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Date : 19990706


Dossier : T-1435-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -


     WAN LAU,

     défenderesse.



     MOTIFS DU JUGEMENT


LE JUGE MacKAY



[1]      Le Ministre demandeur interjette appel d"une décision prononcée le 21 mai 1998 par laquelle le juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté canadienne présentée par la défenderesse. Il est affirmé que le juge a commis une erreur parce que la défenderesse ne satisfait pas aux conditions de résidence fixées par l"alinéa 5(1)c ) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, et ses modifications (la Loi).


[2]      L"alinéa 5(1)c ) de la Loi exige que la personne qui demande la citoyenneté ait résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre ans qui ont précédé la date de sa demande. Cela signifie que la personne qui présente la demande doit avoir résidé au Canada pendant 1 095 jours au cours des quatre ans précédant sa demande de citoyenneté.


[3]      En l"espèce, la demanderesse, une femme originaire de Hong Kong âgée maintenant de 74 ans, est arrivée au Canada le 28 novembre 1992, date à laquelle elle a obtenu le droit d"établissement et est devenue résidente permanente. Par la suite, elle est restée au Canada, sauf pendant un certain nombre de visites prolongées à Hong Kong où elle a aidé les membres de sa famille, tant ses enfants que sa soeur aînée. Elle a été à l"extérieur du Canada à ces fins du 25 novembre 1993 au 22 mai 1994, du 27 novembre 1994 au 24 avril 1995, du 22 novembre 1995 au 12 mai 1996 et du 28 août 1996 jusqu"à la date de sa demande de citoyenneté, soit le 24 mai 1997. Ainsi, depuis son arrivée au Canada, elle a été absente du pays pendant 766 jours, dont 694 s"inscrivent dans les quatre années précédant sa demande de citoyenneté.


[4]      Dans sa décision, le juge de la citoyenneté a fait les observations suivantes :

[TRADUCTION] À L"AUDIENCE TENUE DEVANT MOI LE 22 AVRIL 1998, J"AI CONCLU QUE LA DEMANDERESSE REMPLISSAIT TOUTES LES CONDITIONS REQUISES PAR LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ À L"EXCEPTION PEUT-ÊTRE DE LA RÉSIDENCE.
LA DEMANDERESSE AFFICHE UN DÉFICIT DE 401 JOURS POUR SATISFAIRE L"EXIGENCE MINIMALE DE RÉSIDENCE DE TROIS ANS AU CANADA FIXÉE DANS LA LOI. CE DÉFICIT EST ATTRIBUABLE À SES ABSENCES TEMPORAIRES DU PAYS AU COURS DES QUATRE ANNÉES PRÉCÉDANT LA PRÉSENTATION DE SA DEMANDE.
APRÈS AVOIR EXAMINÉ LE QUESTIONNAIRE SUR LA RÉSIDENCE AINSI QUE D"AUTRES ÉLÉMENTS ET LA DOCUMENTATION PRÉSENTÉS, ET AU VU D'UNE DÉCLARATION D"INTENTION DIGNE DE FOI ET DES FAITS PRÉSENTÉS PAR LA DEMANDERESSE À L"AUDIENCE, J"AI CONCLU QU"ELLE AVAIT ÉTABLI UNE BASE RÉSIDENTIELLE À [...] ET UN MODE DE VIE CENTRALISÉ AU CANADA LE 28 NOVEMBRE 1992 .
J"ESTIME AUSSI QUE LA DEMANDERESSE A CONTINUÉ DE MAINTENIR SA BASE RÉSIDENTIELLE ET SON MODE DE VIE CENTRALISÉ AU CANADA DURANT SES ABSENCES TEMPORAIRES ET QU"ELLE N"AVAIT AUCUNEMENT L"INTENTION D"ÉTABLIR SA RÉSIDENCE AILLEURS QU"AU CANADA.
DÉCISION
J"AI DÉCIDÉ QUE LA DEMANDERESSE WAN LAU A COMPLÈTEMENT SATISFAIT AUX CONDITIONS DE L"ALINÉA 5(1)c ) DE LA LOI ET QUE SA DEMANDE S"INSCRIT DANS LE CADRE DÉCRIT PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT (*TEL ÉTAIT ALORS SON TITRE) DANS L"AFFAIRE RE : PAPADOGIORGAKIS , T-872-78.
PAR CONSÉQUENT, J"AI APPROUVÉ LA PRÉSENTE DEMANDE.

[5]      Après avoir entendu l"avocat du Ministre ainsi que la défenderesse, qui se représentait elle-même et était secondée par des membres de sa famille, je suis d"avis que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit. Bien que celui-ci se soit fondu sur la décision du juge Thurlow, qui était alors juge en chef adjoint de la présente Cour, dans l"affaire Re Papadogiorgakis , [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), je me trouve malheureusement dans l'obligation de dire que le juge de la citoyenneté n"a pas correctement appliqué le principe tiré de cette décision. D"après ce principe, une personne n"a pas à être physiquement présente au Canada pour maintenir sa résidence une fois que celle-ci a été établie. Bien que le juge de la citoyenneté mentionne cette condition dans sa décision, il commet une erreur en l"appliquant lorsqu"il conclut que Mme Lau avait établi une base résidentielle au Canada et qu"elle avait centralisé son mode de vie ici le 28 novembre 1992. En fait, cette date est plutôt celle de son arrivée et de son installation en tant que résidente permanente du Canada. Le simple fait d"arriver au Canada et d"obtenir le statut de résident permanent ne constitue pas une résidence pour les besoins de la Loi sur la citoyenneté. Il doit y avoir une preuve supplémentaire étayant le fait qu"elle y a établi sa résidence. À mon avis, le dossier ne prouve aucunement qu"elle avait établi sa résidence au Canada avant de partir pour sa première visite à Hong Kong, environ un an après son arrivée ici. J"ajoute qu"il n"y a pas non plus, selon moi, de preuve montrant qu"elle a établi sa résidence au Canada par la suite. Bien que la décision du juge de la citoyenneté mentionne un questionnaire sur la résidence, je n"en ai pas trouvé dans le dossier de la Cour; tout ce que j"ai trouvé c"est le relevé corrigé de ses absences du Canada présenté avec la demande de citoyenneté. Le dossier ne contient aucune preuve documentaire permettant de conclure qu"elle avait établi sa résidence au Canada. En l"absence de preuve étayant l"établissement d"une résidence, Mme Lau ne peut être considérée comme une résidente du Canada pendant les périodes où elle a été à l"extérieur du pays.

[6]      Comme j'estime, respectueusement, que le juge de la citoyenneté a commis une erreur dans l"application de la loi, l"appel du Ministre est accueilli et la décision du juge de la citoyenneté est annulée.

[7]      Je signale que cette décision n"a aucun effet sur le statut de résidente permanente du Canada de Mme Lau. Ce statut lui permet de rester au pays, de le quitter et d"y revenir, à supposer qu"elle possède les documents de voyage voulus. Cette décision ne l"empêche pas de demander de nouveau la citoyenneté au moment approprié, et j"espère qu"elle le fera.


    

                                         JUGE


OTTAWA (Ontario)

Le 6 juillet 1999


Traduction certifiée conforme :


Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :              T-1435-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration c. Wan Lau

LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :              Le 29 juin 1999


MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MacKAY en date du 6 juillet 1999


ONT COMPARU :     

Godwin Friday                      pour le demandeur

Wan Lau                          pour son propre compte

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      pour le demandeur

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