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Date : 20040407

Dossier : IMM-1522-03

Référence : 2004 CF 545

Toronto (Ontario), le 7 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE GAUTHIER

ENTRE :

ROMAN KUSHNIR

LESYA KUSHNIR

YULIYA KUSHNIR

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                                                             

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Vu la demande déposée par Mme Lesya Kushnir, son mari et sa fille pour que soit contrôlée judiciairement la décision dans laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté les demandes qu'ils avaient présentées au titre des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), demandes fondées sur la crainte de persécution que prétendait avoir Mme Kushnir en tant qu'activiste qui luttait contre la corruption dans l'entreprise où elle travaillait en Ukraine.

[2]                Ayant examiné les observations écrites des parties et entendu les observations des avocats.

[3]                Ayant noté que les demandeurs contestent les conclusions de non-crédibilité et de non-plausibilité de la SPR et prétendent que celle-ci a commis une erreur i) en concluant que Mme Kushnir avait omis de mentionner dans son FRP les 3 agressions sur lesquelles elle avait témoigné et ii) en ne formulant aucun commentaire sur le certificat médical que Mme Kushnir avait produit pour corroborer l'incident du 20 mai 1998 ainsi que sur le rapport de police établi après l'agression du 25 janvier 1997.

[4]                Ayant déterminé que la norme de contrôle applicable aux conclusions de non-crédibilité et de non-plausibilité de la SPR est la décision manifestement déraisonnable.


[5]                N'étant pas convaincue, après avoir examiné l'ensemble de la preuve au dossier, y compris la transcription de l'audience, que la SPR a commis une erreur susceptible de contrôle. La SPR a dit que « la demandeure a omis de mentionner dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) les trois agressions [...] » et que « [l]orsqu'on lui a demandé pourquoi elle n'avait pas inclus ces agressions dans son récit, elle a expliqué qu'elle [...] » . La question posée durant l'audience faisait clairement référence aux omissions contenues dans le FRP initial de Mme Kushnir. Interprétée dans contexte, il est clair que cette affirmation de la SPR renvoyait au FRP initial de Mme Kushnir. Cette conclusion n'est ni abusive ni arbitraire, parce qu'il n'y a absolument aucune mention de l'agression du 25 janvier 1997 ou de celle du 7 juillet 1998 dans ce document. Pour ce qui est de l'incident du 20 mai 1998, la demanderesse a dit tout simplement dans son FRP que deux policiers étaient venus la voir à la fin du mois de mai et lui avaient [traduction] « fait des menaces semblables à celles qui lui avaient été faites en avril et [lui] [avaient] dit de [s]e présenter au centre de détention de la police le 8 juin 1998 pour la poursuite de l'enquête » . Il n'était pas déraisonnable de conclure que les mots [traduction] « menaces semblables » utilisés dans le FRP ne fournissaient pas une description adéquate ou suffisante de l'incident du 20 mai 1998, lequel aurait entraîné l'hospitalisation de Mme Kushnir pendant 2 semaines. La SPR était autorisée à se fonder sur ces omissions, et ce,

même si l'une d'entre elles a été corrigée dans une modification apportée peu avant la tenue de l'audience. Je suis d'accord avec la SPR pour dire que ces incidents avaient une importance cruciale pour la demande de Mme Kushnir. Il est bien établi en droit qu'il n'est pas déraisonnable pour la SPR de considérer d'un mauvais oeil les omissions ou les contradictions relatives à des faits importants.

[6]                La SPR était également autorisée à se fonder sur le bon sens et la logique pour apprécier la plausibilité de l'explication fournie par Mme Kushnir relativement à certains faits qui ne concordaient pas logiquement avec son récit. La SPR ne peut pas ne pas traiter de la plausibilité au regard d'autres éléments de preuve et de sa propre compréhension du comportement humain.

[7]                La preuve documentaire indiquait clairement que Mme Kushnir avait travaillé pour la même entreprise pendant 21 ans, qu'elle avait été promue comme directrice de l'un des magasins au début de l'année 1997 et qu'en octobre 1997, son mari avait commencé à travailler pour le même employeur, soit celui qui, selon ses allégations, lui aurait fait des menaces depuis au moins 1992, l'année de privatisation de l'entreprise. Mme Kushnir a expliqué que sa promotion et l'embauche de son mari étaient des tactiques pour la contraindre à prendre part aux activités de corruption. La SPR n'a jugé cette explication ni convaincante ni plausible en raison des allégations suivant lesquelles Mme Kushnir critiquait ouvertement l'entreprise depuis longtemps.

[8]                Sur le vu de la preuve au dossier, il était loisible à la SPR de tirer cette conclusion. La Cour note en particulier que Mme Kushnir n'était pas la seule employée à critiquer ouvertement l'entreprise. Mais lorsqu'on l'a interrogée sur ce point, Mme Kushnir a été incapable de nommer d'autres critiques au sein de l'entreprise qui comme elle avaient été promus. Mme Kushnir a également témoigné que lorsqu'elle s'était rendu compte qu'elle n'arrêtait pas de dénoncer la corruption, la direction avait augmenté la pression exercée sur elle. Au mois d'août 1997, Mme Kushnir a encore une fois dénoncé la corruption à sa direction. Dans ce contexte, il n'est pas déraisonnable, et encore moins manifestement déraisonnable, de conclure qu'il n'est pas plausible que la direction de l'entreprise, en engageant son mari plusieurs mois plus tard, se soit attendue à ce Mme Kushnir voie clair tout à coup et « se range, pour ainsi dire, du côté des méchants » .

[9]                Enfin, la SPR ne s'est pas prononcée expressément sur le rapport de police de janvier 1997 et elle n'a pas non plus fourni d'explications précises quant à la façon dont elle avait abordé le rapport médical établissant que Mme Kushnir avait été hospitalisée à partir du 20 mai 1998.


[10]            La SPR parle de ce certificat deux fois dans sa décision. Elle en parle à la page 3 où elle note que la demanderesse aurait été hospitalisée après 2 des agressions. Cela représentait, selon la SPR, une raison de plus pour conclure que la demanderesse aurait dû, dans son FRP, fournir une description plus détaillée de ce qui s'était passé le 20 mai 1998. La SPR en parle de nouveau à la page 5, où elle fait référence aux deux certificats médicaux contenus dans la pièce C-4 et au fait que Mme Kushnir a souffert d'une dépression nerveuse. Comme l'a reconnu l'avocat des demandeurs, la SPR n'est pas tenue de se prononcer sur chaque élément de preuve documentaire produit, mais l'obligation de fournir une explication augmente en fonction de la pertinence de la preuve produite. De plus, la Cour inférera du silence de la SPR quant à un document pertinent particulier que la SPR n'en a pas tenu compte et qu'elle a donc commis une erreur susceptible de contrôle. En l'espèce, la demanderesse a produit la traduction de quelques lignes seulement de ce document de deux pages (en russe), laquelle fait uniquement mention de l'hospitalisation de la demanderesse à partir du 20 mai 1998 et d'un diagnostic d'hypertension et de dépression nerveuse. La SPR a clairement tenu compte de ces deux faits. Il n'y avait rien d'autre à dire parce que le document ne prouvait rien de plus. Quant au rapport de police, il n'était pas nécessaire d'en faire mention parce qu'il ne traitait pas de la cause ou du mobile de l'agression et que la SPR avait déjà dit que l'agression avait eu lieu, mais que celle-ci n'avait rien à voir avec le fondement de la demande.

[11]            Quoi qu'il en soit, même si le fait de ne pas mentionner ces documents équivalait à une erreur, il ne s'agirait pas, selon la Cour, d'une erreur importante en raison des conclusions de non-plausibilité et de dépôt tardif des demandes d'asile tirées par la SPR. M. et Mme Kushnir ont déposé leur demande d'asile presque 2 ans après leur arrivée au Canada, et ce, seulement après que leur demande d'établissement en tant qu'immigrants indépendants eut été rejetée. Il était loisible à la SPR de tirer ces deux conclusions et celles-ci ne sont pas déraisonnables.

[12]            Les parties n'ont pas soumis de question à certifier et la Cour estime que l'issue de la présente affaire dépend des faits qui lui sont propres.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que les demandes soient rejetées.

« Johanne Gauthier »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               IMM-1522-03

INTITULÉ :                                              ROMAN KUSHNIR

LESYA KUSHNIR

YULIYA KUSHNIR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                        TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                      LE 6 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                              LA JUGE GAUTHIER

DATE DES MOTIFS :                             LE 7 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

                                                                                               

Arthur Yallen                                               POUR LES DEMANDEURS

Jamie Todd                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gilbert & Yallen                                          POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)                                                   

Morris Rosenberg                                        POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


                         COUR FÉDÉRALE

                                         

Date : 20040407

Dossier : IMM-1522-03

ENTRE :

ROMAN KUSHNIR

LESYA KUSHNIR

YULIYA KUSHNIR

                                                                                   

                                                                demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                      

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                      


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