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Date: 19971216


Dossier: IMM-2034-96

Entre :

     YIOUBOV PRIADKINA, MARIA PRIADKINA

     Partie Requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L"IMMIGRATION

     Partie Intimée

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

NADON J.

[1]      Les requérantes, Yioubov Priadkina et sa mère, Maria Priadkina, attaquent une décision de la section du statut de réfugié (le "tribunal"), rendue à Montréal le 7 mai 1996. Par cette décision, le tribunal décidait que les requérantes n"étaient pas des réfugiées au sens de la Convention, tel que défini à l"article 2(1) de la Loi sur l"immigration.

[2]      Un bref résumé des faits est utile pour disposer de l"affaire. Les requérantes, citoyennes du Kazakhstan, ont quitté leur pays sous prétexte qu"elles étaient persécutées par les nationalistes kazakhs en raison de leur origine ethnique juive et de leur langue, le russe.

[3]      Dans la fiche de renseignements personnels de la requérante Yioubov Priadkina, l'on retrouve une affirmation à l"effet qu"elle et sa mère ont été victimes de nombreux incidents déplorables reliés à leur origine ethnique ou leur religion. Le tribunal, dans sa décision, fait état de ces allégations qu"il n"est pas utile de reproduire en entier ici. Parmi les incidents, l"on retrouve des appels importuns, des insultes, menaces et autres actes d"intimidation à l"endroit de la mère et de la fille, la pression subie par la fille pour quitter son travail, un acte de vandalisme dans son bureau, puis son congédiement, un acte de violence physique envers la mère, et enfin le vandalisme et l"incendie de leur maison.

[4]      En décrivant les actes, les requérantes précisent qu"ils sont perpétrés par des Khazaks, et dirigés vers elles en raison de leur origine ethnique et de leur langue. Elles donnent à cet effet des exemples d"injures qui leur sont lancées, et de commentaires désobligeants. À plusieurs reprises, indiquent-elles, elles ont tenté de porter plainte à la police, mais celle-ci n"a rien fait.

[5]      Le tribunal a conclu que les requérantes n"avaient pas fait la preuve qu"elles étaient des "réfugiées au sens de la Convention" tel que défini à l"article 2 (1) de la Loi sur l"immigration. Concernant la crédibilité des requérantes, le tribunal écrit:

                 Le témoignage des revendicatrices n"est pas crédible. Le fait qu"elles n"ont pas demandé le statut de réfugié aux États-Unis avant d"entrer au Canada contredit, à notre avis, leur prétention d"éprouver subjectivement une quelconque crainte de persécution. Quant à l"attribution d"actes de persécution des russes et des juifs au mouvement AZAT, cela n"est pas conforme à la preuve documentaire. [...]                 

[6]      De plus, le tribunal mentionne que les requérantes n"ont pas renversé la présomption de protection offerte par l"État à ses citoyens. Les membres du tribunal sont d"avis:

                 [...] que les revendicatrices n"ont pas fait la preuve de façon claire et convaincante qu"elles en avaient été privées ou qu"elles en seraient privées dans l"avenir.                 

[7]      Enfin, le tribunal se prononce sur les autres possibilités qui étaient ouvertes aux requérantes:

                 [...] nous sommes d"avis que puisque les deux dames sont juives et russes, elles peuvent se prévaloir sinon de leur citoyenneté russe à tout le moins de la citoyenneté israélienne qui leur est reconnue en vertu de la loi israélienne sur le retour des juifs en Israël. Une protection adéquate leur est accordée en Israël à ce que nous pouvons en déduire de la preuve documentaire sur Israël.                 

[8]      À l"appui de leur demande de contrôle judiciaire, les requérantes ont soutenu qu"elles n"avaient aucune obligation de demander le statut de réfugié en Russie ou en Israël, et que le tribunal avait commis une erreur en décidant que les requérantes avaient cette obligation. Selon elles, la question de savoir pourquoi une personne n"a pas demandé la protection d"un pays n"est pertinente que pour les pays dont elle a la nationalité, et elles n"avaient, ni la citoyenneté russe, puisque la double citoyenneté est interdite en Russie, ni la citoyenneté israélienne.

[9]      Les requérantes prétendent également que le tribunal a commis une erreur en privilégiant la preuve documentaire au détriment des témoignages et de la preuve déposée au soutien de leur requête.

[10]      Enfin, les requérantes invoquent l"erreur du tribunal qui a décidé que la crainte n"était pas réelle puisqu"elles n"avaient pas demandé le statut de réfugié aux États-Unis où elles ont été en transit une seule journée.

[11]      Pour qu"une demande de contrôle judiciaire soit accueillie, il faut non seulement que le tribunal ait commis une erreur, mais que cette erreur ait été déterminante dans la décision finale. À mon avis, les motifs déterminants de la décision sont la crédibilité des requérantes et le fait qu"elles n"ont pu convaincre le tribunal que l"état Kazakhstan ne pouvait ou refusait de les protéger.

[12]      Il ne peut faire de doute que les requérantes n"avaient aucune obligation de demander le statut de réfugié en Russie ou en Israël. Même si la conclusion du tribunal, sur ce point, est erronée, elle n"est pas, à mon avis, déterminante eu égard à la conclusion du tribunal concernant la crédibilité des requérantes et la protection de l"état Kazakhstan.

[13]      Bien que les requérantes n"avaient pas l"obligation de demander le statut de réfugié aux États-Unis, le tribunal s"est appuyé sur l"ensemble des faits, incluant leur défaut de revendiquer aux États-Unis, pour conclure à la non-crédibilité des requérantes. Mis en présence d"éléments de preuve contradictoire, le tribunal a préféré la preuve documentaire et jugé le témoignage des requérantes invraisemblable, conclusion qui leur était permise de tirer. Même s"il est exact que les requérantes n"ont passé qu"une journée aux États-Unis, il est important de noter que lors de leur arrivée aux États-Unis, elles ont obtenu le droit d"y séjourner pendant six mois. Le tribunal pouvait donc, à mon avis, prendre en considération le fait que les requérantes n"avaient pas réclamé le statut de réfugié aux États-Unis. Je ne peux conclure que le tribunal a commis une erreur en tenant compte de cet élément de preuve.

[14]      En conclusion, les requérantes ne m"ont convaincu que le tribunal avait commis une erreur justifiant l"intervention de cette Cour. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     "MARC NADON"

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 16 décembre 1997


COUR FEDERALE DU CANADA SECTION DE PREMIERE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N º DE LA COUR : IMM-2034-96

INTITULE : Yioubov Priadkina et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE : Montreal (Quebec) DATE DE L'AUDIENCE : Le 2 septembre 1997 MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE NADON EN DATE DU 16 decembre 1997

COMPARUTIONS

Me Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE

Me Marie Nicole Moreau POUR LA PARTIE INTIMEE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

M. George Thomson POUR LA PARTIE INTIMEE Sous-procureur general du Canada

Me Michelle Langelier POUR LA PARTIE REQUERANTE Montreal (Quebec)

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