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Date : 20041117

Dossier : T-752-03

Référence : 2004 CF 1602

ENTRE :

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                         OREST IWASCHUK ET

                                                  ZOWTRA INVESTMENTS INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA JUGE SIMPSON

[1]                La présente décision fait suite à une audience de justification tenue à la suite d'une ordonnance ex parte rendue par la juge Dawson le 19 avril 2004 (l'ordonnance de justifier), dans laquelle elle a conclu qu'Orest Iwaschuk (le défendeur) n'avait pas respecté une ordonnance exécutoire rendue par le juge Blanchard le 13 août 2003 (l'ordonnance exécutoire). En vertu de cette ordonnance, le défendeur devait communiquer au demandeur certains dossiers, y compris les livres comptables de Zowtra Investments, au plus tard le 1er octobre 2003.

[2]                Le demandeur, l'Agence du revenu du Canada (l'ARC), s'est appuyé sur le témoignage de Mohammed Sharif. Celui-ci travaille comme comptable à l'ARC et a été chargé de vérifier les livres et registres de Zowtra Investments Inc. (la Société). Il a pour ce faire mené une enquête qui a révélé que le défendeur était le seul administrateur de la Société. Le 23 décembre 2002, selon son témoignage, il a fait signifier à personne au demandeur un avis (l'avis) lui enjoignant de produire certains documents en vertu du paragraphe 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e supp.). Puisqu'aucun document n'a été produit pour remplir l'exigence prévue au paragraphe 231.2 de la Loi, l'ARC a demandé une ordonnance exécutoire.

[3]                M. Sharif a fourni une preuve détaillée sur ses efforts pour obtenir les livres comptables de la Société. Voici, selon sa déposition, un résumé chronologique des événements :

Novembre 2002            Premier contact téléphonique de M. Sharif avec le défendeur en vue d'obtenir son adresse commerciale.

29 novembre 2002        M. Sharif fait signifier à personne une lettre au bureau du défendeur. La lettre demeure sans réponse.

23 décembre 2002        M. Sharif fait signifier l'avis à personne au bureau du défendeur. L'avis demeure sans réponse

13 août 2003                 Le juge Blanchard signe l'ordonnance exécutoire.

23 septembre 2003       M. Orest Rusnak (M. Rusnak) rédige une lettre (la lettre) signée par le défendeur, en réponse à l'ordonnance exécutoire.

1er octobre 2003            Date limite pour se conformer à l'ordonnance exécutoire.


19 avril 2004                 La juge Dawson signe l'ordonnance de justifier, qui exige la signification de certains documents au défendeur.

27 avril 2004                 M. Sharif signifie au défendeur les documents auxquels réfère l'ordonnance de justifier en les lui remettant.

[4]                Le défendeur reconnaît qu'il était le seul administrateur de la Société au moment où l'ordonnance exécutoire a été décernée (le 13 août 2003) et où celle-ci a pris effet (le 1er octobre 2003). Il affirme cependant avoir indiqué à la Société qu'il désirait démissionner à cause de son état de santé avant cette date. Il a finalement remis sa démission, mais n'a pas quitté ses fonctions avant le 27 janvier 2004. Par conséquent, il était le seul administrateur de la Société à l'époque pertinente et rien ne prouve que ses problèmes de santé ont porté préjudice à ses relations avec le demandeur.


[5]                Selon la déposition orale du défendeur quant aux faits, la Société a été incorporée en 2002 par M. Rusnak en vue d'exploiter un terrain de 10 acres détenu par le défendeur et destiné à devenir un terrain de camping avec étang de pêche. Le défendeur a déclaré avoir transféré sa terre à la Société contre une somme nominale et que M. Rusnak exploitait la Société. Il a ajouté qu'il ne prenait pas part aux activités de l'entreprise et qu'il n'en était pas informé. Son rôle s'est limité à conduire un arpenteur au terrain en question pour que celui-ci l'examine et à signer les déclarations de revenus de la Société. Il a reconnu avoir signé la déclaration de revenus pour l'exercice s'achevant le 31 août 2000 à titre de fondé de signature et de personne-ressource de la Société. Il a pourtant affirmé ne pas avoir lu la déclaration de revenus et ignorer que la Société possédait un actif de 7 000 000 $. Le défendeur a déclaré que le terrain n'a jamais été exploité, qu'il n'a jamais vu les dossiers financiers ou registres de la Société et qu'il ignorait en quoi consistaient les activités quotidiennes de celle-ci.

[6]                Selon une autre version des faits rapportée par le défendeur, dans son affidavit du 17 juin 2003, celui-ci est devenu administrateur de la Société en raison du fusionnement proposé avec une société ouverte. Nulle part on ne fait mention dans l'affidavit d'un plan visant l'aménagement d'un terrain de camping.

[7]                Le défendeur a déclaré que M. Rusnak exploitait la Société et que, lorsque l'ARC lui demandait des renseignements, il lui indiquait invariablement qu'il n'en avait pas et que celle-ci devait s'adresser à M. Rusnak pour tout document relatif à la Société. Il a indiqué avoir référé M. Rusnak chaque fois qu'une demande lui a été adressée. Il a en outre déclaré ne pas avoir ouvert la lettre contenant la demande de production de documents même si elle lui a été remise en mains propres à son bureau le 23 décembre 2002. Il l'a simplement transmise à M. Rusnak.


[8]                La lettre du 23 septembre 2003 a été rédigé par M. Rusnak mais signée par le défendeur. Elle est écrite à la première personne, de sorte que le défendeur y apparaît comme responsable de l'information qu'elle contient. Cependant, lorsqu'on lui a demandé s'il l'avait lue avant de la signer, il a d'abord répondu : [traduction] _ Probablement pas » . Il a par la suite indiqué : [traduction] _ Il se peut que je l'aie lue, mais qu'est-ce que ça signifie? Comment puis-je savoir s'il a répondu correctement ou pas? En quoi cela est-il important? »

[9]                Les faits suivants ne sont pas contestés :

·            La Société n'a pas produit de dossiers conformément au par. 231.2 de la Loi.

·            Le défendeur et la Société ont reçu l'avis, l'ordonnance exécutoire et l'ordonnance de justifier.

·            Le défendeur et M. Rusnak entretiennent une relation d'affaires depuis plusieurs années et se sont parlés la veille de l'audience.

·            Le défendeur n'a pas assigné M. Rusnak à comparaître.

·            Dans sa lettre du 23 septembre 2003, le défendeur ne s'est pas conformé à l'ordonnance exécutoire et ne s'y est toujours pas conformé à ce jour.

·            Le défendeur est un administrateur de plusieurs autres entreprises et comprend que les administrateurs doivent « répondre » de tout ce qui peut arriver.

·            On n'a jamais allégué que le défendeur a déjà eu la garde des dossiers auxquels réfère l'avis ni qu'il les a détruits.

[10]            Dans ce contexte, la question se pose sans difficulté. Si je simplifie les choses en faisant fi des questions de crédibilité et que j'admets que le défendeur ne contrôlait pas les dossiers et les activités de la Société ni n'en avait connaissance, la question est de savoir si je suis convaincue hors de tout doute raisonnable qu'il a refusé d'obéir à l'ordonnance exécutoire.


[11]            L'avocat du défendeur soutient que la lettre indique clairement que le défendeur a tenté d'amener M. Rusnak à se conformer à l'ordonnance exécutoire et que, dans ces circonstances, l'intention requise pour justifier une conclusion d'outrage au tribunal est absente.

[12]            Cet argument ne m'apparaît pas convaincant. Je suis persuadée que le défendeur n'a lu ni l'avis ni la lettre. Il ignorait et peu lui importait si l'information figurant dans la lettre qu'il a signée était exacte ou complète. Rien ne prouve qu'il a posé à M. Rusnak quelque question que ce soit ni tenté de s'assurer que la lettre constituait bel et bien une réponse à l'avis.

[13]            Aucun élément de preuve n'indique que M. Rusnak a refusé de fournir des réponses ou des documents ou que les communications entre ce dernier et le défendeur ont été rompues de quelque manière que ce soit. Dans ces circonstances, on ne peut pas dire que le défendeur a fait tout ce qu'il a pu pour s'assurer que la Société se conformait à l'ordonnance exécutoire. Se reporter à cet égard au paragraphe 23 de la décision Long Shong Pictures (H.K.) Ltd. c. NTC Entertainment Ltd. (2000), 190 F.T.R. 123, [2000] A.C.F. no 557 (QL).


[14]            Si le défendeur avait lu l'avis et la lettre, qu'il avait été insatisfait de celle-ci et qu'il avait cherché à l'améliorer ou refusé de la signer, j'envisagerais la question sous un angle différent. Cependant, d'après la preuve dont je suis saisie, il est clair qu'il importait peu au défendeur de savoir si l'information figurant dans la lettre satisfaisait ou non à l'ordonnance exécutoire. Ce flagrant mépris pour cette ordonnance me convainc hors de tout doute raisonnable que le défendeur est coupable d'outrage au tribunal. En vertu de l'article 472 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, une ordonnance sera délivrée imposant le versement dans les 90 jours d'une amende de 2 500 $ par le défendeur, à défaut de quoi celui-ci devra purger une peine d'emprisonnement de 30 jours.

                                                                                                                          « Sandra J. Simpson »                     

                                                                                                                                                     Juge                                   

Ottawa (Ontario)

Le 17 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     T-752-03

INTITULÉ :                                                   MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. OREST IWASCHUK ET ZOWTRA INVESTMENTS INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              EDMONTON (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 15 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 17 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Dan Misutka                                                                              POUR LE DEMANDEUR

Mac Walker                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

J. Macleod Walker

Avocat                                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Edmonton (Alberta)


Date : 20041117

Dossier : T-752-03

Ottawa (Ontario), le 17 novembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SANDRA J. SIMPSON

ENTRE :

                                          LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                         OREST IWASCHUK ET

                                                  ZOWTRA INVESTMENTS INC.

                                                                                                                                          défendeurs

                                                                ORDONNANCE

VU l'audience de justification tenue pour établir si le défendeur avait refusé ou non d'obéir à l'ordonnance rendue par le juge Blanchard le 13 août 2003 (l'ordonnance);

ET VU les témoignages entendus du défendeur et d'un témoin assigné par le demandeur ainsi que les prétentions soumises par les deux parties à Edmonton (Alberta) le 15 septembre 2004;

ET VU la mise en délibéré de ma décision pour examen plus approfondi de l'affaire.


LA COUR ORDONNE pour les motifs donnés en ce jour :

1.          Le défendeur a refusé d'obéir à l'ordonnance.

2.          Le défendeur doit acquitter une amende de 2 500 $ par la remise, au greffe de la Cour à Edmonton, au plus tard le vendredi 18 février 2005, d'un chèque certifié payable à l'ordre du receveur général du Canada.

3.          Faute de verser l'amende, le défendeur devra purger une peine d'emprisonnement de 30 jours.

                                                                                                                          « Sandra J. Simpson »                     

                                                                                                                                                     Juge                                   

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

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