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Date : 20041203

Dossier : T-268-04

Référence : 2004 CF 1698

Ottawa (Ontario), le 3 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE W. ANDREW MACKAY

ENTRE :

                                                 EMMANUEL HABIB TADROSS

                                                                                                                                      demandeur

                                                                            et

                                   CANADA (MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

                                                                                                                                         défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur, M. Tadross, sollicite le contrôle judiciaire d'une décision en date du 6 janvier 2004 par laquelle le ministre du Revenu national a refusé d'exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) (la disposition d'équité) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) de renoncer aux intérêts et aux pénalités payables par le demandeur sur son compte d'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993.

[2]                Le demandeur a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite en 1991. Il a été libéré en mars 1994 et la libération du syndic de faillite a eu lieu en 1999. En mai 1991, le demandeur a chargé par écrit le syndic de déposer toute déclaration de revenus antérieure à la faillite ainsi que la déclaration postérieure à la faillite concernant le reste de l'année 1991 et il a mandaté le syndic pour qu'il traite en son nom avec les autorités fiscales. Bien que M. Tadross ait par la suite informé l'administration fiscale (l'ADRC ou l'Agence) qu'il avait donné pour instructions à son syndic de déposer ses déclarations fiscales en son nom pour les années 1992 et 1993, le syndic n'a produit ces déclarations pour le compte du demandeur qu'en 1994.

[3]                Pendant la période où M. Tadross était en faillite et où il n'avait pas encore été libéré, son syndic se chargeait de toutes les communications avec l'Agence relativement à ses affaires fiscales. À l'ADRC, communiquer avec le syndic et non directement avec le contribuable failli est chose courante et M. Tadross n'a fait l'objet d'aucune communication avant 1994. Il n'a donc pas été informé directement que ses déclarations de revenus de 1992 et de 1993 n'avaient été produites qu'en 1994. On lui a donc infligé des pénalités en raison du retard qu'accusait la production de sa déclaration fiscale et on lui a réclamé des intérêts en vertu de la Loi. Le demandeur a finalement payé l'impôt exigible, mais il a contesté les pénalités et les intérêts.

[4]                Le demandeur a invité le ministre à exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la Loi et qui l'autorise à renoncer en totalité ou en partie aux pénalités ou intérêts payables par le contribuable ou à les annuler en totalité ou en partie :



220.(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

220.(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to 152(5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.


[5]                La demande que le demandeur a formulée dans ses lettres du 8 juillet et du 14 août 2003 était fondée sur la perception que, pendant la faillite de M. Tadross, le contrôle de ses biens et de son revenu était entre les mains de son syndic et qu'il n'avait aucun droit de regard sur ses affaires financières. Qui plus est, l'ADRC avait communiqué uniquement avec le syndic, et non avec le demandeur, et lorsqu'elle a communiqué avec lui en 1994, après sa libération, il avait satisfait à toutes les exigences de l'Agence en chargeant notamment son syndic de produire ses déclarations fiscales pour 1992 et 1993. Au cours de sa faillite, il avait répondu à toutes les demandes du syndic, y compris celles relatives à ses affaires fiscales.

[6]                La demande de réparation fondée sur la disposition d'équité a été rejetée au motif que l'ADRC ne disposait d'aucun indice lui permettant de conclure qu'il s'agissait d'une situation extraordinaire, c'est-à-dire, essentiellement, d'une situation indépendante de la volonté du contribuable. Les erreurs ou les retards imputables à des tiers ne répondent pas à la définition que l'Agence donne à ce type de situation.


[7]                La question a été portée à un second palier, celui du directeur régional de la fiscalité, à qui l'on a demandé de réviser et de réexaminer la décision au motif que la présente situation correspondait de toute évidence à celle qui est visée par la circulaire d'information publiée au sujet de la disposition d'équité. Après avoir examiné la question, le directeur régional a rejeté la demande au nom du ministre. C'est cette décision qui est à l'origine de la présente demande de contrôle judiciaire.

[8]                Au procès, les deux parties ont convenu que la norme de contrôle applicable en l'espèce était celle de la norme manifestement déraisonnable (voir les jugements Sharma c. Canada (Agence des douanes et du revenu), [2001] 3 C.T.C. 169 (C.F. 1re inst.), Cheng c. Canada, [2001] A.C.F. no 1532 (C.F. 1re inst.) (QL)). Cette norme exige que le demandeur démontre que la décision est entachée de mauvaise foi ou que son auteur a ignoré des faits pertinents ou a tenu compte de faits non pertinents ou encore que la décision est contraire au droit. Le demandeur n'a pas prétendu que la décision était entachée de mauvaise foi mais il a fait valoir qu'elle avait été prise sans tenir compte des faits pertinents, en particulier du fait que le demandeur n'avait aucun droit de regard sur ses affaires financières durant sa faillite et qu'il n'avait pas été informé à l'époque du défaut de produire les déclarations de revenus.


[9]                Je ne suis pas persuadé que la preuve de l'un quelconque de ces motifs a été faite en l'espèce. L'auteur de la décision de rejeter la demande formulée par le demandeur a de toute évidence tenu compte de la situation personnelle du demandeur. La situation en question serait dans l'esprit des dispositions législatives et des Lignes directrices concernant l'annulation des intérêts et des pénalités (IC-92-2, 18 mars 1992) qui renferment des renseignements et des lignes directrices au sujet de l'application du paragraphe 220.(3.1) de la Loi. Voici un extrait de ces lignes directrices :

Lignes directrices et exemples de cas où l'annulation des intérêts et des pénalités ou la renonciation à ceux-ci peuvent être autorisées

5.              Il sera convenable d'annuler la totalité ou une partie des intérêts ou des pénalités, ou de renoncer à ceux-ci, si ces intérêts ou ces pénalités découlent de situations indépendantes de la volonté du contribuable ou de l'employeur. Voici des exemples de situations extraordinaires qui pourraient empêcher un contribuable, un agent du contribuable, l'exécuteur d'une succession ou un employeur de faire un paiement dans les délais exigés ou de se conformer à d'autres exigences de la Loi de l'impôt sur le revenu :

a)              une calamité naturelle ou une catastrophe provoquée par l'homme comme une inondation ou un incendie;

b)              des troubles civils ou l'interruption de services comme une grève des postes;

c)              une maladie grave ou un accident grave;

d)              des troubles émotifs sérieux ou une souffrance morale grave comme un décès dans la famille immédiate.


[10]            Dans sa décision, le directeur régional de la fiscalité s'est fondé sur les dispositions législatives qui prévoient que l'obligation de produire la déclaration de revenus annuelle incombe au contribuable, en l'occurrence la personne physique concernée. La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit que le syndic de faillite doit être considéré comme le mandataire du failli pour l'application de la Loi. Elle oblige aussi le syndic à produire toutes les déclarations de revenus que le failli n'a pas soumises avant la date de la cession de faillite. La Loi n'oblige personne d'autre que le contribuable à produire une déclaration fiscale après la faillite. En l'espèce, M. Tadross a chargé par écrit le syndic de produire les déclarations antérieures et postérieures à la faillite pour l'année 1991. Aucune autre directive écrite n'a vraisemblablement été donnée et aucune n'a été portée à la connaissance de l'Agence. Les actes accomplis par le syndic relativement aux biens du failli à la suite de la faillite n'ont rien changé à l'obligation de produire des déclarations de revenus pour les années 1992 et 1993. Le demandeur est demeuré responsable de toutes les dettes, y compris des dettes fiscales, nées après la date de la faillite et il a continué à être tenu, en vertu de la Loi, de produire les déclarations annuelles exigées.

[11]            Dans ces conditions, il n'a pas été établi que l'Agence n'a pas tenu compte des faits pertinents ou des arguments formulés au nom de M. Tadross ou qu'elle a tenu compte de facteurs non pertinents. Qui plus est, le fait que M. Tadross n'a pas été avisé directement, après sa libération, de son défaut de produire ses déclarations pour les années 1992 et 1993 ne saurait être considéré comme injuste alors qu'aux termes de la Loi, il avait l'obligation de produire les déclarations en question et ce, indépendamment de l'entente conclue entre lui et son syndic. Il ne s'agissait pas d'une situation indépendante de la volonté du contribuable. Vu cette conclusion, la Cour prononce l'ordonnance suivante :


                                   O R D O N N A N C E

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens, lesquels seront fixés au montant sur lequel les parties pourront s'entendre ou, à défaut d'entente, à la somme de 2 000 $.

                                                                      « W. Andrew MacKay »       

     Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :               T-268-04

INTITULÉ:               EMMANUEL HABIB TADROSS

et

CANADA (MINISTRE DU REVENU NATIONAL)

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 3 novembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  MONSIEUR LE JUGE W. ANDREW MACKAY

DATE DES MOTIFS :                                  Le 3 décembre 2004

COMPARUTIONS:

Nicholaus De Koning                                                 POUR LE DEMANDEUR

Surksha Nayay                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Miller Thomson s.r.l.                                                   POUR LE DEMANDEUR

22, rue Frederick, bureau 700

C.P. 578

Kitchener (Ontario) N2G 4A2                                 

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario) M5X 1K6                                    


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