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Date : 20051028

Dossier : IMM-1892-04

Référence : 2005 CF 1376

Ottawa (Ontario), 28 octobre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

et

BEATA BACSA; TAMAS CSEPREGI

intimés

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Tamas Csepregi et sa conjointe de fait, Mme Beata Bacsa, disent avoir été persécutés en Hongrie par suite des demandes d'asile - refusées -que la soeur, le frère et le beau-frère de M. Csepregi avaient présentées au Canada en alléguant qu'ils avaient été victimes de mauvais traitements en Hongrie à cause de leur origine ethnique rom. Ils soutiennent que ces demandes ont fait l'objet d'une importante couverture médiatique en Hongrie; elles faisaient partie d'un « cas type » présenté devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié par le ministre au nom de Roms hongrois. M. Csepregi affirme qu'on l'a menacé afin qu'il ne parle à personne du cas type.

[2]                M. Csepregi et Mme Bacsa ont témoigné devant un tribunal de la Commission, lequel a conclu qu'ils avaient établi les faits de leur demande d'asile. Le ministre soutient que la Commission a commis des erreurs graves en tirant cette conclusion et demande la tenue d'une nouvelle audience. Je ne vois aucun motif d'infirmer la décision de la Commission et je dois, par conséquent, rejeter la demande de contrôle judiciaire.

I. Question en litige

[3]                La décision de la Commission est-elle étayée par la preuve?

II. Analyse

[4]                Je ne puis infirmer la décision de la Commission que si je suis d'avis qu'elle ne concorde pas avec la preuve qui lui a été présentée.

[5]                Le ministre soutient que les principales conclusions de la Commission n'étaient pas fondées sur la preuve. J'examinerai chacune des conclusions tour à tour.

(1) Le cas type a-t-il eu beaucoup de publicité en Hongrie?

[6]                La Commission a jugé que la question de la notoriété revêtait une « grande importance » . Elle a indiqué que des « parties externes » avaient obtenu l'autorisation d'assister à l'audition du cas type en 1998 et a estimé qu'il était probable que le public en Hongrie ait été au courant de cette affaire.

[7]                La preuve dont disposait la Commission sur ce point provenait entièrement des intimés. M. Csepregi avait déclaré dans son formulaire de renseignements personnels qu'après la publicisation du cas type en Hongrie, il avait sans arrêt fait l'objet de harcèlement et reçu des menaces de la part de reporters et d'autres personnes. Aucun article de journal, compte rendu de médias ou document internet n'avaient cependant été déposés en preuve, mais la Commission n'en a pas moins conclu qu'il était possible que les « parties externes » aient fait circuler l'information.

[8]                Le témoignage donné sous serment est généralement présumé véridique (Pedro Enrique Juarez Maldonado c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1980] 2 C.F. 302 (C.A.F.) (QL)). On ne peut discréditer le témoignage d'un demandeur simplement parce qu'il n'est pas corroboré par des éléments de preuve documentaire (Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 705 (1re inst.) (QL)). Toutefois, la Commission peut tenir compte de l'absence de preuve corroborante dans des circonstances où l'on pourrait s'attendre à ce qu'existent de tels éléments de preuve (Adu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 14 (C.A.) (QL)).

[9]                En l'espèce, la Commission a accepté le témoignage de M. Csepregi au sujet de la notoriété du cas type, même s'il n'était pas étayé par des éléments de preuve corroborante faciles à obtenir. Elle pouvait, toutefois, attribuer à ce témoignage le poids qu'elle considérait approprié. En conséquence, je ne puis modifier sa conclusion que le cas type avait été publicisé en Hongrie.

(2)     Existait-il des éléments de preuve établissant que les demandeurs avaient été persécutés parce qu'ils appartenaient à la famille de demandeurs d'asile déboutés au Canada?

[10]            La Commission a jugé que la situation des droits de la personne en Hongrie laissait à désirer tant de façon générale qu'en ce qui concernait plus particulièrement les Roms. Elle a relevé, plus précisément, que des groupes nationalistes de skinheads veulent éliminer les « ennemis » de l'État, dont les Roms et d'autres minorités. Elle a aussi fait observer que la Hongrie tentait d'améliorer ses chances d'entrer dans l'Union européenne, et elle a accepté la possibilité que les autorités gouvernementales aient considéré les demandeurs comme des menaces possibles à leur projet d'adhésion à l'UE parce que les demandes d'asile des membres de leur famille au Canada ne donneraient pas une bonne image de la situation des droits de la personne en Hongrie.

[11]            M. Csepregi a affirmé qu'il avait reçu de nombreux téléphones de menace et qu'il avait également été menacé par trois personnes qui, d'après lui, travaillaient pour le gouvernement parce qu'elles se déplaçaient dans un véhicule semblable à ceux du gouvernement et portaient des complets. Il croyait également que le gouvernement était la seule organisation qui ne voulait pas que l'histoire du cas type se répande. Les trois personnes qui l'ont menacé lui ont dit que s'il faisait des déclarations publiques au sujet des demandes d'asile des membres de sa famille, sa sécurité et celle des siens serait menacée. Il a décidé de quitter la Hongrie

[12]            À mon avis, la preuve permettait à la Commission de conclure que les intimés avaient fait l'objet de menaces et que ces menaces avaient un lien avec le cas type.

(3)     Existait-il des éléments de preuve établissant que la Hongrie ne pouvait ou ne voulait accorder de protection?

[13]            La Commission a conclu que les intimés ne pouvaient se réclamer de la protection de l'État parce que la police hongroise ne pouvait ou ne voulait protéger les membres de la communauté rom et parce que le ministère public du pays ne donnait pas efficacement suite aux plaintes d'inconduite policière visant les Roms et, qu'en conséquence, l'hésitation du demandeur à demander la protection de la police était compréhensible.

[14]            Les intimés ont témoigné qu'ils s'étaient adressés à la police après avoir été menacés. La police a déclaré qu'elle ne pouvait rien faire au sujet des téléphones de menace et qu'elle ne croyait pas que M. Csepregi avait été menacé par trois hommes en complet. Je suis d'avis que la conclusion de la Commission selon laquelle les intimés ne pouvaient se réclamer de la protection de l'État était étayée par le témoignage de ceux-ci et qu'il n'y a donc pas lieu de l'infirmer.

III.                Conclusion

[15]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'avocat des intimés a demandé à présenter des observations au sujet des dépens et de la certification d'une question. J'examinerai les observations que les parties me soumettront dans les dix jours suivant le présent jugement.


JUGEMENT

            LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

1.                La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                Les observations relatives aux dépens et à la certification d'une question devront être déposées dans les dix jours suivant le présent jugement.

« James W. O'Reilly »

Juge


Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1892-04

INTITULÉ :                                        MCI c. BEATA BACSA, TAMAS CSEPREGI           

                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                13 juin 2005

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT DU JUGE O'REILLY

EN DATE DU :                                   28 octobre 2005

COMPARUTIONS :

                                                                              Ann-Margaret Oberst          POUR LE DEMANDEUR

Rocco Galati                                                                             POUR LES INTIMÉS

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Sous-procureur général du Cana

Galati, Rodrigues & Associates

Toronto (Ontario)                                                                      POUR LES INTIMÉS

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