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     T-1424-96

     T-1672-96

Entre :

     LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

     requérante,

     - et -

     L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimées.

     Je requiers que la transcription certifiée conforme ci-jointe des motifs du jugement que j'ai prononcé oralement à l'audience à Ottawa (Ontario), le 12 mai 1997, soit déposée pour satisfaire aux exigences de l'article 51 de la Loi sur la Cour fédérale.

                                     F.C. Muldoon

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 mai 1997

Traduction certifiée conforme :     
                             François Blais, LL.L.

     No du greffe : T-1424-96

     T-1672-96

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     (SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)

E N T R E :

     LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

     requérante,

     - et -

     L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimées.

     **********

     M O T I F S D U J U G E M E N T

     de l'honorable juge Muldoon

     prononcés oralement le 12 mai 1997,

     dans la salle d'audience no 2, Cour fédérale,

     90, rue Sparks,

     dans la ville d'Ottawa,

     dans la province d'Ontario.

ONT COMPARU :

Roy L. Heenan,

Thomas E.F. Brady      Avocats de la requérante

James G. Cameron      Avocat de l'intimée,

     l'Alliance de la fonction publique du Canada

Fiona Keith      Avocate de l'intimée,

     la Commission canadienne des droits de la personne

         LE JUGE MULDOON : Dans toutes les cause où les parties demandent au tribunal de régler leur différend, la satisfaction de l'une des parties emporte l'insatisfaction de l'autre, mais c'est dans la nature des différends qui, plutôt que d'être résolus par les parties, le sont par un tiers.

         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de deux décisions intimement liées l'une à l'autre, rendues le 16 mai dans le dossier T-1424-96 et le 12 juin 1996 dans le dossier T-1672-96, par le Tribunal canadien des droits de la personne concernant une plainte formulée contre la requérante, la Société canadienne des postes. Selon cette plainte, la Société canadienne des postes aurait contrevenu à l'article 11 de la Loi canadienne sur les droits de la personne en versant à certains employés de bureau, formant un groupe à prédominance féminine, une rémunération moindre qu'à certains employés du Groupe des opérations postales, à prédominance masculine, pour un travail équivalent.

         Les deux demandes dont la Cour est saisie aujourd'hui ont été jointes en vertu de l'ordonnance rendue par le juge Pinard le 22 juillet 1996. La requérante demande l'annulation des décisions et sollicite une ordonnance de mandamus, de façon que les ordonnances rendues par le tribunal pour permettre à la requérante de présenter la preuve exclue par les décisions puissent être annulées, et que le tribunal soit obligé d'accepter la preuve que la requérante entend produire.

         Les décisions contestées concernent l'admissibilité en preuve de la déposition de témoins experts concernant un rapport d'évaluation de postes préparé en 1987 par la Commission canadienne des droits de la personne. Aux fins du règlement de la plainte, trois études d'évaluation de postes ont été admises en preuve devant le tribunal, avec le consentement de toutes les parties : le rapport de 1987, un rapport préparé par la Commission en 1991, et un rapport ou une étude rédigée par l'Alliance de la fonction publique du Canada en 1993. Au cours de l'audition devant le tribunal, la requérante, la Société canadienne des postes, désirait que ses experts puissent se reporter aux résultats de l'étude de 1987. Les avocats de l'AFPC et de la Commission se sont opposés à toute mention de l'étude de 1987 par les témoins experts de la requérante. On le constate à la lecture des pages 21179 à 21183 et 21194 du volume 165 de la transcription. L'objection des avocats de l'AFPC et de la Commission s'appuyaient sur la pertinence.

         De l'avis de la Cour, il est incongru qu'un document puisse être admis en preuve, mais que des témoins ne puissent pas témoigner ni produire d'éléments de preuve concernant ce document. Il s'agirait manifestement de témoins experts. Toutes les parties ont convenu qu'un voir-dire devait être tenu pour trancher la question de l'admissibilité de la déposition des témoins experts concernant les résultats de la notation des postes de 1987.

         Les parties se sont entendues pour que le voir-dire se déroule en deux étapes. La première concernait le question suivante : "Les résultats de la notation de 1987 sont-ils pertinents à l'évaluation de la fiabilité des résultats des notations de 1991 et 1993?" Le tribunal y a répondu par la négative le 16 mai 1996. La question en cause à la deuxième étape du voir-dire était la suivante : "La notation de 1987 est-elle pertinente à la détermination de l'existence et de l'ampleur d'une disparité salariale?" Le tribunal a également répondu à cette question par la négative. Ce sont ces deux décisions interlocutoires qui sont maintenant soumises à la Cour.

         La Cour a porté certaines décisions judiciaires à l'attention des avocats quelques jours avant le début de l'audition : Szczecka v. M.E.I., (1993) 170 N.R. 58, et Schnurer c. M.R.N., A-315-96, 3 février 1997. Une autre décision pourrait très bien être mentionnée : Brennan c. La Reine, [1984] 2 C.F. 799. Toutes portent que la Cour n'est pas tenue de se donner du mal, ni de gaspiller le temps du tribunal, à tout le moins la Cour d'appel fédérale dans une instance sous le régime de l'article 28, pour trancher des litiges concernant des décisions interlocutoires.

         Malgré cette jurisprudence, les avocats de toutes les parties ont convenu que l'affaire devait être entendue et tranchée pour que l'instance suive son cours devant le tribunal. La requérante n'a toutefois pas demandé d'interruption de l'instance devant le tribunal en attendant que le litige qui nous est soumis soit réglé.

         La requérante, la Société canadienne des postes, a fait entendre trois témoins experts au cours de la première étape du voir-dire, afin d'établir la pertinence de l'étude de 1987 aux fins de l'évaluation de la fiabilité des résultats de la notation de 1991 et de 1993. Le premier témoignage a été rendu par Mme Nadine Winter. Madame Winter a déclaré que les résultats de l'évaluation des postes ne pouvaient être acceptables que s'ils étaient fiables. À son avis, des résultats sont fiables lorsqu'en utilisant des évaluations identiques, on obtient des résultats très semblables pour un poste. Selon le témoignage de Mme Winter, les trois évaluations de postes ont utilisé le "système Hay" d'évaluation des postes, et la version de 1987 a utilisé une version très légèrement différente connue sous le nom de "Système 1". Après avoir examiné les trois études, Mme Winter est parvenue à la conclusion que le rapport de 1987 était très utile pour évaluer la fiabilité des rapports de 1991 et 1993 parce que les trois études donnaient des résultats incompatibles. L'utilisation des résultats de 1987 constituait un bon moyen d'apprécier la fiabilité.

         M. Bellhouse a été le deuxième expert à témoigner à la demande de la requérante. Il a examiné les rapports sous l'angle des statistiques, et il a déclaré qu'il s'attendrait que des évaluations répétées utilisant la même méthode donnent des résultats semblables. À défaut, les résultats ne pouvaient être fiables. Voici l'essentiel de son témoignage : si trois évaluations de postes ne concordent pas, les trois évaluations pourraient être inutiles. M. Bellhouse a repéré deux sources d'erreurs statistiques démontrables qui ne pouvaient être séparées, sur le plan statistique, qu'en prenant en considération les résultats de 1987. On le constate aux pages 698 à 701 et 711 à 712 du volume 2 du dossier de la requérante. Il a conclu qu'il serait très difficile de ne pas utiliser des évaluations de postes de 1987 dans un examen statistique des études, plutôt que de n'utiliser que les résultats de 1991 et 1993, beaucoup plus difficile. C'est ce qui ressort du dossier de la requérante, volume 2, page 716.

         Monsieur Norman Willis a été le dernier expert à témoigner à la demande de la Société canadienne des postes à cette étape du voir-dire. Selon son témoignage, les résultats de 1987 sont pertinents, principalement pour la même raison que celle mentionnée plus haut par les deux autres témoins, et pour la raison évidente que plus les données connues sont nombreuses, plus il est facile d'évaluer les autres études. Monsieur Willis a déclaré que le fait que l'étude de 1987 n'évalue pas les postes PO, ou des opérations postales, ne porte pas atteinte à sa validité pour l'évaluation des postes CR, ou d'employés de bureau.

         L'AFPC et la Commission n'ont produit aucune preuve sur cette question. Le 16 mai, le tribunal a déclaré que les résultats de l'évaluation de postes de 1987 étaient inadmissibles parce qu'ils n'étaient pas pertinents pour l'évaluation de la fiabilité des évaluations de postes de 1991 et 1993. C'est ce qui ressort des pages 10 à 36 du volume 1 du dossier de la requérante.

         La deuxième étape du voir-dire a alors été amorcée en vue de déterminer si les notations de 1987 étaient pertinentes pour déterminer l'existence d'une disparité salariale et son ampleur. La Société canadienne des postes a fait entendre un témoin, M. John Mattila. Celui-ci a témoigné qu'il existe des méthodes statistiques qui permettent de corriger des erreurs de notation pour l'évaluation de postes, mais que pour les appliquer, il fallait des répétitions indépendantes des notations. M. Mattila a témoigné que les notations de 1991 et 1993 n'étaient pas des répétitions indépendantes parce que les évaluateurs de 1993 étaient au courant des notations de 1991 et avaient examiné les justifications raisonnées de l'évaluation des postes de 1991. Selon M. Mattila, des répétitions indépendantes démontreraient s'il existe des degrés de corrélation avec les autres facteurs des études. De l'avis de M. Mattila, le fait que le dernier rapport ne soit pas indépendant a donné plus d'importance à l'évaluation de 1987 parce qu'il y avait une répétition indépendante. Enfin, M. Mattila a témoigné que la notation de 1987 contenait des données très utiles. Son témoignage est rapporté aux pages 1285 et 1269 à 1270 du volume 4 du dossier de la requérante.

         Le 12 juin, le tribunal a décidé que les résultats de l'évaluation de postes de 1987 n'étaient pas pertinents à l'évaluation de l'erreur de mesure des études d'évaluation de 1991 et 1993. Beaucoup de causes de jurisprudence ont été citées en l'espèce sur la question de savoir si la Cour devait en fait examiner ou modifier la décision interlocutoire du tribunal concernant l'admissibilité de la preuve. Il faut ici mentionner différentes décisions de la Cour tirées simplement des recueils de jurisprudence. On peut d'abord mentionner l'arrêt Procureur général du Canada c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 555; un passage de l'opinion du juge LaForest, à la page 585, mérite d'être cité :

         Ce pouvoir appartient seulement au tribunal des droits de la personne dans son rôle décisionnel en vertu de la partie III de la Loi. D'ailleurs, le tribunal n'est pas, simplement en raison de ces autres fonctions de la Commission, à l'abri du contrôle habituel lorsqu'il rend des décisions. Ces tribunaux sont des organismes constitués au besoin pour régler un différend particulier. À ce point de vue, leur situation est semblable à celle d'un arbitre en relations du travail. Toutefois, un tribunal des droits de la personne ne me paraît pas commander le même niveau de retenue qu'un arbitre.

Il poursuit et déclare enfin :

         ... l'expertise supérieure d'un tribunal des droits de la personne porte sur l'appréciation des faits et sur les décisions dans un contexte de droits de la personne et ne s'étend pas aux questions générales de droit comme celle qui est soulevée en l'espèce. Ces questions relèvent de la compétence des cours de justice et font appel à des concepts d'interprétation des lois et à un raisonnement juridique général, qui sont censés relever de la compétence des cours de justice. Ces dernières ne peuvent renoncer à ce rôle en faveur du tribunal administratif. Elles doivent donc examiner les décisions du tribunal sur des questions de ce genre du point de vue de leur justesse et non en fonction de leur caractère raisonnable.

         L'arrêt Gould c. Yukon Order of Pioneers, [1996] 1 R.C.S. 571, a également été mentionné. L'extrait qui importe en l'occurrence est tiré de l'opinion du juge Iacobucci qui déclare qu'il existe une gamme de normes, dont une extrémité est celle de la retenue judiciaire et l'autre, celle de la décision correcte. Ce sont là les normes que les cours de justice appliquent aux décisions des différents tribunaux administratifs. Voici le passage que la Cour désire citer en l'occurrence :

         À l'autre extrémité de la gamme, où la norme de la décision correcte requiert le moins de retenue relativement aux questions juridiques, ce sont les cas où les questions en litige portent sur l'interprétation d'une disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l'exercice de la compétence) ou encore les cas où la loi prévoit un droit d'appel qui permet au tribunal siégeant en révision de substituer son opinion à celle du tribunal, et où le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que la cour de justice sur la question soulevée, par exemple dans le domaine des droits de la personne. Voir les arrêts Zurich Insurance Co. c. Ontario (Commission des droits de la personne), [1992] 2 R.C.S. 321.

Et ainsi de suite.

         Sont également intéressants les arrêts Morris c. La Reine, [1983] 2 R.C.S. 190, et une autre cause en matière pénale, l'affaire R. c. Corbett, [1988] 1 R.C.S. 670. Le juge en chef de l'époque, le juge en chef Dickson, a déclaré dans cette cause :

         Je suis d'accord avec mon collègue le juge La Forest pour dire que les règles fondamentales de droit de la preuve comportent un principe d'inclusion en vertu duquel il est permis de produire en preuve tout ce qui sert logiquement à prouver un fait en litige, sous réserve des règles d'exclusion reconnues et des exceptions à celles-ci. Pour le reste, c'est une question de valeur probante. La valeur probante d'une élément de preuve peut être forte, faible ou nulle. En cas de doute, il vaut mieux pécher par inclusion que par exclusion et, à mon avis, conformément à la transparence de plus en plus grande de notre société, nous devrions nous efforcer de favoriser l'admissibilité, à moins qu'il n'existe une raison très claire de politique générale ou de droit qui commande l'exclusion.

Or, comme nous l'avons mentionné, il s'agit d'une cause en matière pénale dans laquelle les normes d'admissibilité sont plus élevées et plus exigeantes, de façon notable, qu'en matière civile ou administrative.

         Dans l'affaire R. c. Zeolkoski, [1989] 1 R.C.S. 1379, M. le juge Sopinka, qui est également l'un des éminents auteurs d'un ouvrage de doctrine portant sur la preuve, a déclaré, à la page 1386 :

         Le sens de l'expression "tout élément de preuve pertinent" a constitué l'élément principal sur lequel la Cour d'appel a appuyé sa décision majoritaire. À mon avis, cette expression désigne tous les faits qui, logiquement, ont une valeur probante eu égard à la question en litige. La règle générale en matière de preuve porte que tous les éléments de preuve pertinents sont admissibles. Les faiblesses de la preuve en affectent la force probante.

Il en va de même dans l'arrêt Roberval Express c. Transport Drivers Union, [1988] 2 R.C.S. 888, dans lequel feu M. le juge Chouinard a tenu les propos qui suivent à la page 904 :

         À mon avis, il y a là plus qu'une question d'appréciation de la preuve. Si ces faits sont prouvés, et au stade de l'émission du bref d'évocation ils doivent être tenus pour avérés, je n'hésite pas à conclure qu'ils justifient les conclusions recherchées. L'appelante allègue le refus de la part de l'arbitre d'entendre une preuve admissible et pertinente. Le refus d'entendre une preuve admissible et pertinente est un cas si net d'excès ou de refus d'exercer sa juridiction qu'il ne nécessite aucune élaboration.

         Enfin, la Cour souhaite citer l'arrêt Université du Québec c. Laroque, [1993] 1 R.C.S. 471, dans lequel l'actuel juge en chef du Canada, le juge en chef Lamer, a déclaré, à la page 490 :

         Il est vrai que l'erreur d'un tribunal administratif dans l'évaluation de la pertinence d'une preuve est une erreur de droit et que, de façon générale, les décisions des tribunaux administratifs bénéficiant de la protection d'une clause privative complète échappent au contrôle judiciaire pour de simples erreurs de droit.

La cour s'interrompt ici pour souligner que le tribunal administratif en cause en l'espèce, un tribunal des droits de la personne, ne bénéficie pas d'une clause privative.

         Le juge en chef Lamer ajoute :

         Il en va toutefois autrement dans les cas, où, comme cela s'est ici produit selon l'intimée, la décision de l'arbitre sur la pertinence d'une preuve a eu pour effet une violation des règles de la justice naturelle. La violation des principes de justice naturelle est en effet considérée, en soi, comme un excès de juridiction et il ne fait par conséquent aucun doute qu'une telle violation donne ouverture au contrôle judiciaire. Mais cela nous ramène à la question qui fait l'objet du présent litige: y a-t-il eu ici, en raison du refus de l'arbitre mis en cause de recevoir la preuve offerte par l'intimée, violation de la justice naturelle?

         En l'espèce, la requérante, la Société canadienne des postes, soutient que le fait de lui interdire d'exposer pleinement sa défense devant le tribunal constitue une violation de la justice naturelle; c'est là l'argument qu'elle invoque. Quant aux intimées, elles soutiennent que la Cour a en main le rapport 1987 et que la requérante ne saurait l'utiliser d'une autre façon. Dans la cause susmentionnée également, on note un passage dans lequel madame le juge L'Heureux-Dubé écrit, à la page 495 :

         Refuser une preuve pertinente et admissible constitue une violation des règles de justice naturelle. C'est une chose que d'adopter des règles de procédure propres à une audition, c'en est une autre que de ne pas respecter une règle fondamentale, soit celle de rendre justice aux parties en entendant une preuve pertinente et, partant, admissible. C'est le cas ici.

         La Cour entend mentionner également deux autres sources, des ouvrages de doctrine, et l'ouvrage que préfère habituellement notre Cour est celui de Sopinka, Lederman et Bryant, "The Law of Evidence in Canada", 1992, pages 22, 26 et 27, ainsi que "Wigmore on Evidence", volumes 1 et 1A, révisé par P. Tillers, 1983, pages 714 et 715. Ce sont là des sources générales de la jurisprudence mentionnées par la Cour en l'espèce.

         La Cour constate que le tribunal a commis une erreur de droit en excluant le témoignage des personnes citées par la Société canadienne des postes concernant un document déjà admis en preuve. Il semble que le tribunal, et peut-être les avocats de l'AFPC et de la Commission, n'aient pas bien fait de distinction entre les notions d'admissibilité de la preuve et de force probante.

         L'avocat de l'AFPC s'est plaint valablement des longs délais en l'espèce. La plainte a été déposée en 1983 et aujourd'hui, 14 ans plus tard, le tribunal n'a toujours pas achevé ses délibérations. Les tribunaux des droits de la personne ont été établis par la loi, comme chacun sait, pour que les plaintes en matière de droits de la personne soient entendues de façon relativement sommaire et rapide; n'importe qui conviendrait donc que quelque chose ne va pas dans la présente instance. Toutefois, le tribunal n'a pas à se prononcer sur ce retard. On pourrait soutenir que si les avocats respectifs des parties opposées à la Société canadienne des postes avaient simplement accepté la preuve, il aurait pu être débattu du poids à accorder à ce document et à ces dépositions, et le tribunal aurait pu décider qu'ils n'avaient aucune force probante, de sorte que le temps qu'on consacre à cette question aurait pu être épargné. La Cour prend toutefois le temps nécessaire parce qu'elle a manifestement été constituée pour résoudre les différends entre les parties concernant les lois du Canada.

         En ce qui a trait au litige, la Cour conclut donc que le tribunal a outrepassé sa compétence ou ne l'a pas exercée, et qu'il a violé les règles de la justice naturelle en refusant de permettre aux témoins de la Société canadienne des postes de commenter l'étude de 1987 qui avait déjà été soumise au tribunal avec le consentement de toutes les parties.

         Les demandes de la Société canadienne des postes seront accueillies conformément à l'alinéa 337(2)b). Les avocats et procureurs de la Société canadienne des postes rédigeront des ordonnances fondées sur leurs demandes, et les soumettront aux avocats des autres parties pour qu'elles soient vérifiées et leur forme arrêtée, avant de les présenter enfin à la Cour. Ils peuvent énoncer autant de facteurs soulevés en l'espèce qu'ils le jugent souhaitable, et formuler le dispositif approprié pour trancher leurs demandes.

         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire et les dépens ne sont habituellement pas adjugés dans ce type d'instance, sauf circonstances spéciales. La Cour estime qu'il n'existe aucune circonstance spéciale en l'espèce, si ce n'est qu'il s'agit d'un débat sur l'admissibilité de documents, question sur laquelle la Cour ne se prononcerait normalement pas, mais il ne s'agit pas là d'une circonstance spéciale justifiant l'adjudication des dépens. Par conséquent, les dépens ne seront pas adjugés.

         JE CERTIFIE AVOIR, de mon mieux, noté la procédure qui précède à l'aide d'une sténotype et l'avoir transcrite par transcription assistée par ordinateur,         
                 
         Genevieve MacKenzie, SA         
         Sténographe agréée         
Traduction certifiée conforme :     
                             François Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉROS DU GREFFE :          T-1424-96 & T-1672-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      La Société canadienne des postes,

     requérante,

                     et
                     L'Alliance de la fonction publique du
                     Canada et la Commission canadienne des
                     droits de la personne,

     intimées.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      12 mai 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MULDOON

DATE :                  23 mai 1997

ONT COMPARU :

Me Roy Heenan                          POUR LA REQUÉRANTE

Me Thomas Brady

Me James Cameron                      POUR L'INTIMÉE,
                                 L'ALLIANCE DE LA
                                 FONCTION PUBLIQUE DU
                                 CANADA
Me Fiona Keith                          POUR L'INTIMÉE, LA
                                 COMMISSION CANADIENNE DES
                                 DROITS DE LA PERSONNE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Heenan, Blaikie                      POUR LA REQUÉRANTE

Avocats

Montréal (Québec)

Raven, Jewitt & Allen                  POUR L'INTIMÉE,
Avocats                              L'ALLIANCE DE LA
Ottawa (Ontario)                      FONCTION PUBLIQUE DU
                                 CANADA
Commission canadienne des              POUR L'INTIMÉE, LA
droits de la personne                  COMMISSION CANADIENNE DES
Service du contentieux                  DROITS DE LA PERSONNE

Ottawa (Ontario)


     No du greffe : T-1424-96

     T-1672-96

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     (SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE)

E N T R E :

     LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES,

     requérante,

     - et -

     L'ALLIANCE DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA et

     LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE,

     intimées.

     ***********

     M O T I F S D U J U G E M E N T

     de l'honorable juge Muldoon

     prononcés oralement le 12 mai 1997,

     dans la salle d'audience no 2, Cour fédérale,

     90, rue Sparks,

     dans la ville d'Ottawa,

     dans la province d'Ontario.

ONT COMPARU :

Roy L. Heenan,      Avocats de la requérante

Thomas E.F. Brady

James G. Cameron      Avocat de l'intimée,

     l'Alliance de la fonction publique du Canada

Fiona Keith      Avocat de l'intimée,

     la Commission canadienne des droits de la personne

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