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Date : 20000418


Dossier : T-747-99



ENTRE :

                                        


    

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES


demanderesse


-et-



CLAUDINE BLACKBURN


défenderesse


-et-



GROUPE DE SANTÉ MÉDISYS INC.


Défenderesse





MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE TEITELBAUM :

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue par un arbitre désigné par le ministre du Travail en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, pour entendre la plainte déposée par Mme Claudine Blackburn contre la Société canadienne des postes pour congédiement injuste. Le 29 mars 1999, l"arbitre a statué que la Société canadienne des postes était l"employeur de Mme Claudine Blackburn.

[2]      La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de l"arbitre pour les motifs suivants :

         (i) La décision comporte des erreurs de nature juridictionnelle ou manifestement déraisonnable de nature à constituer un excès de juridiction. Plus particulièrement, la conclusion de la décision arbitrale ne peut trouver un fondement rationnel en faits et en droits en ce que:
             a ) l"arbitre s"arroge sur une juridiction qu"il n"a pas et modifie le droit en décidant qu"une personne ayant un contrat d"emploi avec une entreprise de juridiction provinciale puisse être un employée d"une entreprise de juridiction fédérale;
             b ) l"interprétation donnée par l"arbitre au mot " employeur " mentionnée aux articles 166 et 240 du Code Canadien de travail constitue une erreur de droit grave puisqu"elle ne peut s"appuyer sur la preuve qui a été présenté ainsi que sur le droit en vigueur;
             c ) l"arbitre a interprété erronément une loi don"t il n"a pas la compétence exclusive, soit le code civil du Québec;
             d ) le raisonnement tenu par l"arbitre tient compte de considérations étrangères au litige et omet de tenir compte ou annihile une preuve pertinente et non contredite;
             (e) la décision crée une confusion dans les lois tant provinciales que fédérales et aboutie à des résultats irréalistes, anormaux et irrationnels;
             (f) la décision enlève tout effet pratique au consentement dans les contrats d"emploi pour le remplacer par une analyse judiciaire de cas par cas;
             (g) la décision n"est pas motivée.     


[3]      Subsidiairement, la demanderesse soutient que l"arbitre a outrepassé la compétence que lui ont conférée les parties en concluant que la Société canadienne des postes était l"employeur de Mme Claudine Blackburn et l"a congédiée.

[4]      La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision de l"arbitre et une déclaration portant que l"arbitre n"avait pas compétence pour entendre la plainte déposée par Mme Claudine Blackburn.

LES FAITS (pour une description plus détaillée des faits, voir les pages 403 et suivantes du volume II du Dossier de la Demanderesse)

[5]      La Société canadienne des postes est une société constituée par la Loi sur la Société canadienne des postes, L.R.C. (1985), ch. C-10.

[6]      La Société canadienne des postes est assujettie à la partie III du Code canadien du travail en ce qui concerne toutes les questions relatives aux conditions de travail,.

[7]      Le Groupe de Santé Médisys Inc. (Médisys) est une société constituée sous le régime des lois du Canada qui a son siège social à Montréal, dans la province de Québec.

[8]      Claudine Blackburn est une professionnelle qui se spécialise dans la réadaptation des employés en milieu de travail.

[9]      La Société canadienne des postes a confié la gestion de tous ses services de santé à Médisys qui, à toutes les époques pertinentes à la demande, était responsable de la prestation de ces services à la Société canadienne des postes. Je suis donc convaincu que la Société canadienne des postes a délégué ses services de santé en " sous-traitance " à Médisys.

[10]      Médisys et Claudine Blackburn ont conclu un contrat d"emploi le 23 juin 1994.

[11]      Ce contrat d"emploi comprenait la clause suivante :

             La compagnie retient les services de l"employée, Claudine Blackburn, pour oeuvrer à titre de consultante de réadaptation professionnelle en santé au travail avec affectation au service de la Société canadienne des postes.

[12]      Ce contrat stipulait également les avantages sociaux et les conditions de travail convenues avec Médisys, notamment en ce qui a trait à la rémunération, aux vacances, aux augmentations de salaire et au temps supplémentaire.

[13]      Ce contrat a pris effet le 18 juillet 1994 et devait se terminer le 17 décembre 1997, ou avant cette date pour l"un des motifs stipulés dans le contrat.

[14]      Entre le 18 juillet 1994 et le 10 mai 1996, Claudine Blackburn a travaillé comme consultante en réadaptation pour Médisys à la Société canadienne des postes.

[15]      Le 10 mai 1996, Claudine Blackburn s"est absentée pour un congé de maternité.

[16]      Le 23 septembre 1996, Médisys a mis fin au contrat d"emploi de Claudine Blackburn et lui a versé l"indemnité stipulée à l"article 3 du contrat d"emploi.

[17]      Le 1er octobre 1996, Claudine Blackburn a déposé une plainte contre Médisys sous le régime de la Loi sur les normes de travail L.R.Q., ch. N-1.1.

[18]      Le 18 octobre 1996, Claudine Blackburn a déposé une deuxième plainte contre la Société canadienne des postes en vertu de l"article 240, partie III, du Code canadien du travail .

[19]      À la suite de cette plainte contre la Société canadienne des postes, Me Pierre Lamarche a été désigné comme arbitre chargé d"entendre l"affaire.

[20]      Dès le début, Me Lamarche a bien précisé que Médisys participait à l"instance en qualité d"intervenante.

[21]      La preuve de Claudine Blackburn a débuté le 24 février 1998 et s"est limitée à son témoignage.

[22]      Sur la question de son emploi, elle dit ce qui suit :

             Dans in premier temps, nous, notre prétention a toujours été que l"employeur est la Société canadienne des postes. C"est vrai qu"il y a eu un contrat avec Médisys. C"est vrai que les chèques de paie émanaient de Médisys. Ceci dit, quant à nous, ça c"est un contrat bidon. C"est un voile. Ce n"est pas le véritable employeur. C"est notre prétention. C"est d"ailleurs la raison pour laquelle on est ici.

[23]      Au début de son témoignage, la Société canadienne des postes a soulevé une objection contre cette preuve, parce qu"elle avait comme seul objectif de contredire un contrat d"emploi conclu par écrit entre elle et Médisys. Cette objection a été retenue sous réserve par l"arbitre.

[24]      Le seul témoin cité par la Société canadienne des postes était Serge DeCourval, directeur.

[25]      Le 29 mars 1999, l"arbitre, Me Lamarche, a rendu sa décision portant que l"employeur de Claudine Blackburn était la Société canadienne des postes.

LA DÉCISION DE L"ARBITRE

[26]      Les paragraphes qui suivent, commençant à la page 37 de la décision de l"arbitre, énoncent ses conclusions essentielles :

         Mme Blackburn offrit ses services au bénéfice exclusif de la Société canadienne des Postes pendant plus de deux ans.
         Malheureusement pour les instances qui doivent décider, il n"existe pas un seul ou un nombre défini de facteurs qui permettent de trancher nettement lorsqu"il s"agit de déterminer dans une relation tripartite qui est l"employeur. C"est plutôt une conjugaison de facteurs qui conduisent finalement à une décision et qui parfois, par voie de conséquence, entraînent des conclusions différentes selon les lois applicables.
         [...] En d"autres termes, dans la présente affaire s"il s"agit pas de s"assurer que la plaignante < < puisse négocier avec la partie qui exerce le plus grand contrôle sur tous les aspects de son travail > > mais il s"agit de déterminer, selon le Code canadien de travail, si l"intimée est le véritable employeur de la plaignante ou si c"est l"intervenante.

         Or la preuve révèle que Médisys a agi davantage à titre de mandataire de la S.C.P. pour recruter et a agi à titre d"agent payeur du salaire et dépenses de la plaignante, pour le compte de la S.C.P.
         La véritable vie professionnelle de la plaignante s"est entièrement déroulée auprès de la S.C.P. qui, même par mandataire interposé, contrôlait tant les aspects de subordination juridique, selon la conception classique, que tous les aspects, selon la conception plus moderne, du contrôle globale de la vie au travail de la plaignante et cela, jusqu"à la décision péremptoire de la S.C.P. de mettre fin à l"emploi de la plaignante.
         En conséquence, après avoir examiné la preuve documentaire et testimoniale, après avoir pris en compte la doctrine et la jurisprudence soumise, après avoir pris connaissance des lois applicables, l"arbitre désigné par le ministre du Travail:
         DÉCIDE:
         Aux fins d"application des disposition du Code canadien du travail, partie III, section XIV que l"employeur de Mme Claudine Blackburn est la Société canadienne des Postes, et
         REJETTE:
         L"objection préliminaire faite par l"intimée.


L"ARGUMENTATION DES PARTIES

Les observations écrites de la demanderesse

[27]      Premièrement, la demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable à la décision de l"arbitre était celle de la décision correcte. Comme la demanderesse plaide que l"arbitre a outrepassé sa compétence, elle affirme que la Cour doit contrôler sa décision selon la norme de la décision correcte énoncée dans l"arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, à la p. 590.

[28]      La demanderesse plaide deuxièmement que, compte tenu du contrat d"emploi existant entre Claudine Blackburn et Médisys, la question dont l"arbitre était saisi était celle de savoir si la partie III du Code canadien du travail lui permettait de désigner une autre partie comme son employeur alors qu"aucun contrat écrit ne créait de lien contractuel avec un tiers.

[29]      La demanderesse soutient que le contrat d"emploi entre Claudine Blackburn et Médisys était régi par le Code Civil du Québec et que, de ce fait, l"arbitre n"aurait pas dû s"écarter des rapports contractuels existant entre ces deux parties et appliquer le Code canadien du travail pour déterminer si l"employeur était la Société canadienne des postes.

[30]      Enfin, la demanderesse soutient que l"arbitre a outrepassé la compétence que lui ont conférée les parties en statuant que Claudine Blackburn a été congédiée injustement, élément auquel ne s"étendait pas la portée de la question que lui avaient soumise les parties, soit celle de savoir simplement si la Société canadienne des postes était l"employeur de Claudine Blackburn. L"arbitre n"était pas saisi de la question du congédiement injuste.

[31]      La défenderesse n"a pas déposé d"observations écrites. Par conséquent, lorsque je me suis préparé à l"audition de la demande de contrôle judiciaire, je n"étais pas en mesure de savoir quels arguments de droit elle ferait valoir à l"audience.

[32]      L"audience devait débuter à 9 h 30 à Montréal (Québec), le 9 mars 2000. Je n"ai commencé l"audition qu"à 9 h 55. Au début de l"audition, ni la défenderesse, ni son avocat n"étaient présents. L"avocat de la demanderesse m"a informé qu"il avait parlé à l"avocat de la défenderesse et que celui-ci lui avait dit qu"il n"assisterait pas à l"audition le 9 mars 2000.

[33]      L"avocat de la défenderesse, Mme Blackburn, est toujours inscrit au dossier. Il s"agit de Me Pierre Laplante. Me Laplante a été avisé de la tenue de l"audition par une lettre en date du 20 octobre 1999 qui lui a été envoyée par courrier recommandé.

[34]      En l"absence de la défenderesse et de son avocat, j"ai décidé de procéder ex parte .

LES QUESTIONS EN LITIGE

[35]      Voici les trois questions soulevées dans la demande :

         (1)      Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de l"arbitre?
         (2)      L"arbitre a-t-il commis une erreur de droit en exerçant sa compétence?
         (3)      L"arbitre a-t-il outrepassé la compétence que lui avaient conférée les parties en concluant que la Société canadienne des postes avait congédié injustement la défenderesse?


ANALYSE     

Première question : La norme de contrôle applicable

[36]      Dans l"affaire Szczecka c. M.E.I. (1993), 170 N.R. 58 (C.A.F.), la Cour d"appel fédérale a précisé que, sauf circonstances spéciales , il ne doit pas y avoir d'appel ou de révision judiciaire immédiate d'un jugement interlocutoire.

[37]      Cette décision a été réitérée par la Cour d"appel fédérale dans l"arrêt Schnurer c. M.R.N., [1997] 2 C.F. 545 (C.A.), où elle a formulé les remarques suivantes :

À mon avis, les articles 18, 18.1 à 18.5 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale actuellement en vigueur confirment l'opinion exprimée dans les autorités plus récentes selon laquelle la compétence de la Cour en matière de contrôle judiciaire s'étend au-delà de la révision d'une décision finale d'un office fédéral.
Malgré le sens large des termes utilisés dans la rédaction de ces dispositions, la Cour doit exercer sa compétence discrétionnaire pour entendre des demandes de contrôle judiciaire en se conformant strictement à l'objet des articles 18 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale. Les demandes de contrôle judiciaire ne doivent pas être accueillies pour entraver et retarder l'exercice approprié par les offices fédéraux de la compétence qui leur est conférée par la loi. Bien qu'ils soient antérieurs aux modifications apportées en 1990, les propos suivants du juge en chef Jackett dans l'arrêt In re la Loi antidumping et in re Danmor Shoe Co. Ltd. [ note de bas de page : [1974] 1 C.F. 22, page 34 (C.A.)] et réaffirmés par le juge MacGuigan dans Brennan c. La Reine [note de bas de page : [1984] 2 C.F. 799 (C.A.)], résument avec justesse les considérations de principes qui entrent en jeu :
À mon avis, le but des articles 18 et 28 de la Loi sur la Cour fédérale est de fournir un contrôle judiciaire rapide et efficace des travaux des offices, commissions ou autres tribunaux fédéraux avec une ingérence minimale dans ces travaux. Si, en tenant compte de ce point de vue, on applique l'article 11 de la Loi d'interprétation à la question soulevée par les demandes fondées sur l'article 28, il faut reconnaître que le fait que la Cour n'a pas le pouvoir d'examiner la position prise par un tribunal quant à sa propre compétence ou quant à des questions de procédure au tout début de l'audience peut entraîner, dans certains cas, la tenue d'auditions coûteuses qui seraient sans issue. Par contre, si une des parties, peu désireuse de voir le tribunal s'acquitter de sa tâche, avait le droit de demander à la Cour d'examiner séparément chaque position prise ou chaque décision rendue par un tribunal, lors de la conduite d'une longue audience, elle aurait en fait le droit de faire obstacle au tribunal.
Ce sont ces considérations de principe qui ont amené la présente Cour, dans Szczecka c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [note de bas de page omise], à conclure qu'en l'absence de circonstances spéciales il ne doit pas y avoir d'appel ou de contrôle judiciaire immédiat d'une décision interlocutoire prise aux termes de l'article 28. La décision Szczecka s'appuyait sur l'article 28 actuel..

[38]      Les circonstances spéciales auxquelles renvoie la jurisprudence susmentionnée incluent les questions de compétence, comme ce fut le cas dans l"affaire Cyanamid c. Canada (31 mai1983), T-153-83 (C.F. 1re inst.).

[39]      La présente instance porte elle aussi sur des questions de compétence. La demanderesse soutient, essentiellement, que la question dont l"arbitre était saisi était une condition préalable à sa compétence car, s"il avait conclu que Médisys était l"employeur, l"arbitre n"aurait pas eu compétence pour examiner la plainte. De plus, la demanderesse fait valoir que l"arbitre a outrepassé la compétence que lui avaient conférée les parties.

[40]      Par conséquent, il semble qu"il existe des " circonstances spéciales " en l"espèce. En outre, les deux parties ont convenu que la question de compétence doit être tranchée avant que la Cour exerce son pouvoir de contrôle judiciaire sur le fond.

[41]      Le régime législatif sous-jacent est au centre de la demande et de la plainte de la défenderesse. Les dispositions pertinentes se trouvent dans la partie III du Code canadien du travail :


240. (1) Subject to subsections (2) and 242(3.1), any person

     (a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and
     (b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

(2) Subject to subsection (3), a complaint under subsection (1) shall be made within ninety days from the date on which the person making the complaint was dismissed.

240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si :

     a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

     b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis par une convention collective.

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du congédiement.


242. (1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

(2) An adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1)

     (a) shall consider the complaint within such time as the Governor in Council may by regulation prescribe;
     (b) shall determine the procedure to be followed, but shall give full opportunity to the parties to the complaint to present evidence and make submissions to the adjudicator and shall consider the information relating to the complaint; and
     (c) has, in relation to any complaint before the adjudicator, the powers conferred on the Canada Industrial Relations Board, in relation to any proceeding before the Board, under paragraphs 16(a), (b) and (c).

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

     (a) consider whether the dismissal of the person who made the complaint was unjust and render a decision thereon; and
     (b) send a copy of the decision with the reasons therefor to each party to the complaint and to the Minister.

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

     (a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or
     (b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

(4) Where an adjudicator decides pursuant to subsection (3) that a person has been unjustly dismissed, the adjudicator may, by order, require the employer who dismissed the person to

     (a) pay the person compensation not exceeding the amount of money that is equivalent to the remuneration that would, but for the dismissal, have been paid by the employer to the person;
     (b) reinstate the person in his employ; and
     (c) do any other like thing that it is equitable to require the employer to do in order to remedy or counteract any consequence of the dismissal.

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l'éventuelle déclaration de l'employeur sur les motifs du congédiement.


(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre :


     a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en conseil;

     b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations, d'une part, et de tenir compte de l'information contenue dans le dossier, d'autre part;
     c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des relations du travail par les alinéas 16a), b) et c).




(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre :


     a) décide si le congédiement était injuste;



     b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.

(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants :


     a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste;

     b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :


     a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;


     b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;
     c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.

[42]      Pour déterminer quelle norme de contrôle est applicable en l"espèce, il faut tenir compte du paragraphe 243(2), car il contient une clause privative qui interdit à la Cour d"empêcher ou de limiter l"action d"un arbitre exercée dans le cadre de l"article 242.

[43]      Malgré cette clause privative, le tribunal peut faire l"objet d"un recours en contrôle judiciaire s"il a outrepassé sa compétence : Société canadienne des postes c. Pollard , [1992] 2 C.F. 697.

[44]      La jurisprudence a bien établi qu"une erreur touchant la compétence d"un tribunal administratif est évaluée selon la norme de la décision correcte : Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, à la page 590. Par conséquent, c"est la norme de la décision correcte qui sera appliquée à la plainte soumise à l"arbitre.

Deuxième question : Les motifs de l"arbitre

[45]      La demanderesse soutient que l"arbitre a commis une erreur en interprétant les dispositions pertinentes du Code canadien du travail . Plus précisément, la demanderesse affirme que, parce qu"il existait un contrat d"emploi entre Médisys et Claudine Blackburn, la question en cause était celle de savoir si la partie III du Code canadien du travail permettait à l"arbitre de contourner la liberté contractuelle et de désigner une autre partie comme employeur.

[46]      Selon ses prétentions, l"arbitre a en fait annulé le contrat d"emploi entre Médisys et Claudine Blackburn en appliquant la partie III du Code canadien du travail pour statuer que son employeur était la Société canadienne des postes.

[47]      La demanderesse attire l"attention de la Cour sur le paragraphe 168(1) du Code canadien du travail comme source législative appuyant sa prétention que la partie III n"a pas pour effet d"invalider le contrat conclu entre un employé et son employeur.

[48]      Voici le paragraphe 168(1) :


168. (1) This Part and all regulations made under this Part apply notwithstanding any other law or any custom, contract or arrangement, but nothing in this Part shall be construed as affecting any rights or benefits of an employee under any law, custom, contract or arrangement that are more favourable to the employee than his rights or benefits under this Part.

168. (1) La présente partie, règlements d'application compris, l'emporte sur les règles de droit, usages, contrats ou arrangements incompatibles mais n'a pas pour effet de porter atteinte aux droits ou avantages acquis par un employé sous leur régime et plus favorables que ceux que lui accorde la présente partie.

[49]      La demanderesse fait valoir que cette disposition interdit à l"arbitre d"écarter comme il l"a fait le contrat d"emploi entre Médisys et Claudine Blackburn, et que l"arbitre a de ce fait commis une erreur de droit qui justifie l"intervention de la Cour.

[50]      La demanderesse plaide en outre que la plaignante, Claudine Blackburn, avait le fardeau de réfuter la preuve prima facie de son contrat avec Médisys, soit le contrat même.

[51]      Étant donné que Claudine Blackburn n"a pas établi soit que ce contrat était invalide ou inapplicable, soit que sa plainte faisait partie des exceptions énumérées dans la partie III du Code canadien du travail , la demanderesse soutient que l"arbitre n"avait pas compétence pour déroger aux stipulations du contrat d"emploi.

[52]      En ce qui concerne la question de sa compétence, l"arbitre a formulé les remarques suivantes aux pages 19 et 20 de sa décision :

Moi, j"ai juridiction et vous me demandez de décider, premièrement, selon l"objection préliminaire qui est déposée par la Société canadienne des postes, je vais procéder comme ça, je vais rendre une première décision après vous avoir entendus et après avoir entendu le plaidoyer pour, d"une façon intérimaire, dire si j"estime que la Société canadienne des postes est l"employeur ou n"est pas l"employeur.

[53]      Je suis d"avis que l"arbitre n"avait pas compétence pour appliquer les dispositions de la partie III du Code canadien du travail à la plainte qui lui était soumise, parce qu"elle concernait un contrat de travail conclu avec une autre personne que la Société canadienne des postes. Les règles de droit applicables se trouvent dans le Code du travail du Québec, qui s"appliquerait à la plainte initiale déposée contre Médisys.

[54]      Je suis convaincu que l"arbitre n"a pas appliqué la loi appropriée.

[55]      En termes simples, après avoir évalué les faits, je ne suis pas d"accord avec l"arbitre pour conclure que la Société canadienne des postes était l"employeur de la défenderesse. Cela signifie que l"arbitre a commis une erreur de droit lorsque, en se basant sur les faits, il a conclu que la Société canadienne des postes était l"employeur. Mon opinion se fonde sur les motifs qui suivent.

[56]      La pièce P-2 est une annonce publiée par Groupe Santé Médisys relativement à un poste de " Consultant(e)s en réadaptation professionnelle ". Cette annonce précise que " Deux postes contractuels sont disponibles immédiatement au sein d"une importante société d"État "(non souligné dans l"original)..

[57]      Cette annonce indique clairement que Médisys offre un poste et que ce poste doit être comblé pour une société d"État (la pièce P-2 se trouve à la page 53 du dossier de la demanderesse).

[58]      La pièce P-3 figurant à la page 53 du dossier de la demanderesse est la " Convention d"Emploi " en date du 23 juin 1994. Les parties à cette " Convention d"emploi " sont Médisys et Claudine Blackburn. Elle fait mention de Claudine Blackburn comme " ci-après désignée l"employée ".

[59]      Cela, en soi, ne me convaincrait pas nécessairement que Mme Blackburn était une employée de Médisys; sa désignation comme une employée ne fait pas de cette " employée " une employée de Médicis.

[60]      Il ressort clairement de la lecture de la convention déposée comme pièce P-3, que cette convention est un contrat d"emploi. Cette convention énumère les services qui doivent être fournis par Mme Blackburn et le lieu où elle doit les fournir, savoir, à la Société canadienne des postes (SCP).

[61]      La convention fixe la durée du contrat ainsi que les conditions de cessation d"emploi . Le contrat parle de la rémunération et des augmentations de salaire, en plus d"énoncer toutes les conditions d"emploi.

[62]      La seule mention de la SCP dans cette convention est que la défenderesse travaillera à la SCP, et non qu"elle sera employée par la SCP.

[63]      Il faut souligner que la SCP n"est pas partie à la convention attestée par la pièce P-3.

[64]      En l"absence de la défenderesse et sans observations écrites de sa part, comme je l"ai déjà mentionné, je suis convaincu, à partir des éléments qui précèdent, que la défenderesse était assurément une employée de Médisys. Médisys n"est pas une société régie par le Code canadien du travail , mais par la Loi sur les normes de travail L.R.Q., ch. N-1.1, car le contrat a été conclu dans la province de Québec et la défenderesse n"a travaillé qu"au Québec.

[65]      Je suis donc convaincu que l"arbitre a commis une erreur de droit.

[66]      La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L"arbitre désigné en vertu du Code canadien du travail n"a pas compétence pour entendre la plainte déposée par une personne qui a signé un contrat de travail avec une société privée dans les circonstances en cause en l"espèce.



                        

                                 J.C.F.C.         

Ottawa (Ontario)

avril 2000

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL.L.

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