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                                                                                                                      Date: 20010322

                                                                                                               Dossier : T-1264-99

                                                                                        Référence neutre: 2001 CFPI 230

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

ABDALLAH N. SHAKER,

SHAKER ASSOCIATES,

CHARLES MICHELS OF SWITZERLAND (INTERNATIONAL) LIMITED

                                                                                                                            demandeurs

                                                                    - et -

                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (MNR)

                                                                                                                               défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD


[1]         Abdallah N. Shaker, Shaker Associates et Charles Michels Of Switzerland (International) Limited (les demandeurs) ont interjeté appel, par voie de procès de novo sous le régime de l'article 135 de la Loi sur les douanes[1], de la décision rendue par le sous-ministre du Revenu national le 15 avril 1999, déclarant justifiée la saisie de dix-neuf montres.

LES FAITS

[2]         Le 23 janvier 1998 ou vers cette date, les demandeurs ont importé treize montres de Suisse par l'intermédiaire de UPS. Il s'agissait d'échantillons, et les droits de douane, la taxe d'accise et la TPS ont été acquittés par l'intermédiaire de UPS.

[3]         Le 4 février 1998 ou vers cette date, les demandeurs ont importé deux montres échantillons de Dubaï aux Émirats arabes unis, toujours par l'intermédiaire de UPS, en acquittant les droits de douane, la taxe d'accise et la TPS par le truchement de cette société[2].

[4]         Au mois de mars 1998, les demandeurs ont fait photographier les quinze montres importées chez M. Serge Froment dans le but de préparer un catalogue qu'ils comptaient utiliser à des fins promotionnelles au Canada.

[5]         Le 30 mars 1998, M. Shaker a effectué un voyage au cours duquel il allait rendre visite à sa mère malade au Liban puis assister à une exposition de montres à Dubaï. Son itinéraire comportait une escale en Suisse.


[6]         Le 30 mars 1998, pendant l'escale en Suisse, M. Shaker a acheté soixante-dix-huit montres de l'horlogerie EPOS.

[7]         M. Shaker est parti du Canada le 30 mars 1998, et y est revenu le 12 avril suivant. À son retour, il a signé le formulaire E311 portant les déclarations suivantes :

1-          Il rapportait au Canada des marchandises d'une valeur de 500 $.

2-          Le but du voyage était personnel.

3-          Il ne transportait aucun échantillon[3].

[8]         Le 12 avril 1998, un préposé du défendeur a fouillé les bagages de M. Shaker et a trouvé dix-neuf montres, qu'il a saisies. Il a été allégué qu'il s'agissait des quinze échantillons susmentionnés et de quatre montres achetées pendant le voyage.

[9]         Le 4 mai 1998, les demandeurs ont prié le Ministre de rendre la décision prévue à l'article 131 en en avisant par écrit l'agent ayant effectué la saisie conformément à l'article 129 de la Loi sur les douanes.


[10]       Le 15 avril 1999, le ministre a rendu sa décision sous le régime de l'article 131, maintenant la saisie de dix-sept des dix-neuf montres. Les deux autres montres ont été remises à M. Shaker parce qu'elles étaient couvertes par l'exemption personnelle de 500 $ dont il s'était prévalu à son retour au Canada le 12 avril 1998. Les dix-sept autres montres ont, depuis, été retournées aux demandeurs après paiement des droits de douane et de la pénalité établie par le défendeur.

[11]       Le 2 avril 1999, les demandeurs ont payé des droits de douane de 2 469,42 $ et une pénalité de 4 938.84 $ pour que les montres leur soient remises.

[12]       Le 13 juillet 1999, les demandeurs ont déposé la présente action sous le régime de l'article 135 de la Loi sur les douanes.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[13]       Pour plus de commodité, voici le texte des dispositions applicables de la Loi sur les douanes :



129. (1) Les personnes suivantes peuvent, dans les trente jours suivant la saisie ou la signification, en s'adressant par écrit à l'agent qui a saisi les biens ou a signifié ou fait signifier l'avis, ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie ou de la signification, présenter une demande en vue de faire rendre au ministre la décision prévue à l'article 131:

a) celles entre les mains de qui ont été saisis des marchandises ou des moyens de transport en vertu de la présente loi;

b) celles à qui appartiennent les marchandises ou les moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

c) celles de qui ont été reçus les montants ou garanties prévus à l'article 117, 118 ou 119 concernant des marchandises ou des moyens de transport saisis en vertu de la présente loi;

d) celles à qui a été signifié l'avis prévu aux articles 109.3 ou 124.

(2) Il incombe à la personne qui prétend avoir présenté la demande visée au paragraphe (1) de prouver qu'elle l'a présentée.

129. (1) Any person

(a) from whom goods or a conveyance is seized under this Act,

(b) who owns goods or a conveyance that is seized under this Act,

(c) from whom money or security is received pursuant to section 117, 118 or 119 in respect of goods or a conveyance seized under this Act, or

(d) on whom a notice is served under section 109.3 or 124

may, within thirty days after the date of the seizure or the service of the notice under section 109.3 or 124, request a decision of the Minister under section 131 by giving notice in writing to the officer who seized the goods or conveyance or served the notice or caused it to be served, or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place or the notice was served.

2) The burden of proof that notice was given under subsection (1) lies on the person claiming to have given the notice.




131.(1) Après l'expiration des trente jours visés au paragraphe 130(2), le ministre étudie, dans les meilleurs délais possible en l'espèce, les circonstances de l'affaire et décide si c'est valablement qu'a été retenu, selon le cas :

a) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier soit la saisie des marchandises ou des moyens de transport en cause, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

b) le motif d'utilisation des moyens de transport en cause dans le transport de marchandises ayant donné lieu à une infraction, pour justifier soit la saisie de ces moyens de transport, soit la signification à leur sujet de l'avis prévu à l'article 124;

c) le motif de non-conformité à un règlement visé à l'article 109.1 ou à une condition d'octroi d'un agrément en vertu de l'article 24 pour justifier l'établissement d'une pénalité pour non-conformité au règlement ou à la condition en question;

d) le motif d'infraction à la présente loi ou à ses règlements pour justifier l'établissement d'une pénalité en vertu de l'article 109.2 pour perpétration de l'infraction prévue à cet article.

(2) Dès qu'il a rendu sa décision, le ministre en signifie par écrit un avis détaillé à la personne qui en a fait la demande.

(3) La décision rendue par le ministre en vertu du paragraphe (1) n'est susceptible d'appel de restriction, d'interdiction, d'annulation, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues au paragraphe 135(1).               

135. (1) Toute personne qui a demandé que soit rendue une décision en vertu de l'article 131 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de cette décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale, à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

(2) La Loi sur la Cour fédérale et les Règles de la Cour fédérale applicables aux actions ordinaires s'appliquent aux actions intentées en vertu du paragraphe (1), sous réserve des adaptations occasionnées par les règles particulières à ces actions.

131.(1) After the expiration of the thirty days referred to in subsection 130(2), the Minister shall, as soon as is reasonably possible having regard to the circumstances, consider and weigh the circumstances of the case and decide

(a) in the case of goods or a conveyance seized or with respect to which a notice was served under section 124 on the ground that this Act or the regulations were contravened in respect of the goods or the conveyance, whether the Act or the regulations were so contravened;

(b) in the case of a conveyance seized or in respect of which a notice was served under section 124 on the ground that it was made use of in respect of goods in respect of which this Act or the regulations were contravened, whether the conveyance was made use of in that way and whether the Act or the regulations were so contravened;

(c) in the case of a penalty under section 109.1 assessed against a person for failure to comply with a regulation referred to in that section or with the terms and conditions on which a licence was issued under section 24, whether the person so failed to comply with the regulation or the terms and conditions of regulations were so contravened.

(d) in the case of a penalty under section 109.2 assessed against a person for a contravention of this Act or the regulations as described in that section, whether this Act or the regulations were so contravened.

(2) The Minister shall, forthwith on making a decision under subsection (1), serve on the person who requested the decision a detailed written notice of the decision.

3) The Minister's decision under subsection (1) is not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by subsection 135(1).

135. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 131 may, within ninety days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which that person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

(2) The Federal Court Act and the Federal Court Rules applicable to ordinary actions apply in respect of actions instituted under subsection (1) except as varied by special rules made in respect of such actions.


LES QUESTIONS EN LITIGE

[14]       La Cour doit trancher les questions suivantes :

(1)         M. Shaker a-t-il omis de déclarer les montres qui ont été saisies à son retour au Canada le 12 avril 1998, contrevenant à l'article 12 de la Loi sur les douanes?

(2)         Les montres saisies étaient-elles les montres qui avaient déjà été importées par les demandeurs et pour lesquelles les droits avaient déjà été acquittés?

(3)         Le défendeur a-t-il correctement évalué les montres saisies?

ANALYSE


[15]       Les demandeurs font valoir qu'ils avaient déjà acquitté les droits de douane, la taxe d'accise et la TPS sur les montres saisies lorsqu'ils les avaient initialement importées au Canada et que, par conséquent, M. Shaker n'avait pas à déclarer ces articles sous le régime de l'article 12 de la Loi sur les douanes à son retour au Canada le 12 avril 1998.

[16]       L'avocat du défendeur soutient qu'en omettant de déclarer les montres à son arrivée au Canada, M. Shaker a contrevenu à l'article 12 de la Loi sur les douanes.

[17]       Pour trancher la première question soulevée, il n'est pas nécessaire de déterminer si les montres saisies étaient celles pour lesquelles des droits avaient déjà été acquittés. En effet, même si les demandeurs peuvent démontrer qu'il s'agit des mêmes montres - une question que la Cour abordera plus loin dans les présents motifs - il reste que la Loi sur les douanes exige qu'il y ait quand même déclaration, puisque l'article 12 de la Loi établissait une présomption d'importation à l'égard des montres saisies.

[18]       Voici le texte des paragraphes 12(1) et (3.1) de la Loi sur les douanes :


12. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, ainsi que des circonstances et des conditions prévues par règlement, toutes les marchandises importées doivent être déclarées au bureau de douane le plus proche, doté des attributions prévues à cet effet, qui soit ouvert.

(...)

(3.1) Il est entendu que le fait de faire entrer des marchandises au Canada après leur sortie du Canada est une importation aux fins de la déclaration de ces marchandises prévue au paragraphe (1).

12. (1) Subject to this section, all goods that are imported shall, except in such circumstances and subject to such conditions as may be prescribed, be reported at the nearest customs office designated for that purpose that is open for business.

(...)

(3.1) For greater certainty, for the purposes of the reporting of goods under subsection (1), the return of goods to Canada after they are taken out of Canada is an importation of those goods.



[19]       Il appert donc clairement de la Loi sur les douanes que M. Shaker devait déclarer les montres à son retour du Canada le 12 avril 1998. Le paragraphe 12(3.1) porte précisément sur le retour de marchandises qui sont sorties du Canada et fait obligation de déclarer de telles marchandises.

[20]       De plus, l'article 95 de la Loi sur les douanes énonce qu'il faut déclarer les marchandises qui sortent du Canada. Rien dans la preuve n'établit que les demandeurs aient ainsi déclaré les montres en l'espèce.

[21]       La preuve démontre clairement que M. Shaker a omis de déclarer les montres comme il en avait l'obligation aux termes de l'article 12 de la Loi sur les douanes. Bien qu'il n'ait pas tenté de dissimuler les montres, celles-ci n'ont été découvertes que lorsqu'un agent des douanes a fouillé ses bagages.

[22]       Dans l'affaire Kong, le juge Collier a examiné la question de l'omission de déclarer des marchandises sorties du Canada puis réintroduites. Voici ce qu'il a écrit :

C'est avec regret que je dois conclure que le ministère public a raison en droit et que l'action du demandeur ne peut réussir. Il est constant que la confiscation en raison de l'omission de faire la déclaration prévue à l'article 18 est automatique : Voir King c. Bureau, [1949] R.C.S. 367, Nader c. La Reine, [1973] C.F. 898 et La Reine c. Sun Parlor Advertising Company et al., [1973] C.F. 1055. La présence au Canada des effets avant leur sortie du Canada et leur retour à l'occasion de l'omission de faire la déclaration ne constitue pas une excuse à l'omission de les déclarer comme l'exige l'article 18 : Voir Marun et al. c. The Queen, [1965] 1 R.C.É. 280, [1964] C.T.C. 444, 64 D.T.C. 5328; Shaikh c. La Reine, (1982) 4 C.E.R. 123[4].


[23]       Je conclus donc que les demandeurs ont omis de déclarer les montres saisies et qu'ils ont ainsi contrevenu à l'article 12 de la Loi sur les douanes. Le fait qu'ils croyaient avoir déjà acquitté les droits de douane relativement aux montres saisies - croyance sur laquelle je ne me prononce pas - ne leur est d'aucun secours et ne peut être invoqué comme moyen de défense.


[24]       Il convient maintenant d'aborder brièvement la question du fardeau de preuve applicable dans des affaires comme la présente espèce. L'article 152 de la Loi sur les douanes[5] revêt une importance particulière pour les deux questions qu'il reste à examiner. Il énonce qu'il incombe à l'autre partie, et non à Sa Majesté, de prouver l'identité ou l'origine des marchandises, le mode, le moment ou le lieu de l'importation ou le paiement des droits afférents. En l'espèce, ce sont donc les demandeurs qui ont le fardeau de la preuve.

[25]       On pourrait fort bien prétendre que la deuxième question soulevée en l'espèce n'a plus de raison d'être. J'ai en effet conclu que le demandeur, M. Shaker, a contrevenu à l'article 12 de la Loi sur les douanes en ne déclarant pas les marchandises et que le défendeur a donc régulièrement saisi les montres. Toutefois, un témoin du défendeur, Mme Suzanne Reagan, de la Division de l'arbitrage de la Direction générale des appels, a fait état, à l'instruction, d'une politique du défendeur consistant à renoncer à imposer des droits lorsqu'il est démontré que des droits ont déjà été acquittés à l'égard des marchandises importées. C'est pourquoi il faut, selon moi, examiner la deuxième question.

[26]       Je suis d'avis que les demandeurs n'ont pas prouvé, comme il le leur incombait, que les montres saisies étaient vraiment celles que M. Shaker avaient sorties du pays et pour lesquelles les droits avaient été payés. Je m'appuie plus particulièrement sur le témoignage de Mme Reagan pour tirer cette conclusion.


[27]       Les demandeurs n'ont pas démontré de façon certaine que les montres saisies le 12 avril 1998 étaient les montres qui été avaient été importées le 23 janvier 1998 et qui auraient été sorties du Canada. La preuve déposée devant la Cour favorise le défendeur :

(a)         les montres ne portent aucun numéro de série pouvant faciliter le processus. M. Shaker reconnaît que le numéros de référence figurant sur les échantillons se rapportent à un modèle et que beaucoup de montres pouvaient fort bien porter le même numéro, ce que la preuve établit clairement;

(b)         M. Froment, le photographe des demandeurs, n'a pu confirmer que les montres qu'il a photographiées étaient celles qui ont été saisies;

(c)         l'affidavit de documents souscrit par Mme Reagan relève de nombreuses divergences dans les factures et les autres documents, telle la non-concordance entre les numéros de référence des échantillons déclarés par M. Shaker et ceux qui figuraient sur certaines des montres saisies;

(d)         M. Shaker n'a pas déclaré, dans le formulaire E 311, l'escale en Suisse et l'achat de soixante-dix-huit montres pour un voyage d'affaires à Dubaï;


(e)         M. Shaker ne m'a pas convaincu qu'il a rendu compte de la totalité des soixante-dix-huit montres ainsi qu'il le prétend. Non seulement existe-t-il des divergences dans les documents déposés ainsi qu'il est mentionné à l'alinéa 27(c), mais M. Shaker s'est également contredit dans son témoignage lorsqu'il a tenté d'expliquer sa preuve documentaire.

Tous ces faits m'amènent à conclure que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau de prouver que chacune des montres saisies faisait partie du lot de montres importées le 23 janvier 1998 pour lesquelles les droits et taxes avaient déjà été acquittés.

[28]       J'estime que Mme Reagan a effectué un examen minutieux des factures et autres documents fournis par les demandeurs et qu'elle était justifiée de conclure qu'aucune des montres saisies ne faisait partie des montres importées par l'intermédiaire de UPS le 23 janvier 1998.

[29]       Par conséquent, je suis d'avis que les demandeurs n'ont pas prouvé comme il le leur incombait que ces montres étaient bien celles pour lesquelles ils avaient déjà payé des droits.


[30]       Il reste, une fois établie la régularité de la saisie sous le régime de la Loi sur les douanes, à déterminer la valeur des montres saisies. Dans l'affaire Mattu[6], le juge MacKay expose que la Cour ne modifiera pas à la légère de telles décisions en appel, et il décrit les conditions qui devront exister pour que la Cour intervienne :

L'article 135 de la Loi sur les douanes n'énonce pas de façon détaillée les exigences applicables à l'appel qu'il prévoit à l'encontre de la décision du ministre ni ne précise la nature de celui-ci, et ces questions n'ont fait l'objet d'aucun débat en l'instance. Selon l'interprétation que j'en fais, cette disposition prévoit la tenue d'un procès de novo, au sens où la Cour n'est pas tenue de s'en tenir à l'examen de la preuve dont disposait le ministre. Par contre, tout comme dans le cas d'appel d'autres décisions administratives ou de décisions rendues par des organismes quasi-judiciaires créés législativement, la Cour n'interviendra pas à la légère et devra être convaincue que le ministre ou ses mandataires n'ont pas observé un principe de justice naturelle ou qu'ils ont outrepassé les pouvoirs que leur confère la loi ou, encore, que leur décision repose sur une erreur de droit ou une conclusion de fait arbitraire, entachée de mauvaise foi ou tirée sans égard à la preuve présentée pour modifier la décision[7].

[31]       En l'espèce, la Cour a entendu deux témoins experts relativement à la valeur des montres saisies. M. Steve Saikaley a témoigné pour les demandeurs. Son expérience lui vient principalement des années où il a travaillé dans le commerce de détail.


[32]       À plus d'un occasion, M. Saikaley a affirmé que le processus d'évaluation était principalement un jeu de nombres. La méthode qu'il a décrite consiste essentiellement à additionner le coût d'acquisition des différentes pièces de la montre et à ajouter la marge bénéficiaire au total obtenu. Plus d'une fois, le témoin n'a pu expliquer de façon satisfaisante les écarts que comportait son analyse. Son témoignage ne m'a pas convaincu qu'il convenait de substituer son évaluation des montres saisies à celle que le Ministre a établie en s'appuyant sur les conclusions de son expert.

[33]       De fait, j'estime que la déposition du témoin expert du Ministre, M. Jocelyn Gonthier, a été claire. Il a fait une analyse cohérente, étayée objectivement par ses arguments. M. Gonthier est gemmologiste accrédité, et il a beaucoup d'années d'expérience dans l'évaluation des montres ainsi que dans le commerce de détail.

[34]       Après avoir examiné avec soin le témoignage des deux experts, il me faut conclure que le critère énoncé dans la décision Mattu, relativement à l'intervention de la Cour dans des affaires de ce genre, n'a pas été rempli. Les demandeurs n'ont pas démontré, ainsi qu'il le leur incombait, que l'évaluation des montres faite par le Ministre était manifestement déraisonnable.

[35]       Je suis d'avis que l'évaluation de M. Gonthier est satisfaisante et représente, pour les fins de la Loi sur les douanes, la juste valeur des montres saisies.

[36]       Je ne puis tirer qu'une conclusion, savoir que le défendeur s'est conformé à la Loi sur les douanes, que la saisie des montres était régulière et qu'il n'y a pas lieu d'intervenir quant aux droits et à la pénalité imposés.


[37]       Le juge Denault, de notre Cour, a exposé dans la décision Time Data Recorder[8] qu'il ne convient pas, dans les appels interjetés sous le régime de l'article 135, que la Cour modifie le montant de la pénalité imposée par le ministre, et je souscris à son opinion.

[38]       Pour ces motifs, l'appel fondé sur l'article 135 de la Loi sur les douanes est rejeté avec dépens.

                                                          ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.          L'appel fondé sur l'article 135 de la Loi sur les douanes est rejeté avec dépens.

      « Edmond P. Blanchard »           

Juge

Traduction certifiée conforme

                                    

Ghislaine Poitras, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           T-1264-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Abdallah N. Shaker et al.

c.

Le ministre du Revenu national (MNR)

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Les 29 et 30 janvier 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE BLANCHARD EN DATE DU 22 MARS 2001

ONT COMPARU :

M. Abdallah N. Shaker                                     pour les demandeurs

M. Louis Sébastien                                            pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                                        pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)



[1]            Loi sur les douanes, L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.).

[2]            Affidavit de documents des demandeurs.

[3]            Affidavit de documents souscrit par Suzanne Reagan, pièce no D-5, onglet 16.

[4]            Kong c. Sa Majesté la Reine (1985), 7 C.E.R. 240.

[5]

152.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), dans toute procédure engagée sous le régime de la présente loi, la charge de la preuve incombe, non à Sa Majesté, mais à l'autre partie à la procédure ou à l'inculpé pour toute question relative, pour ce qui est de marchandises :

a) à leur identité ou origine;

b) au mode, moment ou lieu de leur importation ou exportation;

c) au paiement des droits afférents;

d) à l'observation, à leur égard, de la présente loi ou de ses règlements.

152.

(3) Subject to subsection (4), in any proceeding under this Act, the burden of proof in any question relating to

(a) the identity or origin of any goods,

(b) the manner, time or place of importation or exportation of any goods,

(c) the payment of duties on any goods, or

(d) the compliance with any of the provisions of this Act or the regulations in respect of any goods

lies on the person, other than Her Majesty, who is a party to the proceeding or the person who is accused of an offence, and not on Her Majesty.

[6]            Mattu c. Canada (1991), 45 F.T.R. 190.

[7]            Idem, au par. 27.

[8]            Time Data Recorder International Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.N.R.)[1993] J.C.F., no 768, confirmé par [1997] J.C.F. no 475.

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