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Date : 20041001

Dossier : IMM-8693-03

Référence : 2004 CF 1352

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er OCTOBRE 2004

Présent :          L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                               FAZAL HUSSAIN

                                                                                                                                         Demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre de la décision de la


Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (le tribunal), rendue le 24 septembre 2003, et statuant que le demandeur n'a pas la qualité de « réfugié au sens de la Convention » ni celle de « personne à protéger » au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, (2001), L.C. ch. 27 (la Loi).

[2]                Le demandeur, Fazal Hussain, est citoyen du Pakistan et allègue être membre du « Pakistan People's Party » (PPP). Il allègue craindre d'être persécuté dans son pays en raison de ses convictions politiques. Dans sa décision, le tribunal n'a accordé aucune crédibilité au récit du demandeur et les motifs suivants ont été donnés :

a) Le caractère contradictoire du témoignage du demandeur avec la preuve documentaire au sujet du système électoral des élections locales.

Le demandeur a affirmé que les candidats étaient identifiés à chacun des partis. Or, les élections ont eu lieu sans affiliation des partis politiques. Ce changement est pourtant l'un des éléments majeurs de la réforme politique. Cette importante contradiction a amené le tribunal à douter de l'implication politique et de l'importance du rôle politique que le demandeur prétend avoir joué. À ce sujet, je suis satisfait ici que le tribunal a invité le demandeur à plusieurs reprises et de plusieurs façons à corriger et préciser les réponses inexactes ou confuses qu'il avait données.

b) L'omission du demandeur d'indiquer dans son formulaire de renseignements personnels s'il avait travaillé au référendum du 30 avril 2002.


Il s'agit de l'un des éléments percutants de la politique pakistanaise, puisqu'il avait pour but de prolonger de cinq ans l'emprise des militaires sur le pays. Cette omission a amené le tribunal à douter fortement de l'importance du rôle que s'est donné le demandeur au sein de la formation politique en question. Je crois en l'espèce que le tribunal pouvait raisonnablement se fonder sur cette omission pour tirer une conclusive négative.

c) L'invraisemblance, à la lumière de la preuve documentaire, de l'allégation du demandeur selon laquelle en tant que membre du PPP, il aurait été l'objet de harcèlement de la part du « Pakistan Muslim League » (PML) après l'arrivée des militaires au pouvoir.

Le tribunal a noté que le demandeur n'a jamais occupé de poste au sein de l'exécutif du parti et que son implication dans des activités politiques était très limitée alors que la preuve documentaire indique que ce sont plus spécifiquement les dirigeants du PPP qui sont ciblés. Ce raisonnement du tribunal ne m'apparaît pas arbitraire ou capricieux.

d) L'absence d'explications convaincantes du demandeur, outre le fait qu'il est membre du PPP et que les élections s'en venaient en octobre 2002, au soutien de ses allégations en ce qui concerne le fait qu'il aurait été arrêté et détenu à deux reprises et qu'on aurait essayé de l'arrêter à son commerce le 6 juin 2002, alors qu'il n'y était pas.


Le tribunal a notamment rejeté l'assertion de crainte du demandeur à l'endroit des frères Chaudhry, qui auraient eu l'appui de l'armée et de la police. À cet égard, le tribunal pouvait, à mon avis, noter que la preuve documentaire n'appuyait pas les prétentions du demandeur.

e) Aucune accusation n'a été portée contre le demandeur.

Ce constat du tribunal découle également de la preuve au dossier et je ne vois pas de motif d'intervenir à ce sujet.

[3]                Cette Cour a énoncé à de nombreuses reprises, notamment dans l'affaireR.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _2003_ A.C.F. no 162 au para. 7 (C.F. 1re inst.) (QL), que l'évaluation de la crédibilité et l'appréciation de la preuve constituent l'essentiel de la compétence du tribunal et que cette Cour n'est justifiée d'intervenir que dans la mesure où le demandeur réussit à démontrer que la décision du tribunal est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire, ou sans qu'il soit tenu compte des éléments dont elle disposait (Kanyai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _2002_ A.C.F. no 1124 au para. 9 (C.F. 1re inst.) (QL); voir également le motif de révision énoncé à l'alinéa 18.1(4) d) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7). En somme, il s'agit de démontrer le caractère manifestement déraisonnable de la conclusion du tribunal.

[4]                En l'espèce, le demandeur ne m'a pas démontré de façon convaincante que les conclusions de fait du tribunal ne reposent pas sur la preuve pertinente ni que la conclusion générale de non-crédibilité du tribunal, à l'effet que le demandeur « a fabriqué de toutes pièces cette histoire de persécution » , est capricieuse, arbitraire, ou est autrement manifestement déraisonnable. À mon avis, les contradictions ou omissions relevées par le tribunal portaient sur des éléments majeurs de la revendication du demandeur, et il ne m'appartient pas de substituer mon jugement à celui du tribunal. À cet égard, j'accepte les arguments présentés au nom du défendeur.

[5]                Dans un autre ordre d'idée, l'omission du tribunal de faire état dans sa décision des deux lettres postérieurement obtenues du PPP et d'un avocat aux fins de prouver l'association du demandeur avec le PPP et l'existence d'une plainte portée par le président local du PML contre le demandeur, ne m'apparaît pas déterminante. À cause du rôle très limité que le demandeur a pu jouer au sein du PPP, la force probante de ces deux lettres m'apparaît très limitée. À vrai dire, dans les circonstances particulières de cette affaire, je suis d'avis que ces preuves documentaires pouvaient être écartées par le tribunal (Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2003] A.C.F. no 636 (C.F. 1re inst.) (QL); Hamid c. Canada (Ministre de l'Emploi et l'Immigration), _1995_ A.C.F. no 1293 (QL) (C.F. 1re inst.); Songue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _1996_ A.C.F. no 1020 (C.F. 1re inst.) (QL); et Syed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), _2000_ A.C.F. no 597 (C.F. 1re inst) (QL).


[6]                J'ai considéré les autres moyens de révision soulevés par le demandeur dans ses procédures écrites. De plus, j'ai tenu compte de la plaidoirie orale du procureur du demandeur. Néanmoins, lorsque je considère la décision du tribunal dans son ensemble et ce à la lumière de la preuve documentaire au dossier, rien ne me permet de douter des conclusions du tribunal.

[7]                Aucune question d'importance générale n'a été soulevée par les parties et aucune ne sera certifiée par la Cour.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                   « Luc Martineau »                  

                                                                                                                                                     Juge                                 


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-8693-03

INTITULÉ :                                       FAZAL HUSSAIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 28 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     L'HONORABLE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :                     LE 1er OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS:

Me MICHEL LE BRUN                                                     POUR LE DEMANDEUR

Me MARIE-CLAUDE PAQUETTE POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me MICHEL LE BRUN                                                     POUR LE DEMANDEUR     

MONTRÉAL (QUÉBEC)        

M. MORRIS ROSENBERG                                               POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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