Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     Date: 19971125

     Dossier: IMM-3833-96

ENTRE :

     TATIANA OSTAPENKO

     ALESIA IKAIKIN

     ANATOLI IKAIKIN

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 30 septembre 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que les requérants, Tatiana Ostapenko, son époux Anatoli Ikaikin et leur fillette, Alesia Ikaikin, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et que, en outre, leurs revendications sont dénuées d'un minimum de fondement.

[2]      La décision du tribunal est fondée purement et simplement sur l'absence de crédibilité des requérants:

             Les demandeurs ne sont pas crédibles, leur histoire n'est pas plausible et l'ensemble de la preuve démontre qu'il ne serait pas raisonnable de croire qu'ils aient pu éprouver une crainte, même subjective, de persécution au sens de la Convention.                 
             Pour ces motifs, le tribunal conclut que madame Tatiana OSTAPENKO, son époux monsieur Anatoli IKAIKIN et leur fillette, Alesia IKAIKIN, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention tel que défini à l'article 2(1) de la Loi sur l'immigration et que, en outre, leurs revendications étaient dénuées d'un minimum de fondement.                 

[3]      Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315, Monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a décrit le critère de retenue applicable en regard d'une conclusion de crédibilité par semblable tribunal, à la page 316:

             Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié à pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri du contrôle judiciaire. Dans Giron , la cour n'a fait que constater que dans le domaine de la plausibilité, le caractère déraisonnable d'une décision peut-être davantage palpable, donc plus facilement identifiable, puisque le récit apparaît à la face même du dossier. Giron, à notre avis, ne diminue en rien le fardeau d'un appelant de démontrer que les inférences tirées ne pouvaient pas raisonnablement l'être. L'appelant, en l'espèce, ne s'est pas déchargé de ce fardeau.                 

[4]      En l'espèce, vu la preuve au dossier, notamment la preuve documentaire déposée devant le tribunal par l'agent chargé de la revendication (ACR), on ne m'a pas convaincu que l'appréciation de la crédibilité des requérants ne s'est pas formée adéquatement. En conséquence, compte tenu des principes soulignés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238, à la page 244, le tribunal pouvait raisonnablement conclure comme il l'a fait, puisque sa perception que les requérants n'étaient pas crédibles équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existait aucun élément crédible pouvant justifier tant les revendications du statut de réfugié en cause qu'une constatation à l'effet que celles-ci n'étaient pas dénuées d'un minimum de fondement.

[5]      Il importe de rappeler qu'il est habituellement loisible à la Section du statut de réfugié d'accorder plus de poids à la preuve documentaire soumise par l'ACR qu'au témoignage d'un requérant. Monsieur le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, s'est prononcé sur ce sujet dans l'affaire Zhou c. M.E.I. (18 juillet 1994), A-492-91. Il a écrit ce qui suit:

             We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed.                 

[6]      Dans l'affaire Victorov c. M.C.I. (14 juin 1995), IMM-5170-94, Monsieur le juge Noël a noté ce qui suit, à la page 4:

             Je rejette aussi la prétention des requérants qui reprochent au tribunal de ne pas les avoir confrontés avec la preuve documentaire qui a servi à atténuer leur crédibilité. Les documents retenus par le tribunal étaient inclus parmi ceux qui furent soumis par l'agent d'audition au début de l'audition et étaient énumérés dans l'index du cartable sur l'État d'Israël reçu par le requérants avant l'audition. Les requérants ont présenté leur propre preuve documentaire. Le tribunal était en droit de puiser à même cette preuve celle qui, à son point de vue, se conjuguait le mieux avec la réalité. C'est ce qu'il a fait.                 
                             (C'est moi qui souligne.)                 

[7]      De plus, il appert que le tribunal a considéré l'ensemble de la preuve documentaire, y inclut celle produite par les requérants, pour conclure à la capacité de l'État d'Israël de protéger ses citoyens et de les aider à réparer les torts qu'ils ont pu subir, lesquels résultent davantage de harcèlement, de discrimination et de criminalité que de véritable persécution. À cet égard, il est établi qu'une conclusion de discrimination plutôt que de persécution relève directement de la compétence de la Section du statut de réfugié. Dans l'affaire Sagharichi c. Canada (M.E.I.) (1993), 182 N.R. 398, le juge Marceau a précisé ce qui suit, à la page 399:

             It is true that the dividing line between persecution and discrimination or harassment is difficult to establish, the more so since, in the refugee law context, it has been found that discrimination may well be seen as amounting to persecution. . . . It remains, however, that in all cases, it is for the Board to draw the conclusion in a particular factual context by proceeding with a careful analysis of the evidence adduced and a proper balancing of the various elements contained therein, and the intervention of this court is not warranted unless the conclusion reached appears to be capricious or unreasonable.                 

[8]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                             JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 25 novembre 1997


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-3833-96

INTITULE : TATIANA OSTAPENKO ET AL c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE : Montreal

DATE DE L'AUDIENCE : le 12 novembre 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE PINARD

EN DATE DU 25 novembre 1997

COMPARUTIONS

Me Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE

Me Jocelyne Murphy POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Me Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE

M. George Thomson POUR LA PARTIE INTIMEE Sous-procureur general du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.