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Date : 20020716

Dossier : IMM-3996-01

Référence neutre : 2002 CFPI 795

ENTRE :

                                                          HAROLD CHARLES MANI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                           ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]                 Le demandeur est un citoyen de Fidji. Il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention sur le fondement qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de la race à laquelle il semble appartenir, à savoir qu'on le perçoit comme étant Indo-Fidjien. Il est, en fait, Polynésien.


[2]                 La Section du statut de réfugié (la SSR) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a conclu qu'en raison d'indices physiques, culturels, religieux et linguistiques, il y avait moins qu'une simple possibilité que le demandeur soit persécuté s'il retournait aux îles Fidji et a donc décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Le demandeur conteste le bien-fondé de cette décision dans le présent contrôle judiciaire.

[3]                 Il soutient que la SSR a commis une erreur en appréciant l'ethnie à laquelle il a l'air d'appartenir. La SSR a dit ce qui suit au sujet de l'apparence physique du demandeur :

J'ai entendu plusieurs revendications de Fidjiens. Nous avons beaucoup de demandeurs fidjiens actuellement. À Vancouver, les Fidjis sont devenues l'un des principaux pays sources de réfugiés. Aussi, à la Commission, et plus particulièrement deux collègues et moi, nous entendons beaucoup de demandes de Fidjiens; par conséquent, nous avons eu la possibilité d'observer à quoi ressemblent les Fidjiens de souche et à quoi ressemblent les Indo-Fidjiens. Cependant, ce n'est pas une mesure vraiment fiable. J'ai une connaissance spécialisée de ce à quoi ressemble un Indo-Fidjien et de ce que sont les distinctions culturelles et sociales entre leur groupe et celui des Fidjiens de souche.

À mes yeux, vous n'avez pas du tout l'air d'un Indo-Fidjien.

(Dossier du demandeur, page 5)

[4]                 Le demandeur prétend que le passage précédent indique que la SSR a fondé sa décision sur ses propres « connaissances spécialisées » sans en avoir dévoilé la teneur avant que la décision soit rendue. Je suis d'accord avec lui.


[5]                 J'accepte la prétention du défendeur selon laquelle la SSR pouvait examiner les traits physiques du demandeur, puisque le demandeur a invoqué son apparence physique pour étayer sa revendication. Je suis cependant d'avis que lorsque des « connaissances spécialisées » subjectives doivent être utilisées pour tirer une conclusion sur un facteur d'importance primordiale comme, dans la présente affaire, l'apparence physique du demandeur, la SSR a d'abord l'obligation de faire part au demandeur de la teneur de ces « connaissances spécialisées » avant de rendre sa décision. Il devient alors possible au demandeur de faire valoir sa position sur la question de savoir si ces « connaissances spécialisées » sont basées sur des hypothèses erronées ou si elles contredisent la preuve contenue au dossier, auxquels cas on ne devrait pas se fonder sur elles.

[6]                 En l'espèce, puisque la SSR n'a pas donné un tel avis au demandeur et que celui-ci n'avait donc aucune raison de soupçonner que le décideur se servirait d'une analyse purement subjective pour tirer une conclusion sur son apparence physique, je conclus que la SSR a commis, en rendant sa décision, une erreur dans l'application régulière de la loi.

                                     O R D O N N A N C E

La décision de la SSR est par conséquent annulée et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu'il statue à nouveau sur l'affaire.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 16 juillet 2002

  

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                              IMM-3996-01

INTITULÉ :                           HAROLD CHARLES MANI

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 16 juillet 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                     Le 16 juillet 2002

   

COMPARUTIONS :

M. Lawrence Leung                  pour le demandeur

Mme Pauline Anthoine              pour le défendeur

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Lawrence Leung                  pour le demandeur

Surrey (C.-B.)

M. Morris Rosenberg              pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

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