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     IMM-1629-96

OTTAWA (Ontario), le 8 juillet 1997.

EN PRÉSENCE DE monsieur le juge McKeown

ENTRE

     JIAN LIN,

     requérant,

     - et -

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimée.

     ORDONNANCE

     Pour les motifs écrits que j'ai énoncés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         William P. McKeown

                             Juge
Traduction certifiée conforme :         
                         F. Blais, LL.L.

     IMM-1629-96

ENTRE

     JIAN LIN,

     requérant,

     - et -

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimée.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN :

     Le requérant, citoyen chinois, demande le contrôle judiciaire d'une décision rendue par un délégué de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en date du 22 avril 1996, et par laquelle ce dernier a conclu que le requérant constitue un danger pour le public au sens du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration.

     Trois questions ont été soulevées dans cette affaire : d'abord, la décision de l'arbitre voulant que le requérant ne constitue pas un danger pour le public prouve-t-elle que la décision de la ministre était erronée compte tenu des faits? Ensuite, la ministre a-t-elle examiné la question du sort de l'appelant s'il devait retourner en Chine? Enfin, la ministre a-t-elle pris en considération des faits dénués de pertinence, par exemple le casier judiciaire d'une autre personne?

     Le requérant a été déclaré coupable d'une série d'infractions. La dernière condamnation remonte à décembre 1994 et il a été remis en liberté au début de janvier 1995. Il a déposé un avis d'appel de la mesure d"exclusion rendue le 20 avril 1995, laquelle décrétait son exclusion pour le motif qu'il est une personne visée au sous-alinéa 27(1)d )(ii) de la Loi sur l'immigration, c'est-à-dire une personne qui a été déclarée coupable d'une infraction prévue par une loi fédérale et punissable d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à cinq ans.

     L'appel a été déposé le 23 août 1995 et la Section d'appel de l"immigration a fixé la date d'audience au 9 mai 1996. Le 26 février 1996, le requérant a été avisé que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avait l'intention de demander un avis sur la question de savoir si le requérant constituait un danger pour le public au sens du paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration . La lettre énumérait les documents qui pourraient être présentés à la ministre pour son examen du dossier du requérant et invitait ce dernier à répondre aux éléments de preuve devant être examinés par la ministre en présentant des observations, des renseignements ou des éléments de preuve se rapportant à la question de savoir s'il constituait un danger pour le public. La lettre demandait également s'il existait des motifs d'ordre humanitaire ou d'intérêt public dans son cas qui éliminaient tout danger qu'il pourrait représenter.

     Par lettres en date du 11 et du 22 avril 1996, le requérant a répondu à l'avis par des observations écrites accompagnées d'annexes. Le 23 avril 1996, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, par l'intermédiaire de son délégué, a rendu une opinion en conformité avec le paragraphe 70(5) de la Loi sur l'immigration selon laquelle le requérant constitue un danger pour le public au Canada.

     Le 28 mai 1996, le requérant a été arrêté pour la première fois aux termes de la mesure d"exclusion. Lors de l'audience sur la détention tenue devant l'arbitre le 30 mai 1996, l'arbitre a déterminé, après avoir entendu les observations des avocats et l'agent chargé de présenter le cas pour Citoyenneté et Immigration Canada, que le requérant ne constituait pas un danger pour le public au Canada. Cet agent s'est dit d'avis que le requérant constituait un danger pour le public au Canada, mais ne s'est pas opposé à sa mise en liberté assortie de conditions de façon à faciliter son renvoi éventuel du Canada. L'arbitre a rendu une ordonnance en ce sens. Il était saisi des mêmes renseignements que la ministre, sauf qu'il n'a pas eu l'avantage d'examiner les motifs d'ordre humanitaire et d'intérêt public comme la ministre l'avait fait en vertu du paragraphe 70(5). Le requérant prétend que, vu la décision de l'arbitre et le fait que le représentant de la ministre ne s'est pas opposé à sa mise en liberté dans la communauté, la décision qu'a prise la ministre en vertu du paragraphe 70(5) doit être erronée.

     Comme l'a souligné l'avocat de l'intimée, il s'agit en l'espèce du contrôle judiciaire du dossier dont la ministre était saisie, et, la décision de l'arbitre a évidemment été rendue après celle de la ministre et ne peut donc être considérée. Cependant, je dois observer qu'il existe une grande différence entre le fait de décider si une personne peut être mise en liberté sous réserve de certaines modalités et conditions pour une période limitée jusqu'à ce qu'elle soit expulsée du pays et celui de décider si elle constitue un danger pour le public lorsque la solution de rechange est que la personne est libre de vivre dans la communauté sans que des conditions, des restrictions ou des limitations soient imposées à sa liberté. Je fais remarquer également que l'arbitre a indiqué ce qui suit, à la page 10 de la transcription de l'audience :

         [TRADUCTION] Tout comme l'avocat, je ne connais pas les raisons pour lesquelles le ministre a conclu que vous représentez un danger pour le public. Il semble raisonnable de conclure, cependant, que vos antécédents doivent avoir eu beaucoup à faire à cet égard. Je considère cela important également. Mais je considère aussi les progrès que vous avez faits...             

L'arbitre reconnaît que ce sont là des considérations différentes.

     Dans l'affaire Ministre de la Citoyenneté c. Williams (le 11 avril 1997), Ottawa A-855-96, (C.A.), le juge Strayer a déclaré, à la page 11 :

         En l'espèce, nous savons quels documents ont été soumis au décideur. Parmi ceux-ci, il y avait à la fois des documents favorables et des documents défavorables à l'intimé, notamment les observations faites par son avocate et un rapport psychologique qui lui était favorable. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut affirmer que l'un de ces documents est sans rapport avec la formulation de l'avis du ministre, et il n'a pas été donné à entendre que d'autres facteurs dénués de pertinence ont été pris en considération au nom du ministre pour exprimer l'avis en son nom. La Cour n'est pas invitée à confirmer le bien-fondé de l'avis du ministre, mais simplement à déterminer si le contrôle de cet avis est justifié en droit.             

            

     À la page 16, il a ajouté :

         J'hésite toutefois à affirmer que le ministre doit avoir en main un type particulier de document pour tirer une conclusion de danger présent ou futur. J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'est pas loisible à un ministre de prévoir une inconduite future à partir d'une inconduite passée, particulièrement eu égard aux circonstances des infractions et, comme en l'espèce, aux commentaires faits par l'un des juges qui ont prononcé les peines. Il se peut qu'une cour de contrôle ne soit pas du même avis que le ministre, ou considère qu'on aurait dû donner plus de poids à certains documents, mais cela ne veut pas dire que le critère législatif est d'une imprécision inadmissible simplement parce qu'il permet au ministre de parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour.             

À mon avis, il était loisible à la ministre de tirer la conclusion qu'elle a tirée et il ne m'appartient pas de contester ses prévisions puisque c'est sa conclusion que demande la loi.

     La deuxième question est de savoir si le sort éventuel du requérant s'il retournait en Chine a été clairement décrit à la ministre. Sous la rubrique " Motifs d'ordre humanitaire et d'intérêt public ", l'avis de la ministre résume en ces termes le point de vue de l'avocat du requérant :

         [TRADUCTION] L'avocat mentionne qu'il est connu que la Chine rejuge et exécute les personnes qui ont déjà été condamnées pour trafic de stupéfiants dans n'importe quel pays (sont joints les documents prouvant que l'intéressé risque d'être exécuté, même s'il a commis ses crimes au Canada et a purgé sa peine).             
         L'avocat prétend que tant que le Canada n'aura pas obtenu l'assurance des autorités chinoises qu'elles ne rejugeront pas l'intéressé pour ses crimes relatifs aux stupéfiants au Canada, il serait profondément inhumain de lui faire courir le risque d'être exécuté ou, compte tenu des renseignements joints (aux observations de l'avocat) à propos du système carcéral chinois, tout risque d'incarcération.             

     Dans la partie " E ", [TRADUCTION] " Autres facteurs " où, sont énumérés, le cas échéant, les motifs importants d'ordre humanitaire et d'intérêt public, l'ordre public, les risques d'expulsion, on ne mentionne pas quel sort pourrait connaître le requérant s'il retournait en Chine. Cependant, les facteurs d'ordre humanitaire et d'intérêt public sont déjà mentionnés dans la partie " C " du rapport. Les lignes directrices d'Immigration Canada disent clairement ce que l'agent devrait considérer dans la partie " E ", " Autres considérations ".

         [TRADUCTION] La présente partie comporte de l'espace pour permettre à l'agent de fournir des renseignements pertinents à la partie " E " sur des questions qui n'ont pas été expliquées dans la partie " C ", question 15.             

     La ministre était saisie des renseignements concernant le retour du requérant en Chine. L'importance qu'il faut accorder à ces renseignements est une question à laquelle la ministre doit répondre et, au moment où elle cherche à expulser le requérant du Canada vers un endroit en particulier, il pourrait y avoir une autre occasion pour la Cour d'examiner cette affaire. À mon avis, il était loisible à la ministre d'accorder de l'importance à des questions autres que le sort éventuel du requérant lorsqu'elle a eu à décider si un avis devait être formulé en vertu du paragraphe 70(5). J'aurais pu parvenir à une conclusion différente, mais il appartient à la ministre de prendre ces décisions en vertu du paragraphe 70(5) de la Loi.

     La troisième question que le requérant a soulevée se rapporte au fait que dans la demande présentée sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le requérant a reçu un document ayant trait au casier judiciaire d'une personne ayant apparemment le même nom. Cependant, le document n'était pas inclus parmi ceux qui ont été fournis au délégué de la ministre. C'était un document qui a fait surface lorsqu'on vérifiait son casier judiciaire et seule la partie exacte du casier a été versée au dossier remis au délégué de la ministre. Il est manifeste que nulle part on ne prétend que le requérant est la personne mentionnée dans cet autre document. Il n'était pas utile et on n'en a pas tenu compte. Lorsqu'on demande des renseignements à l'ordinateur, des documents seront récupérés qui peuvent fort bien ne pas être pertinents, comme cela s'est produit en l'espèce. Le délégué de la ministre n'avait pas ce document en main. Aucune erreur n'a été commise relativement à ce document.


     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         William P. McKeown

                             Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 8 juillet 1997

Traduction certifiée conforme :     
                         F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

Numéro du greffe : IMM-1629-96

Entre :

     JIAN LIN

     requérant,

ET :

LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimée.

MOTIFS DE L"ORDONNANCE

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-1629-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :          JIAN LIN c. M.C.I.
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 8 mai 1997
LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (Colombie-Britannique)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

EN DATE DU 8 juillet 1997

ONT COMPARU :

Douglas Cannon                  pour le requérant
Sandra Weafer                  pour l"intimée

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

McPherson, Elgin & Cannon

Vancouver (C.-B.)                  pour le requérant

George Thomson

Sous-procureur général

du Canada                      pour l"intimée
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