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Date : 20040920

Dossier : IMM-7996-04

Référence : 2004 CF 1286

Toronto (Ontario), le 20 septembre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

                                                                TILO JOHNSON

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                          LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de sursis à l'exécution d'un renvoi prévu pour le 21 septembre 2004.

[2]                Les faits de l'espèce sont brièvement relatés dans les paragraphes 2 à 10 (sauf pour le paragraphe 8 qui exprime une opinion) de l'affidavit de Yemi Caxton-Idowu, qui fait partie du dossier de requête du défendeur. Par souci de commodité, ces paragraphes sont reproduits ci-dessous.


[traduction]

2.      Le demandeur est un citoyen du Nigeria. Il est arrivé au Canada le 22 août 1997 et il a demandé le statut de réfugié. La Section du statut de réfugié a rejeté sa demande le 17 août 1998 au motif que sa demande n'était pas crédible. Le demandeur a demandé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire par rapport à cette décision en août 1998 et cette autorisation lui a été refusée.

Première demande CH

3.      Le demandeur s'est marié le 18 septembre 1998 et une fille est née au Canada de ce mariage. Son épouse a présenté une demande pour le parrainer et cette demande a été rejetée le 9 mai 2000. [...] Son épouse a retiré son offre de parrainage avant que la décision soit rendue et le demandeur a donc été évalué comme demandeur indépendant. Le demandeur a demandé à la Cour le contrôle judiciaire du refus de lui accorder le statut de résident permanent, au motif que l'intérêt supérieur de son enfant né au Canada n'avait pas été adéquatement pris en compte. La demande d'autorisation a été rejetée le 6 novembre 2000.

Première demande de sursis

4.      Le demandeur a été arrêté le 13 juin 2000 et détenu en attendant son renvoi, prévu pour le 2 juillet 2000. Au moment où les agents emmenaient le demandeur à l'avion, il est devenu violent et il a fallu l'immobiliser pour l'empêcher de se blesser ou de blesser d'autres personnes. La police de Peel a été appelée à l'aéroport et on lui a demandé d'aider les agents de sécurité à ramener le demandeur en détention. Le renvoi du demandeur a donc dû être annulé. Le 14 juillet 2000, le demandeur a demandé un sursis à son renvoi, alors qu'aucune nouvelle date n'avait encore été fixée pour son renvoi. Le 28 août 2000, la demande de sursis a été suspendue indéfiniment. La demande de contrôle judiciaire sous-jacente a été rejetée le 6 novembre 2000.

Demande d'extradition de la part des États-Unis

5.      Alors que le demandeur se trouvait en détention en novembre 2000, et après que CIC ait échoué dans sa tentative de mettre à exécution la mesure renvoi, l'ambassade des États-Unis a demandé l'extradition du demandeur. Cette demande a placé le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration dans la possibilité de procéder au renvoi. Un mandat de dépôt a été délivré le 23 novembre 2001 et le 6 mai 2002, le ministre de la Justice a ordonné que le demandeur soit extradé vers les États-Unis. Devant la Cour d'appel, le demandeur a eu droit de cause dans sa contestation de la mesure d'extradition. La Cour d'appel a conclu que le ministre, dans sa décision, n'avait pas pleinement pris en considération l'ensemble des circonstances quant à savoir si l'extradition serait injuste ou oppressive.

6.      Le demandeur est demeuré en détention après le prononcé de cette décision, du 12 décembre 2002 jusqu'au 26 février 2003, alors qu'un cautionnement a été versé en sa faveur.


7.      CIC a été informé le 13 août 2004 que le ministre de la Justice a levé la procédure d'extradition qui pesait contre le demandeur.

[...]

Demande d'ERAR

9.      Le demandeur a demandé un Examen des risques avant renvoi (ERAR). Le 8 avril 2003, l'agent d'ERAR a conclu que le demandeur n'était pas visé par les articles 96 ou 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR). Le demandeur a contesté cette décision en présentant une demande d'autorisation et de contrôle judiciaire. La Cour a rejeté sa demande le 25 juin 2004.

Deuxième demande CH

10.     Le demandeur a présenté une deuxième demande CH en février 2003. Aucune décision n'a encore été prise quant à cette demande.

[3]                Pour obtenir gain de cause quant à sa demande, le demandeur doit satisfaire à chacun des trois volets du critère énoncé dans l'arrêt Toth c. Canada (M.E.I.) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

[4]                En ce qui concerne le volet du préjudice irréparable, le demandeur allègue trois choses :

1.                   l'intérêt supérieur de l'enfant n'a pas été évalué conformément aux principes dégagés dans Martinez c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 1695;

2.                   le demandeur a une procédure judiciaire pendante contre la Couronne et sa présence est nécessaire;

3.                   à son retour, le demandeur aura à affronter des risques qui n'ont pas été évalués.

[5]                Selon moi, j'estime qu'aucune de ces allégations n'est fondée, pour les motifs suivants.

[6]                Il ne fait aucun doute que les intérêts supérieurs des enfants doivent être pris en considération dans le cours d'un processus de renvoi; voir Dennis c. Canada (Solliciteur général), [2004] C.F. 196. En l'espèce, ils l'ont été lors de l'examen de la première demande CH. L'agent chargé du renvoi n'a pas à prendre à nouveau la décision lorsqu'il fixe la date du renvoi; il doit simplement s'assurer que, s'il y a des enfants en cause, leurs intérêts ont été pris en considération. J'ouvre ici une parenthèse pour mentionner que j'ai examiné les documents qui ont été remis à l'agent des renvois à l'appui de la demande de report du 16 septembre 2004. Il n'y a rien dans ces documents qui donne à penser qu'il s'agit en l'espèce de problèmes autres que les problèmes « typiques » qu'entraîne la séparation des membres d'une famille. Mais cela en soit n'équivaut pas à un préjudice indu; voir Buchting c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 1216, au paragraphe 6, et Parsons c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 1161, au paragraphe10.

[7]                Le même raisonnement s'applique quant au risque. Le demandeur a bénéficié d'un ERAR complet. Il a demandé l'autorisation d'engager la procédure de contrôle judiciaire contre la décision défavorable de l'agent d'ERAR et la Cour la lui a refusée. Bien qu'il ait déposé au soutien de sa requête un nouveau rapport du Département d'État sur la situation au Nigeria, qui montre clairement que la situation a changé depuis 2003, il n'a présenté aucun élément de preuve quant à savoir comment le risque qu'il courrait aurait changé depuis que le premier rapport d'ERAR a été déposé.


[8]              En ce qui concerne la poursuite engagée contre la Couronne, je trouve difficile d'accepter que le fait d'engager une procédure judiciaire puisse en soit interdire une expulsion. S'il fallait que je rende une décision en ce sens, tout demandeur pourrait engager une procédure au civil pour éviter son renvoi. Les procédures judiciaires contre la Couronne peuvent être menées même si le demandeur a sa résidence à l'extérieur du Canada; voir Gosczyniak c. Lewis, [2001], O.J. no 3622.

[9]                Je ne suis pas convaincu que la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Étant donné que le demandeur a bénéficié de trois procédures judiciaires, une décision quant une demande du statut de réfugié, une décision sur une demande CH et une décision sur une demande d'ERAR, et qu'il a présenté des demandes d'autorisation et de contrôle judiciaire à l'encontre de ces trois décisions, la prépondérance des inconvénients penche maintenant en faveur du défendeur. L'intérêt du ministre à effectuer le renvoi l'emporte sur la très faible chance que la seconde demande CH soit accueillie.

[10]            Par conséquent, le demandeur n'ayant pas satisfait à deux des trois volets du critère établi dans l'arrêt Toth, précité, sa demande sera rejetée.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis à l'exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

« K. von Finckenstein »

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes


COUR FÉDÉRALE

Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                         IMM-7996-04

INTITULÉ :                                        TILO JOHNSON

c.         

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                             défendeur

                                                                     

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 20 SEPTEMBRE 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE VON FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                       LE 20 SEPTEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Lorne Waldman

Krassina Kostadinov

POUR LE DEMANDEUR

Mary Matthews

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR                                                         

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                               

POUR LE DÉFENDEUR


             COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040920

                    Dossier : IMM-7996-04

ENTRE :

TILO JOHNSON

demandeur

et

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

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