Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date : 19990210

     Dossier : T-1168-98



ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     - et -

     KUO TAI WANG,

     défendeur.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE



LE JUGE CAMPBELL

[1]      La décision que je rends dans la présente demande de contrôle judiciaire est conforme aux conclusions interprétatives auxquelles je suis parvenu dans l'affaire MCI c. Wing Tung Thomas Yeung (C.F. 1re inst., no T-1256-98, décision rendue le 3 février 1999)1.

[2]      L'espèce concerne des éléments de preuve et des ordonnances en matière de citoyenneté visant M. Kuo Tai Wang et sa femme, Mme Yueh Ying Tsai. L'appel de l'ordonnance attribuant la citoyenneté à Mme Tsai fait toutefois l'objet d'un dossier distinct (C.F. 1re inst., no T-1167-98). Les motifs qui suivent s'appliquent aux deux affaires puisque la question litigieuse est la même dans les deux cas.

[3]      M. Wang et Mme Tsai ont présenté une demande de citoyenneté le 31 juillet 1997 et le demandeur soutient que, dans les quatre ans qui ont précédé cette date, les conditions prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté n'ont pas été remplies.

[4]      En ce qui concerne la preuve, les motifs donnés par le juge de la citoyenneté sont bien étayés par le dossier. Les voici :

     [traduction]
     J'approuve leur demande de citoyenneté canadienne après les avoir rencontrés et avoir examiné leurs documents et le questionnaire relatif à la résidence.
     Wang - jours au Canada      579
     Tsai -      " " "      764
     À mon avis, ce couple considère le Canada comme son foyer : ils ont acheté une maison à Richmond en 1994 et ils continuent d'y vivre.
     [Leurs] enfants vont à l'université en Colombie-Britannique. L'un va à U.B.C. et l'autre va à U.N.B.C. Les deux enfants ont la citoyenneté canadienne. M. Wang et sa femme se rendent en Chine par affaire et, dernièrement, ils y sont allés parce qu'un père est décédé du cancer. M. Wang travaille pour une entreprise canadienne, Atech Computer Inc.

     J'estime qu'ils seront un atout pour le Canada.

[5]      Selon moi, il ressort clairement des motifs que, en ce qui concerne les deux défendeurs, le juge de la citoyenneté a tenu compte de la preuve et, plus particulièrement, de la période passée au Canada, et a tenu compte de l'intention des défendeurs d'établir et de conserver une résidence au Canada.

[6]      Je conclus que le juge de la citoyenneté a appliqué le critère approprié et a correctement appliqué la preuve à ce critère. Je ne relève donc aucune erreur susceptible de révision.

[7]      Par conséquent, je rejette le présent appel visant M. Wang.

[8]      L'attribution des dépens relève de mon pouvoir discrétionnaire et il n'y a pas lieu, selon moi, de déroger à l'exercice normal de ce pouvoir. Par conséquent, comme M. Wang a obtenu gain de cause, je lui adjuge les dépens.


                                 (S) " Douglas Campbell "

                                         Juge




Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 10 février 1999




Traduction certifiée conforme


Marie Descombes, LL.L.



1.      [1]      Je souscris à la décision rendue par le juge Rouleau dans l'affaire MCI c. Hin Keung Hung (C.F. 1re inst., no T-1345-98, en date du 21 décembre 1998), à savoir qu'en vertu des nouvelles règles, les appels en matière de citoyenneté ne sont plus des procès de novo et, partant, sont régis par le paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale. À cet égard, la Cour doit avoir relevé une erreur susceptible de révision pour annuler la décision d'un juge de la citoyenneté. En dehors des erreurs de droit manifestes, lesquelles sont rares, les appels en matière de citoyenneté en vertu des nouvelles règles reposent sur l'alinéa 18.1(1)d), au sujet duquel le juge Rouleau a déclaré au par. 4 de l'affaire Hung :
         L'alinéa 18.1(4)d) codifie la façon dont les cours de justice envisagent les conclusions de fait tirées par les tribunaux administratifs. Dans l'arrêt Kibale c. Transports Canada (1988), 90 N.R. 1 (C.A.F.) (autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée (1989), 101 N.R. 238 (C.S.C.)), le juge Pratte a déclaré, à la p. 4, que " même si la Cour est convaincue qu'une décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, elle ne peut intervenir à moins qu'elle ne soit également d'avis que le tribunal inférieur, en tirant cette conclusion, a agi de façon absurde, arbitraire ou sans égard à la preuve ". Non seulement la conclusion de fait doit avoir été tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans égard à la preuve soumise à l'arbitre, mais la Cour doit également tirer pareille conclusion pour pouvoir intervenir en vertu de l'alinéa 18.1(4)d ).
     [2]      La question litigieuse en l'espèce consiste à savoir si le juge de la citoyenneté a correctement interprété les dispositions de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), dont voici le libellé :
         5.(1)      Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :
         a)      en fait la demande;
         b)      est âgée d'au moins dix-huit ans;
         c)      a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :
             (i)      un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent,
             (ii)      un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;
         d)      a une connaissance suffisante de l'une des langues officielles du Canada;
         e)      a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;
         f)      n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion et n'est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l'article 20. [Non souligné dans l'original.]
     [3]      Les juges de la Cour divergent d'opinion sur l'interprétation qu'il convient de donner de la condition en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c). Les motifs prononcés par le juge Thurlow dans l'affaire Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, à la p. 214, me paraissent convaincants et, partant, j'accepte que le critère à appliquer est le suivant :
         Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu cela dépend [traduction] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question".
     [4]      D'après l'affaire Re Papadogiorgakis, il me paraît clair que pour satisfaire à la condition en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, une personne doit avoir un " foyer établi " au Canada et ne doit pas cesser d'y résider. Toutefois, toujours selon le raisonnement du juge Thurlow, la période de 1 095 jours durant laquelle une personne doit avoir résidé au Canada avant la date de sa demande de citoyenneté, suivant l'alinéa 5(1)c ), n'est pas une norme rigide.
     [5]      S'agissant de décider si une personne a établi son foyer au Canada ou, dans l'affirmative, cesse d'y résider, je souscris entièrement au point de vue exprimé par le juge Dubé dans l'affaire Re Banerjee (1994), 25 Imm. L.R. (2d) 235 (C.F. 1re inst.), à la p. 238 :
         Toutefois, chaque cas est un cas d'espèce. C'est la qualité de l'attachement au Canada qui doit être examinée. Aucun élément particulier, ni aucun nombre d'éléments, ne saurait être déterminant dans quelque cas que ce soit [...] La durée des absences en soi n'est pas déterminante. Toutefois, lorsque l'on considère l'ensemble des circonstances qui entourent ces absences, leur durée peut constituer un facteur d'appréciation de la qualité de l'attachement au Canada de la personne en cause [...] [Renvois omis.] [Non souligné dans l'original.]

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              T-1168-98

INTITULÉ :                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                         - et -

                         KUO TAI WANG

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE CAMPBELL

en date du 10 février 1999



COMPARUTIONS :

     Me Lorie Jane Turner              pour le demandeur


     Me Peter Chapman                  pour le défendeur



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     M. Morris Rosenberg              pour le demandeur

     Sous-procureur général

     du Canada

     Me Peter Chapman                  pour le défendeur

     Chapman and Company

     Société d'avocats

     Vancouver (C.-B.)

     Me Julie Fisher                  amicus curiae

     Watson, Goepel, Maledy

     Vancouver (C.-B.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.