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Date : 20000128


Dossier : IMM-1022-99



ENTRE :

     HAILING QIU

     demanderesse


     - et -




     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED


[1]          La demanderesse conteste, par voie de contrôle judiciaire, la décision d"un agent des visas prise le 22 février 1999 et par laquelle l"agent rejetait sa demande de résidence permanente au Canada.

[2]          La demanderesse allègue que l"agent des visas ne s"est pas acquitté de son obligation d"évaluer la demanderesse à titre de secrétaire de direction et qu"il a commis une erreur en évaluant sa personnalité.

Notes STIDI " non étayées par un affidavit

[3]          L"avocat de la demanderesse a soulevé la question préliminaire suivante : comment faut-il traiter les notes STIDI, dans la mesure où elles font état de ce qui s"est passé lors de l"entrevue de la demanderesse par l"agent des visas, étant donné que ces notes ne sont pas étayées par un affidavit de l"agent des visas?

[4]          Je fais mien l"avis soumis par le défendeur selon lequel les notes font bel et bien partie intégrante du dossier certifié étant donné qu"elles expriment les motifs de la décision prise par l"agent des visas. Voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1999) 243 N.R. 22 (C.S.C.).

[5]          Toutefois, en l"absence d"un affidavit de l"agent des visas qui a une connaissance personnelle des événements en cause, la valeur des notes à titre d"élément de preuve des faits qui y sont évoqués est douteuse. Dans Wang c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration, [1991] 2 C.F. 165 (C.A.), une note de service ainsi que des notes manuscrites sur l"entrevue rédigées par un agent des visas ont été supprimées du dossier parce que la teneur de ces documents n"était pas étayée au moyen d"un affidavit. La Cour d"appel a écrit :

L'intimé allègue que, en raison des inconvénients qu'il y a à organiser les dépositions des agents des visas qui, par définition, se trouvent à l'extérieur du Canada, la Cour doit accepter leurs notes comme preuve de la véracité de leur contenu même si aucun affidavit n'est produit pour en attester la véracité. Dans le présent appel, comme dans certains des autres appels entendus en série, l"agent des visas concerné a présenté des notes prises pendant l"entrevue et/ou un compte rendu rédigé beaucoup plus tard pour exposer ce dont il se souvenait. [...]
Je ne vois rien qui puisse justifier que l'on s'écarte des normes de la preuve dans les circonstances présentes. L'intimé n'a démontré l'existence d'aucun fondement juridique permettant d'accueillir ses allégations et, à mon avis, elles sont dénuées de tout fondement pratique. En premier lieu, à moins que l'erreur qui entacherait la décision de nullité ressorte du dossier, l'immigrant envisagé, qui se trouve également, par définition, à l'extérieur du Canada, doit certifier ses éléments de preuve et, contrairement à l'agent des visas, peut ne pas être bien situé pour le faire. Il n'est pas juste d'accorder à un témoin au procès la possibilité de présenter des éléments de preuve d'une manière qui empêche leur vérification au moyen d'un contre-interrogatoire. En deuxième lieu, l'hypothèse selon laquelle il y aurait des inconvénients sur le plan administratif ne semble pas fondée solidement. Vu que les agents des visas occupent normalement des locaux où l'on peut trouver d'autres fonctionnaires devant lesquels ils peuvent prêter serment relativement à des affidavits admissibles devant les tribunaux canadiens, il ne semble exister aucune raison pratique pour laquelle sa version de la vérité ne puisse pas, avec tout autant de facilité, être présentée dans le cadre d'un affidavit tout comme sous la forme d'une note. Enfin, si un requérant désappointé voulait créer des ennuis à un agent des visas en réclamant un contre-interrogatoire, il s'ensuit que ce droit devrait s'exercer, du moins au début, à un coût assez élevé pour le requérant.

[6]          Le fait que les notes STIDI d"un agent des visas soient saisies par ordinateur plutôt que rédigées à la main n"a pas pour effet d"en changer la nature. La seule différence entre ces notes est le mode par lequel elles sont portées au dossier : dans un cas, elles sont dactylographiées, dans l"autre, écrites à la main.

[7]          Plusieurs décisions ont suivi l"arrêt Wang . Elles sont énumérées dans Yan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), (1999) (3 juin 1999), IMM-2202-98 (C.F. 1re inst.). L"arrêt Wang a en outre été cité récemment avec approbation par la Cour d"appel fédérale dans Moldeveanu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration ) (1999), 1 Imm. L.R. (3d) 105 (C.A.F.).

[8]          Le défendeur n"est pas tenu de présenter un affidavit à l"appui de ses prétentions, mais le défaut de le faire fera en sorte que les seuls éléments déposés en preuve sous serment devant la Cour sur ce qui s"est passé lors de l"entrevue seront ceux produits par la demanderesse. Dans la décision Yan , précité, le juge Cullen a écrit :

En l'absence d'un affidavit établi sous serment par l'agent des visas pour attester ce qui s'est passé à l'entrevue, la seule preuve dont la Cour soit saisie sur ce point est l'affidavit du demandeur qui indique que l'agent des visas l'avait évalué positivement et lui avait souhaité bonne chance pour se trouver un emploi au Canada. Comme cela n'a pas été contredit, la version des événements présentée par le demandeur doit être présumée véridique.

Évaluation à titre de secrétaire

[9]          Je m"intéresse maintenant à la prétention de la demanderesse selon laquelle elle n"a pas été évaluée adéquatement relativement à l"emploi de secrétaire de direction. Le dossier certifié contient des éléments de preuve objectifs " un test de dactylographie où la demanderesse n"a réussi à taper que six mots à la minute " à l"appui de la décision de l"agent selon laquelle la demanderesse avait été incapable de prouver qu"elle possédait les habiletés nécessaires qu"exige le travail de secrétaire ou de secrétaire de direction.

[10]          La signification du mot secrétaire change selon le contexte. Les documents fournis par l"employeur de la demanderesse, la Société de la Croix rouge de la Chine, paraissent employer ce mot pour décrire une personne qui exerce des responsabilités administratives à l"égard d"une certaine partie de l"organisation plutôt que pour décrire quelqu"un qui remplit les fonctions de secrétaire et de secrétaire de direction telles qu"elles sont décrites dans le CCDP/CNP. Il n"est donc pas possible de prétendre que les éléments de preuve de l"affaire n"appuient pas la conclusion de l"agent des visas selon laquelle la demanderesse était dépourvue d"expérience à l"égard des carrières de secrétaire et de secrétaire de direction.

Évaluation de la personnalité

[11]          La demanderesse a également demandé à ce qu"on l"évalue relativement à un emploi de " traductrice ". L"agent des visas a conclu que la demanderesse avait les qualités requises et possédait de l"expérience dans ce domaine. L"agent des visas lui a accordé 68 points. Il faut 70 points pour obtenir un visa. L"agent des visas a alloué 4 points sur les 10 points possibles à la demanderesse au chapitre de la personnalité.

[12]          Les notes STIDI, qui ont été entrées dans le système onze mois après l"entrevue, énoncent que l"agent des visas en est venu à n"accorder que 4 points parce que [TRADUCTION] " j"estime que la demanderesse a fait très peu de préparatifs en vue de son immigration. Ses connaissances sur le Canada sont rudimentaires. " Il ajoute : [TRADUCTION] " Elle semble posséder un assez bon sens de l"adaptation, mais démontre peu de motivation " et [TRADUCTION] " elle ne connaît pratiquement personne au Canada si ce n"est une amie dont elle sait du reste peu de chose. " Il continue : [TRADUCTION] " Elle va devoir faire preuve d"énormément d"ingéniosité pour s"installer " qualité qui ne m"a pas particulièrement ébloui chez elle " et [TRADUCTION] " elle dispose de sommes d"argent suffisantes, mais paraît dépourvue du sens de l"engagement et de la détermination nécessaires pour réussir au Canada. "

[13]          La demanderesse a déposé en preuve un affidavit qui contient des notes qu"elles a prises sur l"entrevue. Elle les a rédigées immédiatement après l"entrevue, selon les conseils de son avocat.

[14]          Ces notes ne font état d"aucune question qui lui aurait été posée sur ses connaissances sur le Canada. Elles indiquent qu"on lui a demandé si elle avait des parents ou des amis vivant au Canada, ce à quoi elle a répondu des amis . Lorsqu"on lui a demandé où habitaient ses amis, elle a répondu [TRADUCTION] " à Toronto. J"ai convenu avec M. Rotenberg que je travaillerais pour lui? " Les notes indiquent que l"agent des visas avait évalué positivement sa demande (une situation semblable à celle décrite dans l"affaire Yan susmentionnée).

[15]          L"évaluation de la personnalité relève d"un pouvoir grandement discrétionnaire. On trouve également à ce chapitre une part importante des points susceptibles d"être accordés à un demandeur. Dans un cas comme celui-ci, où il existe des éléments de preuve selon lesquels on n"a jamais posé à la demanderesse de questions pertinentes permettant d"obtenir le type de renseignements qui viendraient étayer les conclusions subjectives qu"on a tirées, où la déclaration assermentée de la demanderesse contredit quelques-unes des conclusions de l"agent des visas, où l"agent des visas n"a déposé en preuve aucun affidavit et où la demanderesse est par le fait même privée de la possibilité de l"interroger sur le fondement de ses conclusions au chapitre de la personnalité, et où il ne semble pas y avoir d"éléments de preuve clairs qui viennent étayer ces conclusions éminemment subjectives, je suis convaincue que la décision en est une qui doit être infirmée et que l"affaire doit être renvoyée pour être réévaluée par un autre agent des visas.

                                 " Barbara Reed "

     J.C.F.

Toronto (Ontario)

Le 28 janvier 2000


Traduction certifiée conforme


Suzanne Gauthier, LL.L. Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

DOSSIER DE LA COUR No :          IMM-1022-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          HAILING QIU

                         - et -

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L"IMMIGRATION     
DATE DE L"AUDIENCE :              LE MERCREDI 26 JANVIER 2000
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE REED

EN DATE DU :                  VENDREDI 28 JANVIER 2000

ONT COMPARU :                  M me Mary Lam
                             pour la demanderesse
                         M. Brian Frimeth
                             pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER      Mary Lam

                         Avocate

                         255, chemin Duncan Mill, bureau 808                          Don Mills (Ontario)

                         M3B 3H9

                             pour la demanderesse
                         Morris Rosenberg

                         Sous-procureur général du Canada

                             pour le défendeur




                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA


                                 Date : 20000128

                        

         Dossier : IMM-1022-99


                         Entre :

                         HAILING QIU


demanderesse


- et -


                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                         ET DE L"IMMIGRATION     


défendeur


                        

            

                                                                         MOTIFS DE L"ORDONNANCE

                        

                        












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