nette de TPS / TVH sont recouvrés d’un côté sans que la TPS / TVH soit versée de l’autre.

[20]  M. Smith a expliqué que, selon la Loi sur la taxe d’accise, si l’entreprise achète des fournitures taxables à des fournisseurs pour exercer une activité assujettie à la taxe, elle peut recouvrer la TPS / TVH versée à ces mêmes fournisseurs, ce qui s’appelle le crédit de taxe sur les intrants (CTI). Si l’entreprise verse plus en TPS / TVH qu’elle n’en recouvre, elle est admissible à un remboursement de taxe nette qui équivaut à la différence entre ce qui a été versé et ce qui a été recouvré.

[21]  Mme Lau est adjointe juridique au ministère de la Justice. Dans son affidavit, elle fait mention des recherches qui se font au nom du défendeur dans le cadre de la Loi sur les sûretés mobilières (LSM). Ces recherches indiquent que la demanderesse est propriétaire d’un certain nombre de véhicules et d’un aéronef. Elles sont décrites en détail dans un courriel émanant d’une entreprise de recherche de titres; copie de ce courriel est en pièce jointe à l’affidavit.

[22]  MM. Bishay, Wanis et Smith ont été contre‑interrogés sur leurs affidavits. M. Bishay l’a été le mardi 7 avril 2020 de 10 h 15 à 12 h 44, M. Wanis, l’après‑midi du 7 avril 2020 de 14 h 06 à 17 h 39, et M. Smith le mercredi 8 avril 2020 de 10 h à 14 h 42.

[23]  Le 9 avril 2020, le défendeur a produit des avis de nouvelle cotisation pour les mois de janvier à août 2019. Il a produit des avis de cotisation pour les mois de septembre à novembre 2019. Ce sont là trois des six mois à l’égard desquels la demanderesse sollicite le remboursement de ses versements de TPS / TVH. Des pénalités avec intérêts pour faute lourde sont infligées dans ces avis de nouvelle cotisation et de cotisation.

[24]  Le 10 avril 2020, le défendeur a produit un avis de requête pour que soit rejetée la requête de la demanderesse en raison de son caractère théorique (la requête du défendeur).

[25]  Dans son avis de requête, le défendeur demande les réparations suivantes :

1.  l’autorisation par la Cour, en vertu du paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales, de déposer l’affidavit supplémentaire de Vance Smith souscrit le 9 avril 2020, avec en pièce jointe les avis de cotisation ou de nouvelle cotisation délivrés à l’égard des périodes mensuelles de déclaration de la demanderesse entre le 1er janvier et le 30 novembre 2019 en relation avec la requête faite par celle‑ci en vue d’obtenir une ordonnance provisoire au titre du paragraphe 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales;

2.  une ordonnance rejetant la requête de la demanderesse et la demande de contrôle judiciaire au motif que la question en litige présente maintenant un caractère théorique.

3.  À titre subsidiaire, le défendeur sollicite l’autorisation, en vertu du paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales, de déposer l’affidavit supplémentaire de Paul Stesco portant sur un entretien auquel il a participé avec des membres du CRTC dans le cadre de la requête faite par la demanderesse en vue d’obtenir une ordonnance provisoire au titre du paragraphe 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales.

[26]  Le défendeur a produit deux affidavits à l’appui de sa requête, à savoir un second affidavit, daté du 9 avril 2020, émanant de M. Smith, et un affidavit, daté du 10 avril 2020, émanant de M. Paul Stesco.

[27]  Dans son second affidavit, M. Smith déclare que le défendeur a délivré des avis respectifs de nouvelle cotisation et de cotisation pour les périodes de janvier à août 2019, et de septembre à novembre 2019. Il a joint une copie de ces avis à son affidavit.

[28]  La demanderesse s’est opposée au dépôt de l’affidavit de M. Stesco; conformément au pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 84(2) des Règles des Cours fédérales, DORS / 98‑106 (les Règles), cet affidavit n’a pas été déposé.

[29]  Si l’avocat de la demanderesse a initialement fait part de l’intention de contre‑interroger M. Smith sur son second affidavit en obtenant l’autorisation d’agir ainsi au début de l’audience, il a dit par la suite qu’il ne procéderait pas au contre‑interrogatoire sur cet affidavit.

[30]  L’avocat a été invité à formuler des observations sur l’ordre de l’instruction des deux requêtes. Je conviens avec l’avocat de la demanderesse que la requête de celle‑ci a été produite en premier lieu et devrait être instruite la première.

[31]  Comme il est indiqué plus haut, la requête en réparation de la demanderesse a été instruite antérieurement à la requête du défendeur. Il convient à ce stade d’examiner d’abord la requête du défendeur.

[32]  Le défendeur s’appuie sur le fait que les déclarations de TPS / TVH ont maintenant fait l’objet d’une cotisation à l’égard des périodes de septembre à novembre 2019 pour faire valoir que la requête en réparation de la demanderesse relativement à ces déclarations revêt désormais un caractère théorique. Il soutient que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse a aussi ce caractère théorique.

[33]  Le défendeur s’appuie en outre sur le fait que les avis de nouvelle cotisation ont été délivrés à l’égard des périodes de janvier à août 2019 pour faire valoir qu’il n’y a pas de sommes disponibles au crédit de la demanderesse, puisque des pénalités avec intérêts ont été infligées pour faute lourde et que la demanderesse doit de l’argent.

[34]  Citant l’arrêt JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c Canada (Revenu national), [2014] 2 RCF 557 (CAF), le défendeur soutient que, selon la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC, 1985, c T‑2, d’autres recours s’offrent à la demanderesse si elle entend contester les avis de nouvelle cotisation et de cotisation, ainsi que les pénalités avec intérêts pour faute lourde.

[35]  Par ailleurs, la demanderesse fait fond sur cette décision et maintient que la Cour fédérale peut façonner des recours adaptés aux faits, et notamment délivrer une ordonnance de mandamus pour obliger le défendeur à exercer des pouvoirs conférés par la Loi.

[36]  Le défendeur fait également valoir que l’article 318 de la Loi lui permet de mettre les sommes dues à un déclarant de la TPS comme la demanderesse en compensation des sommes qu’elle‑même doit. L’article 318 dit :

Recouvrement par voie de déduction ou de compensation

Recovery by deduction or set-off

318 Le ministre peut exiger la retenue par voie de déduction ou de compensation du montant qu’il précise sur toute somme qui est payable par Sa Majesté du chef du Canada, ou qui peut le devenir, à la personne contre qui elle détient une créance en vertu de la présente partie.

318 Where a person is indebted to Her Majesty in right of Canada under this Part, the Minister may require the retention by way of deduction or set-off of such amount as the Minister may specify out of any amount that may be or become payable to that person by Her Majesty in right of Canada

[37]  Le critère source du caractère théorique est énoncé dans l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342. Le juge Sopinka écrit :

La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

[38]  Je conviens avec la demanderesse qu’un « litige concret » subsiste entre les parties. Le défendeur a établi une cotisation pour les déclarations de septembre, octobre et novembre 2019. Il ne l’a pas encore fait pour les déclarations de décembre 2019 et de janvier et février 2020.

[39]  Dans ces circonstances, il est loisible à la Cour d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’instruire la requête.

[40]  La requête a été plaidée, des affidavits ont été produits, des contre‑interrogatoires ont eu lieu et des observations écrites ont été déposées.

[41]  Je remarque que l’article 318 de la Loi confère un pouvoir discrétionnaire au défendeur sans l’obliger. En d’autres termes, il a le choix d’appliquer à toute créance fiscale les sommes qui figurent au crédit de la demanderesse.

[42]  La demanderesse fait valoir que la Cour peut exercer sa compétence de surveillance par voie de contrôle judiciaire, quoique la Cour canadienne de l’impôt ait compétence pour connaître des différends en matière de cotisation et autres questions semblables.

[43]  La demanderesse se reporte à la décision Chrysler Canada Inc. c Canada, 2008 CF 727, au paragraphe 24, en ce qui concerne la compétence de la Cour à contrôler les abus de pouvoir. Ce paragraphe dit :

[24]  La lecture de ces passages permet de constater que la Cour suprême du Canada a entrouvert la possibilité de permettre un contrôle judiciaire d’une décision discrétionnaire du ministre dans certaines circonstances. Il n’est pas interdit à la Cour fédérale de statuer sur une demande de contrôle judiciaire portant sur une décision discrétionnaire d’établir une cotisation en vertu de la LIR. La Cour fédérale n’est pas non plus incompétente en matière fiscale pour accorder des réparations adaptées aux faits comme celles réclamées dans le cadre de la présente demande. La seule restriction imposée à la compétence de la Cour fédérale lorsqu’il s’agit de connaître d’une demande de contrôle judiciaire est que le recours au contrôle judiciaire ne demeure possible que dans la mesure où la question n’est pas autrement susceptible d’appel. Même alors, le contrôle judiciaire peut être exercé pour contrôler un abus de pouvoir. Cette conception du contrôle judiciaire garantit non seulement l’intégrité et l’efficacité du système d’établissement des cotisations fiscales, mais elle protège également la compétence exclusive de la Cour de l’impôt sur ces questions et permet d’éviter des procès inutiles sur des questions secondaires.

[44]  Pour les motifs qui précèdent, j’ai la conviction que la requête de la demanderesse n’a pas de caractère théorique; la requête du défendeur est rejetée.

[45]  Il n’est pas nécessaire que, pour l’instant, je traite du caractère théorique de la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire.

[46]  Je passerai maintenant à la requête de la demanderesse.

[47]  La demanderesse demande réparation à un double égard; elle sollicite une ordonnance pour que le défendeur établisse une cotisation sur ses déclarations de TPS / TVH et, en second lieu, elle demande que, dans l’attente des cotisations en question, les sommes versées en TPS / TVH lui soient remboursées pour qu’elle continue à exercer son activité.

[48]  La demanderesse fonde sa demande de réparation provisoire sur le paragraphe 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC, 1985, c F‑7 :

Mesures provisoires

Interim Orders

18.2 La Cour fédérale peut, lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, prendre les mesures provisoires qu’elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive.

18.2 On an application for judicial review, the Federal Court may make any interim orders that it considers appropriate pending the final disposition of the application.

[49]  Le critère applicable à une telle réparation, à savoir l’existence d’une question sérieuse à trancher, est énoncé dans l’arrêt RJR‑MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 31. Il faut aussi que la situation soit telle que le demandeur subira un tort irréparable sans pouvoir en être dédommagé si la réparation qu’il demande est refusée avant que la demande sous‑jacente ne soit tranchée. Il faut enfin que la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur. Le critère est triple et conjonctif.

[50]  Récemment, la Cour suprême du Canada a modifié les critères applicables aux « questions sérieuses » dans l’arrêt Canadian Broadcasting Corp., précité. Le défendeur fait valoir que, comme la réparation demandée est de la nature d’une injonction mandatoire, la demanderesse doit démontrer une forte apparence de droit, et non seulement que la question en litige n’est ni frivole ni vexatoire.

[51]  Dans l’évaluation d’une forte apparence de droit, la Cour doit s’attacher à la probabilité que le demandeur ait gain de cause dans sa demande sous‑jacente de contrôle judiciaire.

[52]  Dans la requête de la demanderesse, la question sérieuse doit être évaluée en lien avec sa demande sous‑jacente de contrôle judiciaire, dans laquelle elle sollicite une ordonnance de mandamus.

[53]  Le critère relatif à la délivrance d’une ordonnance de mandamus a été fixé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Apotex Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742. Voici les exigences auxquelles doit satisfaire la Cour pour délivrer une telle ordonnance :

  1. Il doit exister une obligation légale d’agir à caractère public.

    1. il y a eu une demande d’exécution de l’obligation, un délai raisonnable a été accordé pour y répondre et il y a eu un refus ultérieur, exprès ou implicite.

  2. Il n’existe aucun autre recours possible.

  3. L’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique.

  4. Rien n’empêche, sur le plan de l’équité, d’obtenir la réparation demandée.

  5. La prépondérance des inconvénients favorise la délivrance d’un mandamus.

  6. Si l’obligation à exécuter relève d’un pouvoir discrétionnaire, la nature et la manière d’exercer ce pouvoir discrétionnaire doivent être prises en considération.

2.  L’obligation doit exister envers le requérant.

3.  Il doit exister un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

a.  le requérant a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à cette obligation.

[54]  Si je me fie à la documentation présentée, je n’ai pas la conviction que la demanderesse a répondu au critère élevé relatif à l’existence d’une « question sérieuse » au vu des exigences susmentionnées qui doivent être satisfaites pour qu’une requête en mandamus soit acceuillie.

[55]  La preuve indique que, à la date où la requête de la demanderesse a été instruite, les déclarations de TPS / TVH pour les mois de décembre 2019 et de janvier et février 2020 n’avaient pas fait l’objet d’une cotisation.

[56]  Le défendeur a l’obligation devant la loi d’établir les cotisations en question. Ce devoir lui est imposé par le paragraphe 229(1) de la Loi. Il a droit à un délai raisonnable à cette fin. À mon avis, il est prématuré de demander la délivrance d’ordonnance de mandamus.

[57]  Comme la demanderesse n’a pas respecté le premier critère essentiel pour la réparation provisoire recherchée, sa requête doit être rejetée. Il n’est pas nécessaire de traiter des questions du tort irréparable et de la prépondérance des inconvénients.

[58]  Il n’est donc pas fait droit à la requête de la demanderesse.

[59]  Pour conclure, je fais mienne la règle générale selon laquelle une partie ne saurait obtenir, sur requête de réparation provisoire, la réparation ultime recherchée par voie de contrôle judiciaire. Voir la décision rendue dans Price c Canada (Procureur général), 2003 CFPI 764, au paragraphe 31.

[60]  Chaque partie a demandé les frais applicables à ses requêtes respectives. Exerçant le pouvoir discrétionnaire conféré par le paragraphe 400(1) des Règles, je ne rends aucune ordonnance quant aux frais.


ORDONNANCE dans le dossier T‑425‑20

LA COUR ORDONNE que les requêtes soient rejetées. Exerçant le pouvoir discrétionnaire conféré par les Règles des Cours fédérales, DORS / 98‑106, je ne rends aucune ordonnance quant aux frais.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de mail 2020.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑425‑20

 

INTITULÉ :

IRIS TECHNOLOGIES INC. c LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AVRIL 2020

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE heneghan

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 17 AVRIL 2020

COMPARUTIONS :

Leigh Somerville Taylor

Mireille Dahab

 

POUR LA DEMANDERESSE

Michael Ezri

Darren Prevost

Katie Beahen

Sandra Tsui

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Leigh Somerville Taylor

Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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