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Date : 20040402

Dossier : IMM-2949-03

Référence : 2004 CF 518

Toronto (Ontario), le 2 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGELAYDEN-STEVENSON                               

ENTRE :

                                                                   SEFER UNAL

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Unal est un demandeur d'asile d'origine turque et il est âgé de quarante ans. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) a rejeté sa demande. Elle a conclu que M. Unal n'était pas crédible. Je suis d'avis que la CISR a commis une erreur importante et j'accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire.


[2]                La CISR a rejeté la demande de M. Unal parce qu'elle n'a pas cru son témoignage. Elle a dit ce qui suit :

Je considère que l'inconstance du demandeur dans ses souvenirs et son incapacité à répondre à certaines questions - contrairement à ce à quoi on se serait attendu dans le cas d'une personne politiquement active - amènent à conclure à un manque de crédibilité.

Le tribunal a ensuite énuméré un certain nombre d'incompatibilités et d'invraisemblances dans le témoignage.

[3]                M. Unal prétend être un laïque de la gauche qui a soutenu la cause des Kurdes et des Alevi. Il dit aussi avoir été membre du [traduction] « Parti républicain du peuple » dans le passé et affirme qu'il est présentement membre du [traduction] « Parti liberté et solidarité » . Il dit qu'il a été détenu, qu'on lui a donné l'ordre de se présenter sur une base hebdomadaire, et qu'il a été torturé par la police. Il prétend aussi avoir des problèmes de mémoire. Sa demande d'asile était fondée sur ses opinions politiques.


[4]                Les problèmes de mémoire ont fait l'objet de deux rapports qui ont été soumis à la CISR. Le Dr Gerald M. Devins, psychologue consultant et clinicien, a établi que M. Unal souffrait du syndrome de stress post-traumatique. En ce qui concerne la mémoire, il a dit : [traduction] « Si M. Unal demande que l'on répète ou que l'on reformule certaines questions ou s'il paraît rester figé en réponse à une question, il serait important de comprendre que ce sont là des problèmes cognitifs qui reflètent la désorganisation intellectuelle produite par le stress traumatique et ne constituent pas une tentative d'esquiver ou d'obscurcir. » Le Dr Devins s'est fondé sur des renseignements que M. Unal lui a fournis et qui corroboraient les renseignements relatés dans le récit que contient le Formulaire de renseignements personnels (FRP).

[5]                Le Dr Richard J. Stall, psychiatre, s'est fondé sur des renseignements que lui a fournis M. Unal ainsi que sur les résultats d'un examen de l'état mental. Les examens dénotaient des erreurs d'orientation, de calcul, et des erreurs au niveau des tests de mémoire et de langue. Le Dr Stall a établi que M. Unal souffrait d'une légère démence causée par un traumatisme crânien, de sorte qu'il en résulte une déficience importante au niveau de la mémoire. Il a dit : [traduction] « [M. Unal] présente une déficience de la mémoire, qui ressort à la fois sur le plan subjectif et par suite de tests objectifs. Il présente également une perturbation au niveau du langage ainsi qu'au niveau de la planification et de l'organisation. » Selon le Dr Stall, M. Unal aurait beaucoup de difficulté à témoigner avec précision.

[6]                Avant l'audience, un représentant désigné a été nommé pour M. Unal. Toutefois, à l'audience, la CISR a interrogé M. Unal brièvement et a conclu qu'il était apte à témoigner. Le représentant désigné et l'avocat ne se sont pas objectés et le représentant désigné n'est intervenu à aucun moment au cours de l'audience. Dans leurs arguments respectifs au soutien de M. Unal, l'avocat et le représentant désigné s'en sont tous deux rapportés au contenu des rapports d'experts.

[7]                M. Unal invoque trois moyens à l'appui du contrôle judiciaire. À mon avis, l'un de ces moyens est déterminant. On plaide que le tribunal a omis de tenir compte des deux évaluations d'experts de manière adéquate. La SPR a renvoyé aux deux rapports dans les termes suivants :

Dans ses observations, le conseil a fait référence au rapport médical du Dr Devins et il a déclaré que le rapport cadre avec le témoignage. Toutefois, le Dr Devins est arrivé à sa conclusion à partir des faits qui lui avaient été relatés par le demandeur. Je ne considère pas le témoignage et le FRP du demandeur comme étant crédibles, de sorte que j'estime que la conclusion subséquente du Dr Devins ne s'applique pas. De plus, je considère que le diagnostic du Dr Stall se fonde sur le témoignage du demandeur et, vu que je ne considère pas le demandeur comme étant crédible, j'estime que le diagnostic qui en a résulté ne s'applique pas.

[8]                À cet égard, les observations du tribunal ne sont pas exactes. Les deux experts ont formulé des conclusions précises et objectives en ce qui concerne la déficience de la mémoire. Le Dr Stall a effectué un test de mémoire standard et en a rapporté les résultats; M. Unal n'a pas bien réussi ce test. À cet égard, le Dr Stall a dit ceci :

[traduction]

M. Unal remplit le critère établi pour la démence causée par un traumatisme crânien compris dans le « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » , 4e édition, mieux connu sous le nom DSM-IV, de l'American Psychiatric Association. Il présente une déficience de la mémoire qui ressort à la fois sur le plan subjectif et par suite de tests objectifs. Il présente également une perturbation au niveau du langage ainsi qu'au niveau de la planification et de l'organisation.


[9]                Il revient indéniablement à la CISR d'évaluer la preuve. Le tribunal n'a pas l'obligation d'accepter des éléments de preuve simplement parce qu'ils proviennent d'un expert. Toutefois, si la CISR rejette des éléments de preuve sur une base erronée, à mon avis, cela entache la conclusion de sorte que la décision peut être affectée. Dans la présente affaire, la CISR a conclu à tort que les rapports des experts avaient été préparés uniquement sur la base de renseignements fournis par M. Unal. Ce n'était pas le cas.

[10]            Il est possible que, si le tribunal avait reconnu que l'élément de preuve apporté par le Dr Stall était fondé sur les résultats d'une évaluation objective standard, le poids accordé à cet élément aurait été différent. Peut-être que le tribunal aurait quand même trouvé une raison de le rejeter. Je ne suis pas en mesure de faire des conjectures sur ce que les résultats auraient pu être, si l'erreur n'avait pas été commise. Toutefois, j'estime que la conclusion du tribunal selon laquelle les éléments de preuve présentés par le Dr Stall provenaient uniquement de M. Unal est manifestement déraisonnable et, puisqu'il m'est impossible d'en évaluer l'effet, l'affaire doit être renvoyée pour être entendue à nouveau.

[11]            La demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Les avocats n'ont pas soulevé de question aux fins de certification. La présente affaire ne soulève aucune question grave de portée générale.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué afin que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire. Aucune question n'est certifiée.

                                                                                                           

                                                             « Carolyn Layden-Stevenson »          

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Caroline Raymond, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2949-03    

INTITULÉ :                                                    SEFER UNAL

c.

LE MINISTE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 1ER AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS:                                     

Alex Billingsley                                                   POUR LE DEMANDEUR

Ann Margaret Oberst                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Cintosun & Associate                                        POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                             

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR        

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


             COUR FÉDÉRALE

                             

Date : 20040402

Dossier : IMM-2949-03

ENTRE :

SEFER UNAL

                                                           

                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                    

       

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                   

                                                           


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