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Date : 20040226

Dossier : IMM-5969-03

Référence : 2004 CF 291

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 26 février 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                    HYUN CHOI, HE MIN KANG

                                                              et WEN BIN CHOI

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                       ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                He Min Kang (la demanderesse), est une citoyenne de la Corée du Sud et est née en Chine. Son mari, Hyun Choi (le demandeur) est un citoyen de la Corée du Sud. Ils ont un fils âgé de deux ans, Wen Bin Choi (le demandeur mineur), également citoyen de la Corée du Sud. Ils sont arrivés au Canada le 18 juin 2001 et ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention trois mois plus tard, le 21 septembre 2001. Les demandeurs prétendent être des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger en raison du mauvais traitement que le père du demandeur a fait subir à la demanderesse.

[2]                Dans une décision datée du 27 juin 2003, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a décidé que les demandeurs n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Les demandeurs visent à obtenir le contrôle judiciaire de cette décision.

Les questions en litige

[3]                Les demandeurs soulèvent les questions suivantes :

1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que la demanderesse pourrait recouvrer sa citoyenneté chinoise?

2.          La Commission a-t-elle violé les droits des demandeurs garantis par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

3.          La Commission a-t-elle fondé sa décision concernant l'existence d'une possibilité de refuge intérieur (la PRI) sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?

La décision de la Commission

[4]                Voici les principales conclusions de la Commission énoncées en des termes simples :

1.          La demanderesse pourrait recouvrer sa citoyenneté chinoise et retourner en Chine.

2.          Le demandeur et le demandeur mineur ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger et ils pourraient retourner en Corée du Sud.


3.          Si la famille désirait rester ensemble, les demandeurs pouvaient retourner en Corée du Sud, mais dans une autre région pour éviter le beau-père violent; c'est-à-dire qu'il y avait une PRI.

Analyse

Question no 1 :            La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que la demanderesse pourrait recouvrer sa citoyenneté chinoise?

[5]                En ce qui a trait à la question relative à la capacité de la demanderesse de recouvrer sa citoyenneté chinoise, la Commission était d'avis, « selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d'asile serait rapidement réintégrée dans sa nationalité chinoise si elle en faisait la demande » . Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en tirant cette conclusion.

[6]                La Commission a tiré une conclusion de fait lorsqu'elle a décidé que la demanderesse pouvait recouvrer rapidement sa citoyenneté chinoise. Bien que la Commission ait fait référence aux articles de la Loi sur la nationalité chinoise, elle l'a fait dans le but de tirer une inférence factuelle. Étant donné l'expertise de la Commission lorsqu'elle tire des conclusions de fait, la Cour ne peut intervenir que s'il peut être démontré que la conclusion de la Commission était manifestement déraisonnable, « abusive ou arbitraire » ou tirée « sans tenir compte des éléments dont [elle] dispose » (Loi sur les Cours fédérales, alinéa 18.1(4)d)). Ce n'est pas le cas.


[7]                En l'espèce, les demandeurs n'ont pas attiré l'attention sur de véritables obstacles empêchant la demanderesse de recouvrer sa citoyenneté chinoise. Mais surtout, leur avocat a admis, lors de l'audience, que si la demanderesse présentait elle-même une demande pour recouvrer la citoyenneté chinoise, elle pourrait fort bien se voir accorder cette citoyenneté.

[8]                La Commission ne s'est pas appuyée uniquement sur ces admissions de l'avocat des demandeurs mais elle a procédé à un examen minutieux de l'ensemble des éléments de preuve dont elle disposait.

[9]                La Loi sur la nationalité chinoise, la réponse de l'ambassade de la République populaire de Chine à la demande d'information de la Commission, le fait que le seul motif pour lequel la demanderesse a renoncé à sa citoyenneté chinoise était son mariage avec un homme sud-coréen et le fait que le gouvernement chinois considère la demanderesse comme une [traduction] « championne nationale » , tout cela étaye la conclusion que la demanderesse aurait la possibilité, selon la prépondérance des probabilités, de recouvrer sa citoyenneté chinoise. Comme l'a déclaré le représentant consulaire de l'ambassade de la République populaire de Chine, « [s]auf si elle est de nationalité étrangère, rien n'empêche une personne initialement de nationalité chinoise d'obtenir de nouveau cette nationalité » .

[10]            En se fondant sur les éléments de preuve dont elle disposait, la Commission pouvait raisonnablement, comme l'avocat des demandeurs l'a admis lors de l'audience, examiner la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention de la demanderesse avec, comme pays de référence, la Corée du Sud et la Chine.


Question no 2 :            La Commission a-t-elle violé les droits des demandeurs garantis par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés?

[11]            Les demandeurs font valoir à titre subsidiaire que, si la demanderesse était en mesure de recouvrer sa citoyenneté chinoise, elle devrait retourner en Chine seule, puisque son fils et son mari ne possèdent que la citoyenneté coréenne. Cela, selon eux, serait une violation de leurs droits garantis par l'article 7.

[12]            Les demandeurs allèguent que la décision de la Commission les prive de la liberté et de la sécurité de leur personne et que cette privation va à l'encontre des principes de justice fondamentale. À leur avis, du fait que la Commission n'a pas incorporé le principe de la réunion des familles dans la définition d'un réfugié au sens de la Convention, cela a violé leurs droits garantis par l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte).

[13]            Puisque aucun avis de question constitutionnelle n'a été signifié comme le prescrit le paragraphe 57(1) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour n'a pas compétence pour trancher cette question.

Question no 3 :            La Commission a-t-elle fondé sa décision concernant l'existence d'une possibilité de refuge intérieur sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait?


[14]            Le critère pour évaluer la viabilité d'une PRI comporte deux volets (Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.); Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589). La Commission doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que :

1.         le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté à l'endroit où il y a une PRI;

2.          il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur de chercher refuge à l'endroit où il y a une PRI.

[15]            Les demandeurs soutiennent que, en examinant la question d'une PRI, la Commission n'a pas tenu compte de la preuve qui a été présentée relativement à la capacité du père du demandeur de les trouver par l'entremise du registre de population. Conformément au principe énoncé dans la décision Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (C.F. 1re inst.) (QL), et suivi dans un certain nombre de décisions de la Cour, les demandeurs font valoir que la commission devrait expressément aborder la preuve documentaire qui contredit ses conclusions.

[16]            Contrairement à la prétention des demandeurs, la Commission n'a pas omis de tenir compte de la preuve qui contredisait ses conclusions concernant l'existence d'une PRI. En fait, elle a fait le contraire. La Commission n'a pas seulement fait mention de la lettre envoyée au demandeur par son père, dans laquelle il menace de dépister les demandeurs s'ils retournaient en Corée, mais elle en a également cité un passage. La Commission a fourni plusieurs motifs pour n'avoir accordé qu'un faible poids à cette lettre. La Commission a noté que :


·            même le demandeur a admis qu'il donnait un faible poids à la lettre;

·            c'est la seule lettre qu'il a reçue de son père depuis qu'il est arrivé au Canada;

·            depuis lors, il a parlé plusieurs fois à son père au téléphone et il lui a dit de « se mêler de ses affaires » .

De plus, la Commission a conclu que la lettre semblait « fabriquée pour corroborer le récit des demandeurs d'asile » . Étant donné que le seul élément de preuve présenté par les demandeurs pour aborder la possibilité qu'ils soient persécutés à l'endroit où il y a une PRI n'a pas été accepté, il était raisonnable de conclure que les demandeurs n'y seraient pas persécutés. L'existence d'un registre par lequel les demandeurs pourraient être localisés n'était pas pertinente.

[17]            En fin de compte, la Commission a exécuté, comme elle se devait de le faire, une analyse du caractère raisonnable d'une réinstallation à l'endroit où il y a une PRI.

[18]            Pour conclure sur cette question, la conclusion de la Commission concernant l'existence d'une PRI n'était pas arbitraire, abusive ou tirée sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Au contraire, la Commission a sérieusement tenu compte des menaces qui auraient été proférées par l'agent de persécution.


Conclusion

[19]            Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Les parties n'ont pas proposé de question pour la certification. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La demande est rejetée.

2.          Aucune question n'est certifiée.

              « Judith A. Snider »                                                                                                                                Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                       IMM-5969-03

INTITULÉ :                                                                      HYUN CHOI ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                VANCOUVER (COLOMBIE BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                                              LE 25 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                      LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                                     LE 26 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Nicole Hainer                                                                      POUR LES DEMANDEURS

Peter Bell                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                                                 POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur du Canada


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