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                                                                                                                                 Date : 20040813

                                                                                                                    Dossier : IMM-6551-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1128

ENTRE :

                                                          LAURA CHRISTOPHER

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

Introduction

[1]                La demanderesse a prétendu qu'en tant que bisexuelle, elle courait un danger si elle était renvoyée à Sainte-Lucie. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) n'a pas cru son allégation relative à son orientation sexuelle parce qu'elle n'avait fourni aucun élément de preuve crédible sur ce point. La Commission a conclu que le fait que la demanderesse ait attendu très longtemps avant de présenter sa demande d'asile était un facteur dont elle avait tenu compte pour tirer sa conclusion quant à la crédibilité. Elle a également conclu que la demanderesse pouvait se réclamer de la protection de l'État. La question est de savoir si ces conclusions sont manifestement déraisonnables. La réponse est non.


Contexte

[2]                La demanderesse, originaire de Sainte-Lucie, a vécu au Canada de façon intermittente depuis 1996. Elle a également séjourné aux États-Unis à diverses reprises entre mai 2000 et novembre 2001. Elle a détenu un visa d'étudiant au Canada pendant trois ans, visa qui a expiré en septembre 2002. Dans le mois qui a suivi, elle a déposé une demande d'asile.

[3]                Elle a prétendu que son père l'avait battue lorsqu'il avait appris qu'elle avait eu une relation amoureuse avec une femme pendant environ cinq ans. Elle affirme qu'elle ne peut pas retourner à Sainte-Lucie parce que l'homosexualité est un crime dans ce pays et que la police sainte-lucienne est corrompue et ne donne pas suite aux plaintes de violence faite aux femmes.

[4]                La Commission a noté que, malgré cette crainte, pendant au moins deux à trois ans, la demanderesse n'avait pris aucune mesure en vue de déposer une demande d'asile au Canada ou aux États-Unis. En fait, elle avait attendu que son visa d'étudiante au Canada expire avant de présenter une telle demande. La Commission n'a pas pu accepter son explication suivant laquelle elle ne comprenait pas le processus de demande d'asile, compte tenu de son éducation et de ses expériences de voyage.

[5]                La Commission a relevé l'absence de toute preuve corroborante relativement à l'agression physique de son père, comme par exemple une preuve de blessures ou des rapports médicaux. La Commission a également relevé l'absence de toute preuve corroborante quant à sa relation de longue durée avec une femme et a tiré une conclusion défavorable de cette absence de preuve.


[6]                La Commission a également fait ressortir les passages du « country report » qui traitaient de certains des problèmes éprouvés avec la police à Sainte-Lucie. Toutefois, la Commission a conclu que Sainte-Lucie avait un système judiciaire crédible, [traduction] « faisait montre de tolérance » envers l'homosexualité, malgré son illégalité, et avait divers groupes d'appui et ONG venant en aide à la communauté gaie. La Commission a conclu que, tout bien considéré, la demanderesse n'avait pas réfuté la présomption suivant laquelle elle pouvait se réclamer de la protection de l'État.

[7]                La seule partie de la décision de la Commission qui pose problème, fait que reconnaissent les deux parties, est celle où la Commission renvoie à la relation que la demanderesse a eue avec un homme après la rupture de sa relation homosexuelle. Il n'y avait aucune preuve en ce sens. L'avocat de la demanderesse a prétendu qu'il s'agissait là de la question centrale du présent contrôle judiciaire.

[8]                Bien que les autres conclusions de la Commission n'aient rien de manifestement déraisonnable, la Commission a commis une erreur de fait relativement à la relation de la demanderesse avec un homme.

[9]                Cette conclusion quant à la relation que la demanderesse avait eue avec un homme est précédée d'un renvoi au propre témoignage de la demanderesse suivant lequel elle était bisexuelle. Un examen de la transcription montre que la demanderesse semble avoir passé au fil du temps de l'hétérosexualité au lesbianisme, à la bisexualité. La conclusion suivant laquelle elle était bisexuelle découle de sa propre déclaration suivant laquelle c'est ce qu'elle était devenue.

[10]            La Commission s'est penchée sur la possibilité pour la demanderesse de se réclamer de la protection de l'État dans ce contexte. Chose plus importante encore, elle n'a pas accepté son allégation de bisexualité, et ce, parce qu'elle n'avait pas établi le bien-fondé de celle-ci.


[11]            L'erreur commise par la Commission n'est pas une erreur importante. Conformément au principe énoncé dans la décision Miranda c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 63 FTR 81, une décision doit être considérée dans son ensemble et seule une erreur importante peut donner lieu à un contrôle judiciaire.

[12]            En fin de compte, le présent litige portait sur le manque de crédibilité de la demanderesse. Rien ne permet à la Cour de modifier cette conclusion.

[13]            Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[14]            Les parties reconnaissent qu'il n'y a aucune question à certifier.

« Michael L. Phelan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-6551-03

INTITULÉ :                                                    LAURA CHRISTOPHER

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 4 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 13 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Sina Ogunleye                                       POUR LA DEMANDERESSE

Tamrat Gebeyehu                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sina Ogunleye                                       POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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