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Date : 20041019

Dossier : IMM-88-04

Référence : 2004 CF 1434

Ottawa (Ontario), le 19 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

ENTRE :

                                                ARTURO LOPEZ COVARRUBIAS

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (Loi), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 10 décembre 2003. Dans cette décision, le tribunal a conclu que le demandeur ne satisfaisait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de personne à protéger à l'article 97.


QUESTION EN LITIGE

[2]                La conclusion du tribunal à l'effet que le demandeur a une possibilité de refuge interne (PRI) dans son pays est-elle manifestement déraisonnable?

[3]                Pour les motifs suivants, je réponds par la négative à cette question. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

CONTEXTE FACTUEL

[4]                Le demandeur est un réfugié mexicain qui allègue être exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans l'éventualité où il retournerait dans son pays d'origine.

[5]                Les faits allégués sont résumés par le tribunal comme suit. Le demandeur travaille depuis 1991, à son propre compte, comme technicien en réfrigération et, lors des événements qui ont mené à sa demande d'asile, il demeurait dans la ville de Ciudad Constitucion où il faisait la maintenance à l'Hôtel de ville.


[6]                Le demandeur a expliqué qu'il était membre du Parti Révolutionnaire Institutionnel depuis longtemps en temps que chef de pâté de maison et qu'il a travaillé pour le député fédéral Amancio Miranda au cours des élections de l'an 2000 quand ce dernier n'a pas été ré-élu. Il a raconté que c'est à ce moment qu'il a connu le fils du député Miranda. Le fils portait le même nom que le père soit Amancio Miranda. Le fils était avocat au bureau du Procureur général.

[7]                Selon le demandeur, Amancio Miranda, fils, l'a fait venir à son bureau, au cours de l'année 2002, pour lui demander s'il était disponible afin de travailler pour le Parti Révolutionnaire Institutionnel. Étant donné qu'il savait que le demandeur travaillait à l'Hôtel de ville qui était contrôlé par le Parti de l'Action Nationale (PAN), il lui a demandé, vers la mi-octobre 2002, de voler des documents pouvant impliquer des fonctionnaires de la municipalité qui auraient détourné des fonds en faveur du PAN. Le demandeur n'a pas répondu et n'a rien fait pour s'emparer de quelques documents.

[8]                Le 17 novembre 2002, il a reçu la visite de deux personnes imposantes. On lui a demandé de leur remettre ce qu'il avait obtenu comme documents. Le demandeur leur a répondu qu'il n'avait rien trouvé d'intéressant. L'un d'eux lui a fait savoir que le procureur Miranda voulait des résultats le plus tôt possible. Le 25 novembre, deux autres individus l'ont frappé en lui disant que le procureur attendait toujours ces documents.


[9]                Suite à cet incident, il a appelé le procureur Miranda le 20 décembre 2002 pour lui dire qu'il lui remettrait de l'information confidentielle lorsqu'il rentrerait au travail après les fêtes, soit le 6 janvier 2003. Profitant de ce délai, le demandeur a quitté la ville de Ciudad Constitucion le 21 décembre 2002 pour aller se réfugier chez son frère Alfredo à La Paz où il a passé quatre semaines. Le 6 janvier 2003, il a appris par un de ses amis de Constitucion qu'il était recherché et des personnes s'étaient présentées chez lui afin d'obtenir des documents.

[10]            Craignant le procureur Miranda, il a suivi les conseils de son frère et a quitté le pays le 24 janvier 2003. Lorsqu'il est arrivé au Canada, il a réclamé le statut de réfugié le 3 février 2003.

DÉCISION CONTESTÉE

[11]            La Commission a conclu que le demandeur était sincère et que son témoignage était crédible et ne saurait être mis en doute. Cependant, la Commission a déterminé qu'il n'existait pas de motifs sérieux de croire que le demandeur serait exposé au risque de torture au sens de la Convention contre la torture.

[12]            Afin d'arriver à cette conclusion, la Commission s'est demandée s'il existait, pour le demandeur, une possibilité de refuge interne (PRI) ailleurs au Mexique. Le procureur Miranda était au courant de la loi mexicaine et savait très bien que le demandeur devait le dénoncer dans l'État de la commission du crime. Si le réclamant se trouvait ailleurs au Mexique, ce risque pour le procureur était inexistant.

[13]            De plus, comme le demandeur n'était plus en mesure de fournir les documents de l'Hôtel de ville concernant le PAN, le procureur n'avait plus d'intérêt à le menacer ou à le battre.

[14]            Finalement, le réclamant a déclaré à la Commission qu'il n'avait pas l'intention de dénoncer ce procureur par crainte de représailles contre ses filles. Il a ajouté qu'il n'avait pas l'intention de retourner dans l'État où se trouvait le procureur.

ANALYSE

[15]            Les deux parties s'accordent sur la norme de contrôle dans un cas semblable soit celle de la décision manifestement déraisonnable (Chorny c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, 2003 CF 999, [2003] A.C.F. no 1263 (1ère inst.) (QL) et Mohammed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 954, [2003] A.C.F. no 1217 (1ère inst.) (QL)).

[16]            La Cour fédérale d'appel dans la décision Thirunavukkarasu. c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.), a défini le concept de la possibilité d'un refuge interne comme suit :

[...] Le concept de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays est "inhérent" à la définition de réfugié au sens de la Convention; il ne lui est pas distinct. Selon cette définition, les demandeurs de statut doivent craindre avec raison d'être persécutés et, du fait de cette crainte, ils ne peuvent ou ne veulent retourner dans leur pays d'origine. S'il leur est possible de chercher refuge dans leur propre pays, il n'y a aucune raison de conclure qu'ils ne peuvent ou ne veulent pas se réclamer de la protection de ce pays.

[17]            Quant au fardeau de preuve, elle a ajouté ceci :

Puisque l'existence ou non de la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays fait partie intégrante de la décision portant sur le statut de réfugié au sens de la Convention du demandeur, il appartient à ce dernier de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il risque sérieusement d'être persécuté dans tout le pays, y compris la partie qui offrait prétendument une possibilité de refuge. [...]

[18]            Les critères applicables pour conclure à l'existence d'une PRI sont énoncé dans les arrêts Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.) et Thirunavukkarasu, précité. Le test comporte deux volets : 1) La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté à l'endroit proposé comme PRI; 2) Compte tenu des circonstances dont celles personnelles au demandeur, la situation à l'endroit proposé comme PRI doit être telle qu'il n'est pas déraisonnable pour ce dernier d'y trouver refuge.

[19]            En l'espèce, le demandeur craint les menaces du procureur Miranda de la municipalité de Ciudad Constitucion dans l'État de Baja California Sur, suite à son refus d'accomplir un acte criminel, soit le vol de certains documents à l'Hôtel de ville. Tel qu'il a été mentionné plus haut, il appartient au demandeur de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu'il risque sérieusement d'être persécuté dans les autres parties de son pays.


[20]            Il craint la vengeance du procureur Miranda avec les autorités policières qui pourraient le retrouver facilement au Mexique. Le tribunal n'a pas retenu cette affirmation. Compte tenu de l'absence de juridiction de la police à l'extérieur de l'État où le crime aurait été commis, je ne considère pas comme manifestement déraisonnable la conclusion du tribunal à ce sujet.   

[21]            Son ex-épouse et ses deux filles sont retournées habiter dans la résidence du demandeur au Mexique trois mois après son départ pour le Canada et n'ont jamais reçues de visite de la police ou des envoyés de Miranda. La preuve qui ressort du témoignage du demandeur démontre que depuis 6 janvier 2003, personne n'a entendu parler du procureur Miranda.

[22]            La Cour n'a pas l'intention d'intervenir ici car le tribunal a motivé de façon raisonnable la possibilité pour le demandeur d'un refuge interne ailleurs dans son pays.

[23]            Les parties ont décliné de soumettre des questions sérieuses de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n'est certifiée.

            « Michel Beaudry »            

Juge


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                                         IMM-88-04

INTITULÉ :                                        ARTURO LOPEZ COVARRUBIAS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 28 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET


ORDONNANCE :                              L'HONORABLE JUGE BEAUDRY

DATE DES MOTIFS :                                   le 19 octobre 2004

COMPARUTIONS :

Michelle Langelier                                  POUR LE DEMANDEUR

Andrea Shahin                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michelle Langelier                                  POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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