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Date : 20010116


Dossier : IMM-2049-99




ENTRE :




ABDALLAH JAAFAR ABOUL HASSAN

(alias ABDALLAH ABOUL HASSAN)

ZOHRA ROUMIEH

NESRINE ABOUL HASSAN

SARAH ABOUL HASSAN

ALY ABOUL HASSAN

MOHAMED ABOUL HASSAN


demandeurs


- et -




LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur








MOTIFS D'ORDONNANCE




LE JUGE SIMPSON


[1] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, fondée sur le paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), contre la décision, datée du 29 mars 1999, dans laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention (la décision).


[2] Il s'agit de la deuxième revendication du statut de réfugié que les demandeurs ont présentée. Leur première revendication a été rejetée en mars 1997. La décision ne traitait donc que des nouveaux éléments de preuve que les demandeurs ont produits.


Le contexte

[3] Il s'agit d'une famille de six personnes, soit l'époux, l'épouse et leurs quatre enfants à charge. Ils sont tous des citoyens du Liban. En outre, l'épouse et les enfants sont également des citoyens de la Guinée. À l'origine de la présente affaire de citoyenneté, l'époux (le demandeur) a vécu en Guinée de 1980 à 1995. Pendant cette période, il a travaillé en tant que gérant d'un magasin de meubles usagés. Il a épousé sa femme en Guinée, où ses quatre enfants sont nés.


[4] Le demandeur a grandi dans le village de Maarake, dans la partie sud du Liban. Après ses études secondaires et avant d'émigrer vers la Guinée, il a joint les rangs de la milice Amal, au sein de laquelle ses frères Mohamad et Ali étaient des officiers.


[5] Au début des années 1980, des troupes israéliennes contrôlaient la région de Maarake. Selon le demandeur, deux familles libanaises, les Faraj et les Khalil, collaboraient avec les Israéliens, allant même jusqu'à bombarder une mosquée afin d'assassiner des partisans de la milice Amal. Après que les Israéliens ont quitté en 1985, l'un des frères du demandeurs a mené une enquête sur l'attaque à la bombe de la mosquée. Par suite de son enquête, un membre de la famille Faraj a été exécuté et la famille Faraj en entier a été expulsée du village. La revendication du statut de réfugié du demandeur est principalement fondée sur le fait que la famille Faraj cherche à se venger en raison de ces événements.


[6] Depuis que sa première revendication du statut de réfugié a été rejetée, le demandeur a appris que sa mère et deux de ses frères, Mohamad et Ahmad, ont dû s'enfuir du Liban pour se rendre en Arabie saoudite, la demeure de Mohamad ayant plusieurs fois été attaquée à la bombe. À l'occasion de la dernière attaque, la mère du demandeur a été blessée et hospitalisée. Le demandeur a dit que ces attaques provenaient de la famille Faraj et, pour établir le bien-fondé de cette allégation, il s'est appuyé sur des lettres que deux de ses frères lui avaient envoyées (les lettres). La première lettre provenait de Hussein. Cette lettre, postée en France, était datée du 26 août 1998. En voici une partie :

[TRADUCTION] Abdallah, mon frère, je veux te faire part de la situation de notre famille en Arabie saoudite. J'ai reçu une lettre de notre frère Mohamad dans laquelle il m'a raconté combien ils ont souffert au Liban en raison des bombes et de la dynamite. C'est pour cette raison que notre mère et notre frère Ahmad ont décidé de rejoindre notre père en Arabie saoudite. Tout va bien et ils te saluent. J'ai également appris de lui qu'il t'avait envoyé une lettre expliquant en détail ce qui leur est arrivé au Liban, leurs problèmes, leurs inquiétudes et les menaces dont ils ont fait l'objet.

[7] La deuxième lettre, datée du 17 janvier 1999, provenait de Mohamad, qui se trouvait en Arabie saoudite. En voici une partie :

[TRADUCTION] J'ai quitté le Liban il y a environ un an. J'ai quitté dans de mauvaises circonstances, après quelques tentatives d'attaques à la bombe de notre maison. Ils nous pourchassent sans arrêt, en particulier « tu sais qui » ! Ils nous ont également menacé de mort et ils ont fait feu dans ma direction à quelques reprises, mais, Dieu merci, une balle m'a effleuré le pied une seule fois... Je maudis ceux qui nous causent à toi et nous tous ces problèmes. Je maudis ceux qui nous accusent, eux qui sont les véritables criminels. Ils nous ont chassés jusqu'à ce que nous nous séparions et nous trouvions tous dans des pays différents, alors qu'en fait, ce sont eux qu'on devrait juger et condamner.

[8] La Commission a examiné les lettres et conclu qu'elles n'établissaient pas clairement que la famille Faraj était responsable des attaques à la bombe. La Commission a conclu, sur le fondement de la preuve documentaire, que les attaques à la bombe ne visaient pas la famille du demandeur, mais qu'elles résultaient plutôt des troubles en général au Liban.


[9] À l'audition de la présente demande de contrôle judiciaire, le défendeur a reconnu que la Commission avait commis une erreur en fondant sa conclusion défavorable en matière de crédibilité sur le fait que le frère Mohamed du demandeur avait laissé sa famille au Liban. Cette conclusion n'était pas étayée par la preuve. En fait, Mohamed a quitté sa famille que lorsqu'elle était en sûreté en Arabie saoudite. Le défendeur a également convenu qu'une deuxième conclusion défavorable en matière de crédibilité avait peu de poids vu que la contradiction était de peu d'importance. Elle portait sur une conclusion de la Commission selon laquelle le témoignage du demandeur était contradictoire sur la question de savoir si les attaques à la bombe de la maison de sa famille avaient été rapportées à la police ou à d'autres autorités.


[10] L'avocat du demandeur a soutenu que comme la Commission a tiré ces conclusions erronées et de peu de poids en matière de crédibilité, elle ne pouvait par la suite apprécier le témoignage du demandeur de façon équitable. L'avocat du demandeur a essentiellement fait valoir que l'appréciation de la preuve documentaire par la Commission et la façon dont celle-ci a traité les lettres avaient été viciées par ses conclusions erronées et de peu de poids au sujet de la crédibilité du demandeur.

L'analyse

[11] Les avocats de l'une et l'autre partie ont convenu qu'il ressortait de la preuve documentaire que la milice Amal et le Hezbollah avaient formé une alliance électorale en 1996 qui leur avait permis de remporter les 23 sièges de la région sud du Liban lors des élections de cette année-là. Sur le fondement de cette preuve, la Commission a conclu que la famille Faraj n'avait pu disposer du pouvoir politique ou du pouvoir militaire nécessaire en vue de cibler la famille du demandeur à Maarake. À mon avis, il s'agissait là de la principale conclusion de la Commission. Une fois qu'elle avait conclu que la famille Faraj n'avait pu cibler la demeure familiale du demandeur au Liban, je suis d'avis que ses autres conclusions étaient de nature secondaire.


[12] Je suis d'accord avec la Commission que les lettres ne tenaient pas la famille Faraj responsable des attaques à la bombe de la demeure familiale au Liban. En outre, compte tenu de la preuve documentaire, j'estime que la Commission n'aurait agi de façon convenable en supposant que les lettres renvoyaient à la famille Faraj, comme l'a soutenu l'avocat du demandeur.


La conclusion

[13] J'ai conclu que la Commission n'a pas commis d'erreur en parvenant à la conclusion qu'aucune preuve n'étayait la prétention du demandeur. J'ai également conclu que les erreurs que la Commission a effectivement commises n'étaient pas importantes et qu'elles n'ont pas vicié son appréciation des lettres et de la preuve documentaire. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.




(signé) « Sandra J. Simpson »

J.C.F.C.


Vancouver (C.-B.)

Le 16 janvier 2001.








Traduction certifiée conforme




Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


Avocats inscrits au dossier


NO DU GREFFE : IMM-2049-99



INTITULÉ DE LA CAUSE : ABDALLAH JAAFAR ABOUL HASSAN

(alias ABDALLAH ABOUL HASSAN)

ZOHRA ROUMIEH

NESRINE ABOUL HASSAN

SARAH ABOUL HASSAN

ALY ABOUL HASSAN

MOHAMED ABOUL HASSAN

demandeurs


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION


défendeur


LIEU DE L'AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)


DATE DE L'AUDIENCE : LE 19 DÉCEMBRE 2000


MOTIFS D'ORDONNANCE PAR : LE JUGE SIMPSON


EN DATE DU : 16 JANVIER 2001


ONT COMPARU : M. Jon Dobrowolski


Pour les demandeurs


M. Marcel Larouche


Pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Jon Dobrowolski

Windsor (Ontario)


Pour les demandeurs


Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada


Pour le défendeur

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