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     Date : 19990325

     Dossier : IMM-1142-98

Entre :

     SULDAMO FARAH,

     demanderesse,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, en date du 16 février 1998, dans laquelle la Section du statut de réfugié (SSR) a conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention.

Les faits

[2]      La demanderesse est une citoyenne de la Somalie qui a revendiqué le statut de réfugié au Canada. Elle fonde sa revendication sur son appartenance à un groupe social particulier, c'est-à-dire qu'elle est membre du clan Hawiye/Habar Gidir.

[3]      La demanderesse a été mariée deux fois à des membres du clan rival, le clan Hawiye/Abgal. Son mari a été assassiné en février 1996 par les fondamentalistes islamiques à cause de ses opinions politiques. Après le décès de son mari, elle s'est enfuie au Kenya et elle est ensuite venue au Canada où ses cinq filles vivent déjà.

Les moyens de la demanderesse

[4]      La demanderesse a déclaré dans son témoignage qu'elle craint d'être persécutée en Somalie à cause de son appartenance au clan Hawiye/Habar Gidir.

[5]      Le tribunal a reconnu que la demanderesse était une citoyenne de Somalie et qu'elle appartenait au clan Hawiye/Habar Gidir.

[6]      Le tribunal était saisi d'une preuve documentaire indiquant que les membres du clan Hawiye/Habar Gidir sont exposés à de graves préjudices en Somalie.

[7]      Après avoir conclu que la demanderesse était une citoyenne somalienne et qu'elle appartenait au clan Hawiye/Habar Gidir, le tribunal était tenu de déterminer si l'appartenance à ce clan signifiait que la demanderesse risquait d'être persécutée en Somalie.

[8]      La demanderesse prétend que le tribunal a commis une erreur de droit en ne se prononçant pas sur la question dont il était saisi. Elle laisse entendre que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ne décidant pas si elle risquait d'être persécutée à cause de son appartenance à un groupe particulier, c'est-à-dire le clan Hawiye/Habar Gidir.

[9]      La demanderesse fait valoir que le tribunal avait l'obligation de tirer une conclusion quant au bien-fondé de sa crainte d'être persécutée en raison de son appartenance à ce groupe social particulier. Le tribunal n'a jamais décidé si elle risquait d'être persécutée à cause de son appartenance à ce groupe, et donc il a commis une erreur susceptible de contrôle.

Les moyens du défendeur

[10]      Le défendeur laisse entendre que la SSR n'a pas commis d'erreur en concluant que la demanderesse n'avait pas de crainte fondée d'être persécutée en Somalie.

[11]      Faisant référence à l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward [1993] 2 R.C.S. 689, à la page 709, le défendeur soutient que l'incapacité de l'État à protéger ses ressortissants est l'élément essentiel qui permet de déterminer si la crainte d'un demandeur est fondée. Qui plus est, la capacité de l'État à assurer la protection des citoyens est un élément essentiel pour déterminer le caractère raisonnable et objectif du refus du demandeur de se réclamer de cette protection.

[12]      Une fois que la crainte subjective a été établie, de même que l'incapacité de l'État à protéger effectivement le demandeur contre cette crainte, il est raisonnable de présumer que la crainte est fondée.

[13]      Le défendeur soutient qu'en l'espèce la SSR a examiné l'élément subjectif de la crainte d'être persécutée en analysant la preuve et elle a conclu qu'en raison du manque de crédibilité du témoignage de la demanderesse, il n'y avait pas de fondement suffisant dans ce témoignage pour établir une crainte fondée d'être persécutée.

[14]      Le défendeur fait valoir qu'en ne démontrant pas qu'elle avait une crainte subjective d'être persécutée, la demanderesse n'a pas satisfait au critère et qu'il était loisible à la SSR de conclure comme elle l'a fait.

[15]      Le défendeur soutient que c'est à la demanderesse qu'il incombe de fournir des preuves claires et convaincantes du bien-fondé de sa revendication du statut de réfugié.

Questions en litige :

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle en ne décidant pas si la demanderesse risquait d'être persécutée à cause de son appartenance au clan Hawiye/Habar Gidir ?
2.      Ayant conclu que la demanderesse n'avait pas prouvé qu'elle était un témoin crédible ou digne de foi, la Commission pouvait-elle conclure qu'il n'y avait pas de fondement valide dans son témoignage pour établir sa crainte d'être persécutée ?

Analyse

[16]      La décision de la Commission se fonde sur le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration :

Where no credible basis for claim

     (9.1) If each member of the Refugee Division hearing a claim is of the opinion that the person making the claim is not a Convention refugee and is of the opinion that there was no credible or trustworthy evidence on which that member could have determined that the person was a Convention refugee, the decision on the claim shall state that there was no credible basis for the claim.

Absence de minimum de fondement

     (9.1) La décision doit faire état de l'absence de minimum de fondement, lorsque chacun des membres de la section du statut ayant entendu la revendication conclut que l'intéressé n'est pas un réfugié au sens de la Convention et estime qu'il n'a été présenté à l'audience aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel il aurait pu se fonder pour reconnaître à l'intéressé ce statut.

[17]      Cela ressort clairement du pénultième paragraphe de la décision :

         [TRADUCTION]                 
         Ayant examiné l'ensemble de la preuve, y compris les témoignages donnés au cours de deux séances par la revendicatrice et trois témoins, je conclus que la revendicatrice n'a pas prouvé qu'elle était un témoin crédible ou digne de foi et qu'il n'y a pas de fondement valide dans son témoignage pour conclure qu'elle a une crainte fondée d'être persécutée. (page 4 de la décision de la Commission)                 

[18]      Le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi sur l'immigration suppose que, lorsque la Commission envisage de rendre une telle décision, elle doit en aviser la demanderesse de façon que celle-ci puisse présenter d'autres observations concernant la conclusion sur le minimum de fondement.

[19]      Comme il ressort de la décision de la Commission, [TRADUCTION] " On a demandé à la demanderesse d'expliquer ces importantes incohérences " et, par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur susceptible de contrôle à cet égard.

[20]      Donc, la principale question à décider est de savoir si la Commission pouvait ou non raisonnablement conclure qu'à cause de ces incohérences la demanderesse n'était pas crédible et qu'elle ne pouvait être considérée comme une réfugiée au sens de la Convention.

[21]      La Commission a choisi de ne pas traiter des incohérences entre le témoignage de la revendicatrice et celui de ses filles et elle a abordé les questions de crédibilité qui se sont posées dans le propre témoignage de la revendicatrice.

[22]      La Commission a ensuite conclu que chacune des incohérences n'était pas suffisante en soi pour refuser la revendication. Toutefois, de l'avis de la Commission, l'effet cumulatif de toutes ces incohérences est tel qu'il n'y a pas de preuve suffisante et digne de foi pour fonder une décision reconnaissant à la demanderesse le statut de réfugiée au sens de la Convention.

[23]      Tant et aussi longtemps que les inférences tirées par le tribunal ne sont pas déraisonnables au point de justifier notre intervention, ces conclusions ne peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

[24]      En n'établissant pas qu'elle avait une crainte subjective d'être persécutée, la demanderesse n'a pas respecté le critère établi par la Cour suprême du Canada dans Ward, et le tribunal n'avait donc pas l'obligation d'examiner son cas plus avant.

Conclusion

[25]      Par les motifs énoncés ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[26]      Aucun des avocats n'a suggéré de question grave de portée générale, de sorte qu'aucune question ne sera certifiée.

                         " Pierre Blais "

                                     Juge

Toronto (Ontario)

Le 25 mars 1999.

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NE DU GREFFE :                      IMM-1142-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              SULDAMO FARAH

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                  LE MARDI 23 MARS 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          LE JUGE BLAIS

DATE :                          LE JEUDI 25 MARS 1999

ONT COMPARU :                      David P. Yerzy

                                 pour la demanderesse

                             Ursula Kaczmarczyk

                                 pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:      David P. Yerzy

                             Avocat et procureur

                             14, avenue Prince Arthur, bureau 108

                             Toronto (Ontario)

                             M5R 1A9

                                 pour la demanderesse

                             Morris Rosenberg

                             Sous-procureur général du Canada

                                 pour le défendeur


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA
                                                      Date : 19990325
                                                      Dossier : IMM-1142-98
                                                 Entre :
                                                 SULDAMO FARAH,
                                                      demanderesse,
                                                 - et -
                                                 LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,
                                                      défendeur.
                                                
                                                 MOTIFS DE L'ORDONNANCE
                                                
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