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Date : 20000815

Dossier : IMM-1692-99

OTTAWA (ONTARIO), LE 15 AOÛT 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

ENTRE :

KHALIL KISHAVARZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'affaire ne soulève pas de question grave méritant d'être certifiée.

            « J.E. DUBÉ »         

juge

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 20000815

Dossier : IMM-1692-99

ENTRE :

KHALIL KISHAVARZ

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision, datée du 27 octobre 1988, dans laquelle le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a rejeté la demande que le demandeur avait présentée en vue d'obtenir une réparation ministérielle en vertu de l'alinéa 19(1)f) de la Loi sur l'immigration (la Loi).


I. Les faits

[2]         Le demandeur, un citoyen de l'Iran âgé de 31 ans à l'époque, a déserté l'armée iranienne en août 1987 et s'est enfui dans un camp de réfugiés en Iraq. Il est arrivé au Canada le 10 octobre 1988, entrant au pays par la suite de la décision d'un agent des visas, qui lui avait reconnu le statut de réfugié au sens de la Convention.

[3]         En juillet 1989, il a quitté le Canada pour se rendre en Iraq, où il a joint les rangs de la National Liberation Army of the People's Mojahedin of Iran (la NLA). L'année suivante, il a quitté la NLA pour se rendre au Pakistan, où il est demeuré pendant deux années et où le HCNUR lui a reconnu le statut de réfugié.

[4]         Le 9 juillet 1992, le demandeur est rentré au Canada, où il a présenté une revendication du statut de réfugié qui a été rejetée, mais le 19 février 1996, on a conclu qu'il faisait partie de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada. Le 27 janvier 1998, il a quitté le Canada pour se rendre en Syrie, où il devait rencontrer ses parents. Cependant, alors qu'il se rendait là -bas, les autorités norvégiennes ont découvert qu'il avait en sa possession un faux passeport canadien et elles l'ont renvoyé au Canada; il est donc revenu au pays le 30 janvier 1998.


[5]         À son arrivée à Toronto, l'agent d'immigration supérieur a ordonné que le demandeur soit mis en détention, et il a fait un rapport en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, dans lequel il a soutenu que le demandeur appartenait à la catégorie de personnes non admissibles décrite au sous-alinéa 19(1)f)(iii)(B) de la Loi, vu son appartenance à l'organisme Mujaheddin-E-Khalq (le MEK). Le demandeur a été libéré le 19 février 1998.

[6]         Au cours des six dernières années, le demandeur a vécu en union de fait avec une citoyenne canadienne. Ils ont deux enfants, qui sont nés au Canada. Il a travaillé dans plusieurs restaurants au Canada, mais il est présentement sans emploi.

[7]         Le 2 avril 1998, le demandeur a présenté une demande en bonne et due forme en vue d'obtenir une réparation ministérielle, mais le ministre a rejeté cette demande le 27 octobre 1998. Cette décision n'a été communiqué au demandeur que le 22 mars 1999. Dans une lettre datée du 3 mai 1999, l'administrateur de la Cour fédérale a été avisé par l'entremise d'un avis fondé sur l'alinéa 9(2)b) des Règles de l'immigration (les Règles) que la décision n'était pas étayée par des motifs écrits.

[8]         Entre temps, le 13 janvier 1998, un avis d'enquête a été émis en vue de la tenue d'une enquête qui devait débuter le 11 février 1998 et déterminer si le demandeur faisait partie de la catégorie des personnes non admissibles décrite au sous-alinéa 19(1)f)(iii)(B) de la Loi.

[9]         Cette enquête, qui a pris fin le 14 octobre 1998, a conclu que le demandeur appartenait à une catégorie de personnes non admissibles.


2. Les questions litigieuses

[10]       Le demandeur soutient que le ministre a manqué d'équité, que la décision était abusive aux termes de la disposition portant sur « l'intérêt national » et qu'elle était nulle pour cause d'imprécision, et que l'absence de motifs étayant la décision en cause rendait celle-ci nulle.

[11]       Voici le libellé du sous-alinéa 19(i)f)(iii)(B) de la Loi :

19. (1) Personnes non admissibles -- Les personnes suivantes appartiennent à une catégorie non admissible :

...

f) celles dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elles :

(i) soit se sont livrées à des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(ii) soit se sont livrées à des actes de terrorisme,

(iii) soit sont ou ont été membres d'une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle se livre ou s'est livrée :

(A) soit à des actes d'espionnage ou de subversion contre des institutions démocratiques, au sens où cette expression s'entend au Canada,

(B) soit à des actes de terrorisme,

le présent alinéa ne visant toutefois pas les personnes qui convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national;

[Non soulignédans l'original.]

[12]       Comme je l'ai déjà mentionné, l'enquête a conclu que le demandeur était une personne visée par l'alinéa f). Cependant, il soutient qu'il est visé par la dispense, et il cherche à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du ministre selon lequel son admission serait préjudiciable à l'intérêt national.


3. L'analyse

[13]       Le 5 février 1996, au tout début de l'instance visant le demandeur, son avocat a demandé une communication exhaustive et continue. C'est seulement après la décision du ministre et aux termes d'une demande ultérieure fondée sur la Loi sur la protection des renseignements personnels que le demandeur a été mis au courant de l'existence d'une note de service au ministre sur la question de la réparation ministérielle. Cette note de service et les six documents qui y sont joints comprennent des renseignements contextuels, des considérations pertinentes, un résumé des observations du demandeur, une liste de solutions de rechange et une recommandation définitive que le sous-ministre a présentée au ministre.

[14]       Le demandeur soutient que ces documents auraient dû lui être communiqués avant la décision; le fait que le ministre se soit fondé sur des renseignements extrinsèques sans lui donner la possibilité d'y répondre constitue un déni d'équité.

[15]       Dans une lettre datée du 12 mars 1998, Ian Taylor, le directeur de l'examen sécuritaire à Citoyenneté et Immigration Canada, a informé le demandeur au sujet du type de renseignements qui seraient soumis au ministre. Il a écrit que [TRADUCTION] « le contexte et d'autres facteurs pertinents » qui seront considérés dans le cadre d'une telle demande comprenaient un historique complet de l'affaire, des renseignements concernant l'appartenance du demandeur à tout organisme considéré comme s'adonnant à des actes de terrorisme, la capacité du demandeur de s'établir avec succès au Canada, des facteurs d'ordre humanitaire et l'existence de toute condamnation au criminel.


[16]       Conformément à cette lettre, l'avocat du demandeur a déposé des observations exhaustives dans lesquelles il a fait valoir tous les facteurs et arguments favorables à la demande de son client. Ce document a également été soumis au ministre.

[17]       La question litigieuse fondamentale est de savoir si un échange d'observations aurait dû avoir lieu ou non avant que le ministre ne prenne sa décision.

[18]       L'arrêt de principe à l'égard de cette question est l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration)[1], que la Cour suprême a rendu le 9 juillet 1999. L'arrêt Baker traitait du rejet d'une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, alors que la présente affaire porte sur la décision que le ministre a prise relativement à une demande de réparation ministérielle fondée sur l'alinéa 19(i)f). Dans ses motifs, Madame le juge L'Heureux-Dubé a appliqué les facteurs touchant le contenu de l'obligation d'agir équitablement, dont la nature de la décision, le régime législatif et les termes employés dans la loi, l'importance de la décision en ce qui concerne l'individu touché, les attentes légitimes de tels individus, et le choix de procédure par le décideur.

[19]       Le juge a conclu que l'individu touché devrait avoir l'occasion de pleinement présenter son cas dans le cadre d'un processus équitable, impartial et transparent. Elle a conclu que l'obligation de fournir des motifs avait été suffisamment remplie vu les notes de l'agent d'immigration.


[20]       Comme c'était le cas dans l'arrêt Baker, le demandeur en l'espèce cherche à obtenir une dispense de l'application du régime législatif. Dans les deux cas, la décision en cause revêt une très grande importance pour le demandeur. En l'espèce, le demandeur avait déjà , au moment du dépôt de sa demande de décision, obtenu une approbation de principe relativement à sa demande de droit d'établissement, et on avait déjà déterminé qu'il risquerait de subir des sanctions extrêmes s'il était renvoyé en Iran.

[21]       En fait, la note de service du sous-ministre ne contenait pas d'éléments de preuve nouvelle ou extrinsèque, et elle ne contenait pas non plus de renseignements erronés ou trompeurs. L'analyse que le sous-ministre a soumis l'a poussé à conclure que le demandeur ne devait pas bénéficier de la dispense. Cette conclusion n'était pas favorable au demandeur, mais on ne saurait prétendre qu'elle était inéquitable ou déraisonnable.

4. Les conclusions


[22]       À mon avis, il n'incombait au ministre aucune obligation de communiquer au demandeur la note de service en cause afin de permettre à ce dernier de la réfuter. Le demandeur connaissait déjà les renseignements dont le ministre disposait sauf, bien entendu, la conclusion du sous-ministre (voir Esse c. Canada)[2]. Le demandeur a eu l'occasion de déposer tous les renseignements et arguments qu'il souhaitait faire valoir. Le ministre disposait de tous les documents nécessaires en vue de prendre une décision. Il a conclu que l'admission du demandeur au pays pouvait être préjudiciable à l'intérêt national. On ne saurait prétendre que sa décision était déraisonnable.

[23]       Il s'ensuit que la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les deux parties conviennent que l'affaire ne soulève pas de question grave méritant d'être certifiée.

                 « J.E. DUBÉ »                      

juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 15 août 2000.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                  IMM-1692-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 Khalil Kishavarz c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                   le 13 juillet 2000

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :                                     15 août 2000

ONT COMPARU :                            

M. Avi J. Sirlin                                                                         POUR LE DEMANDEUR

M. Ian Hicks                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     

M. Avi J. Sirlin                                                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            (1999), 174 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.).

[2]            [1998] A.C.F. no 46.

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