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     Date: 19990311

     Dossier : IMM-1429-98

ENTRE :

     JORGE ARMANDO MARTINEZ-RIOS,

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Texte révisé des motifs prononcés

     à l'audience le 2 mars 1999.)

LE JUGE McKEOWN :

[1]      Le demandeur cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision que la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (" la Commission ") a rendue le 4 mars 1998, dans laquelle la Commission a conclu que le demandeur, un citoyen du Salvador, n'est pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]      Deux questions sont en litige : (1) la Commission a-t-elle ignoré la preuve ou fondé sa décision quant à la crédibilité du demandeur sur une conclusion de fait erronée, tirée d'une façon abusive ou arbitraire? (2) la Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur pouvait obtenir la protection de l'État?

[3]      Relativement à la première question, le demandeur a allégué que la Commission a omis de tenir compte de renseignements sur des escadrons de la mort autres que le Black Shadow. Il y avait beaucoup d'éléments de preuve sur les escadrons de la mort en général, mais le demandeur a mentionné avoir été menacé par un escadron appelé Black Shadow et que son ami Rody Gaitan a reçu le même genre d'appels de l'escadron de la mort et du Black Shadow. Il était loisible à la Commission de se concentrer sur la preuve documentaire pour conclure que le meurtre de la famille Gaitan ne correspondait pas aux méthodes du Black Shadow et de se fonder sur cette conclusion pour ce qui est de la crédibilité de la revendication du demandeur.

[4]      Le demandeur soutient également que la Commission a commis une erreur dans sa conclusion qui figure aux pages 11 et 12 du dossier du demandeur :

         [Traduction]La preuve documentaire n'appuie pas les allégations du demandeur que les anciens guérilleros du FMLN et les membres du parti FMLN en 1995, 1996 et 1997 ont été menacés par l'escadron de la mort. Le FMLN fait maintenant partie du gouvernement démocratique du Salvador et détient des sièges à l'Assemblée législative.                 

         ...

             Bien que la preuve documentaire mentionne que des ex-combattants de la guerre civile aient été menacés, la preuve ne les identifie pas comme d'anciens guérilleros, et l'action de guérilla n'était pas la principale activité du demandeur pendant la guerre.                 

[5]      Après l'audience, le demandeur a présenté environ 100 pages de preuve, dont aucune n'est mentionnée dans la décision de la Commission et qui, selon le demandeur, contredisent directement les conclusions de la Commission. Bien que le demandeur ait dit dans son FRP qu'il a été un guérillero du FMLN dans son adolescence, il a dit dans son témoignage que ses fonctions principales consistaient à soigner les blessés. Il était loisible à la Commission de conclure, à la p. 11 du dossier du demandeur :

         [Traduction]Le demandeur n'a eu aucun problème après 1989, pendant six ans, soit trois ans après la signature des accords de paix. Le demandeur était surtout un infirmier pendant la guerre, et un infirmier et administrateur à plein temps dans un hôpital et un étudiant à temps partiel après la guerre, surtout après la signature des accords de paix en 1992. Son implication politique était mineure et se situait à un niveau local.                 

[6]      La preuve documentaire soumise par le demandeur montre que les guérilleros engagés dans les activités de guerre, les personnalités, les politiciens et les criminels sont les groupes qui ont été visés par l'escadron de la mort. La Commission n'a pas conclu que le demandeur appartenait à une de ces catégories. Il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion.

[7]      Pour ce qui est de la seconde question, le demandeur allègue que la Commission a très mal interprété la preuve sur laquelle elle s'est fondée pour conclure qu'il pouvait obtenir la protection de l'État, en particulier du PNC.

[8]      Il est important de rappeler qu'un demandeur provenant d'un État démocratique comme le Salvador doit s'acquitter d'un lourd fardeau de preuve pour tenter d'établir l'absence de protection de l'État. Le critère est mentionné en partie par le juge La Forest dans Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, aux p. 724 et 725 :

         ... D'après les faits de l'espèce, il n'était pas nécessaire de prouver ce point car les représentants des autorités de l'État ont reconnu leur incapacité de protéger Ward. Toutefois, en l'absence de pareil aveu, il faut confirmer d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer la protection. Par exemple, un demandeur pourrait présenter le témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l'État pour les protéger n'ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d'incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l'État ne s'est pas concrétisée. En l'absence d'une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l'essence de la souveraineté. En l'absence d'un effondrement complet de l'appareil étatique, comme celui qui a été reconnu au Liban dans l'arrêt Zalzali, il y a lieu de présumer que l'État est capable de protéger le demandeur.                 

[9]      Dans Smirnov c. Canada (Secrétaire d'État), [1995] 1 C.F. 780, Monsieur le juge Gibson a donné plus de détails sur ce critère, à la p. 787 :

         ... Les enquêtes entreprises n'ont peut-être pas été menées avec l'empressement que les requérants auraient préféré. Quant aux rapports demandés à la police ou à la milice par les revendicateurs, ils n'ont pas été fournis avec la délicatesse, la compréhension et le respect que méritent les victimes. Malheureusement, c'est souvent le cas, même ici au Canada.                 

[10]      Dans la présente affaire, le demandeur n'a jamais cherché la protection de l'État ou du PNC en particulier. La Commission a cité deux paragraphes d'une réponse à une demande renseignement et a omis le troisième paragraphe qui renvoyait à des articles qui révélent que la protection est moins que parfaite. Les poursuites ne sont pas toutes rapides et ne connaissent pas toutes le succès. Cependant, ce n'est pas le critère. Il était loisible à la Commission de conclure que le demandeur obtiendrait la protection du PNC. En l'absence d'une situation d'effondrement complet de l'appareil d'État, l'État est généralement présumé capable de protéger un demandeur et un demandeur doit fournir une confirmation claire et convaincante de l'incapacité de son État de la protéger. Cette preuve n'a pas été faite devant la Commission.

[11]      La demande contrôle judiciaire est rejetée.

     William P. McKeown

    

     JUGE

OTTAWA (Ontario)

le 11 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-1429-98

INTITULÉ :                  JORGE ARMANDO MARTINEZ-RIOS c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 2 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE MCKEOWN

EN DATE DU :              11 mars 1999

ONT COMPARU :

M. Paul Vandervennon              POUR LE DEMANDEUR

Mme Geraldine MacDonald              POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Vandervennon, Lehrer              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général

du Canada

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