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                                               Date : 19980828

                                         Dossier : IMM-2932-97

OTTAWA (ONTARIO), le 28 août 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE

                    EMMANUEL EGHOSA ODOBO,

                                                    demandeur,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                    défendeur.

          VU la demande présentée par le demandeur en vue d'obtenir le contrôle judiciaire et l'annulation de la décision en date du 23 juin 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention;

          Après avoir entendu les avocats des parties à Toronto le 25 juin 1998, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard, et après avoir examiné les observations alors faites;

                          ORDONNANCE

          LA COUR ORDONNE QUE la demande soit rejetée.

                                  W. Andrew MacKay    

                                      Juge

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                                               Date : 19980828

                                         Dossier : IMM-2932-97

ENTRE

                    EMMANUEL EGHOSA ODOBO,

                                                    demandeur,

                              et

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                    défendeur.

                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision en date du 23 juin 1997 dans laquelle la section du statut de réfugié (SSR), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Les avocats des parties ont été entendus à Toronto le 25 juin 1998, date à laquelle le prononcé de la décision a été remis à plus tard. Une ordonnance est maintenant rendue pour rejeter la demande pour les motifs invoqués en l'espèce.


Les faits

[2]        Le demandeur, citoyen du Nigeria, soutient qu'il s'est enfui de ce pays par crainte d'être persécuté par les autorités nigérianes du fait de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social. Le demandeur a travaillé pour Alhaja Kudirat Abiola, la feue épouse du Chef M.K.O. Abiola, celui qui aurait gagné l'élection présidentielle au Nigeria en juin 1993. L'élection a été annulée par le gouvernement militaire, et le Chef Abiola a été arrêté et détenu jusqu'au début de juillet 1998, date à laquelle il serait mort à un moment où on discutait de sa mise en liberté, alors que le prononcé de la décision en l'espèce a été remis au plus tard.

[3]        Le demandeur a tout d'abord travaillé en 1992 comme membre du personnel de bureau d'Ayinki Pharmaceutical Co. of Nigeria Ltd., compagnie appartenant à Mme Abiola. En janvier 1996, il a quitté la compagnie pour devenir un assistant au bureau du Dr Adesina, l'adjoint personnel de Mme Abiola, et le directeur relevant de celle-ci. Depuis son arrestation en 1994, Mme Abiola a travaillé pour la mise en liberté de son mari et l'installation de ce dernier comme président. Le demandeur prétend avoir aidé à distribuer des pamphlets et des tracts apparemment pour le compte de Mme Abiola, relativement à la lutte pour la démocratie.

[4]        Le 4 juin 1996, Mme Abiola a été assassinée par des inconnus. Le patron du demandeur, le Dr Adesina se trouvait également dans la voiture dans laquelle voyageait Mme Abiola lorsque cette voiture a été criblée de balles. Le 6 juin 1996, le demandeur a remarqué que son bureau avait été fouillé. Cinq membres du personnel ont été arrêtés et détenus, par déduction dans l'enquête sur l'assassinat de Mme Abiola. D'après le demandeur, il retournait à son bureau après le déjeuner lorsqu'il a vu, de loin, deux camions militaires stationnés en face du bureau et des soldats entrer dans l'enceinte du bureau et, par la suite, il a

vu les membres du personnel, les menottes aux poignets, conduits aux camions.

[5]        Le demandeur a immédiatement quitté les alentours. Il a téléphoné à son père pour indiquer qu'il ne rentrerait pas à la maison de peur d'être retrouvé. Au lieu de cela, il s'est réfugié chez un ami, où il s'est caché. Selon le demandeur, la maison de ses parents à Lagos a été visitée le 7 juin, et on exigé que le demandeur se livre. Les parents et les frères et soeurs du demandeur ont par la suite quitté la maison par crainte d'être détenus.

[6]        Le demandeur s'est caché jusqu'à ce que des documents de voyage aient été préparés. Il est alors venu au Canada et il y a revendiqué le statut de réfugié. Il est allégué que le père du demandeur a expédié par la poste des documents pour appuyer l'emploi déclaré par le demandeur, mais celui-ci ne les a pas reçus. Sa soeur lui a par la suite envoyé un certificat de naissance, et il est allégué qu'il l'a reçu dans une enveloppe portant le cachet de la poste indiquant une date ultérieure à celle à laquelle ce certificat avait, selon lui, été reçu.

La décision de la SSR

[7]        La SSR a reconnu que le demandeur était citoyen nigérian. Elle a toutefois noté qu'aucune preuve documentaire n'avait été présentée pour appuyer sa prétention selon laquelle il était un employé de Mme Abiola ou il se trouvait au Nigeria à l'époque alléguée. De plus, lorsqu'on l'a interrogé sur ses responsabilités dans son travail pour le Dr Adesina, et celles des autres employés, il était déconcerté, et il a donné différentes versions du nombre d'employés et de leurs rôles. Son témoignage, dit-on, ne sonne pas juste.

[8]        Certes, il existe une preuve documentaire de la détention des parents du Dr Abiola et des opposants politiques au régime régnant et de l'enquête menée à cet égard; mais il n'existe aucune preuve de ce genre selon laquelle l'un quelconque des employés de Mme Abiola a été détenu ou a été recherché par les autorités. En soupesant le témoignage du demandeur à la lumière de la preuve documentaire, le tribunal a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du demandeur n'était pas digne de foi.

[9]        Dans la décision de la SSR, la principale question se pose de [TRADUCTION] « savoir si le demandeur a raison de craindre d'être persécuté parce qu'il était un agent de bureau de l'adjoint personnel de [Mme] Abiola. Il a également prétendu craindre de retourner au Nigeria parce qu'il a distribué des documents favorisant la démocratie. Le tribunal a conclu qu'il n'existait pas de preuve convaincante qui indiquait que le demandeur avait attiré l'attention des autorités ou qu'il était maintenant recherché pour des activités passées. D'après son propre témoignage, il n'a pas eu de difficultés avec les autorités avant le décès de Mme Abiola en juin 1996 ou, en fait, jusqu'à son départ du Nigeria.

Analyse

[10]       D'après l'avocat du demandeur, en concluant qu'il n'existait aucune preuve convaincante indiquant que celui-ci s'associait avec Mme Abiola, ou que des employés avaient été détenus ou recherchés par les autorités, le tribunal a indûment insisté sur le témoignage imprécis ou qui crée de la confusion concernant les employés du personnel et leurs responsabilités respectives dans le bureau de Mme Abiola. Il est allégué en outre que le tribunal s'est appuyé sur la preuve documentaire qui portait sur la situation générale de la détention des membres de la famille du leader détenu, le Chef Abiola, et des associés proches de ce dernier, qui ne contredisait pas directement le témoignage sous serment du demandeur selon lequel il craignait d'être persécuté du fait de son association avec Mme Abiola et de ses activités de distribution de pamphlets qui seraient considérés comme attaquant le gouvernement au pouvoir.

[11]       Je suis persuadé, comme le défendeur le prétend, qu'il était loisible au tribunal, compte tenu des éléments de preuve dont il disposait, de conclure que le demandeur n'était pas un témoin crédible en ce qui concerne sa relation avec Mme Abiola et le personnel de son bureau, et qu'il n'existait pas de preuve qu'il avait déjà attiré l'attention des autorités en tant que membre de du personnel de Mme Abiola ou pour ses activités de rédaction de pamphlets. Le tribunal a exposé ses motifs de mettre en doute la crédibilité du demandeur.

Conclusion

[12]       Le tribunal était le juge des faits, et il a observé le demandeur dans son témoignage. À moins qu'il n'existe aucune preuve étayant la conclusion du tribunal, de sorte qu'on peut dire de sa conclusion sur la crédibilité qu'elle est abusive, il n'y a pas lieu pour la Cour d'intervenir.

[13]       La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Que la Cour parvienne à la même décision que celle rendue par le tribunal n'est pas une question qui se pose. J'estime qu'on ne saurait qualifier la décision en question d'abusive ni dire qu'elle ne repose pas sur les éléments de preuve dont disposait le tribunal. Le tribunal a soupesé ces éléments de preuve, comme il était en droit de le faire.

[14]       Les avocats des parties n'ont présenté à la Cour aucune question pour qu'elle l'examine en vue d'une certification possible en application du paragraphe 83.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée, et il n'y a donc pas lieu à certification.

                                       W. Andrew MacKay   

                                           Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 28 août 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                 SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :IMM-2932-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :Emmanuel Eghosa Odobo c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 25 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :       le juge MacKay

EN DATE DU28 août 1998

ONT COMPARU :

Kingsley I. Jesuorobo                pour le demandeur

Marcel Larouche                  pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:

Kingsley I. Jesuorobo

North York (Ontario)

                                pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

                                pour le défendeur

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