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Date : 20040630

Dossier : IMM-5072-03

Référence : 2004 CF 948

Ottawa (Ontario), le 30 juin 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

ENTRE :

                                                             MUHAMMAD ASIF

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         Le demandeur, un citoyen du Pakistan, est entré au Canada en juin 2001 et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Il prétend craindre avec raison d'être persécuté du fait de son appartenance politique et parce qu'il est un membre actif du Parti du peuple pakistanais (le PPP). Après avoir entendu sa demande, un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu, dans une décision datée du 11 juin 2003, que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.


[2]         Les conclusions clés de la Commission sont les suivantes :

·            La Commission n'a pas mis l'identité du demandeur en question, mais elle a jugé qu'il n'avait pas prouvé qu'il était au Pakistan aux dates pertinentes parce qu'il n'y avait aucun document au dossier qui permettait d'établir à quel moment il était au Pakistan et à quel moment il avait quitté le pays.

·            La Commission a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur en se fondant sur une contradiction dans son témoignage en ce qui concerne sa participation aux activités du PPP.

·            La Commission a jugé que le demandeur n'avait pas présenté une preuve claire et convaincante quant au rôle qu'il jouait au PPP, de sorte qu'elle ne pouvait pas déterminer s'il y avait une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté en cas de retour au Pakistan.

[3]         Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de cette décision.

Questions litigieuses

[4]         La présente demande soulève les questions suivantes :


1.          La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents?

2.          La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que le témoignage du demandeur n'était pas crédible?

3.          La Commission a-t-elle tiré une conclusion abusive de non-plausibilité relativement à l'allégation du demandeur suivant laquelle il était poursuivi par les autorités?

Question #1 : La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents?

[5]         Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte des éléments de preuve suivants dans sa décision :

·            le fait qu'Immigration Canada avait la carte d'identité nationale (la CIN) du demandeur;

·            la lettre de l'avocat du demandeur, diverses lettres des membres de son parti et ses cartes de membre du parti; et


·            les blessures subies par le demandeur et une lettre corroborante d'un médecin au Pakistan.

[6]         Le demandeur prétend que tous ces éléments de preuve corroborent sa prétention suivant laquelle il était au Pakistan au moment des incidents et événements décrits dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP). Dans son FRP, le demandeur décrit deux incidents principaux survenus en 1997 et en 2001 et prétend qu'il était actif au sein du PPP depuis 1994.

[7]         Je vais traiter de chacun des arguments soulevés par le demandeur, ainsi que de la réserve exprimée par la Commission quant au passeport manquant du demandeur.

(a)         Carte d'identité nationale


[8]         La Commission a dit que « seule cette dernière [la traduction de la CIN] lui a été remise [...], jamais la photocopie de la carte » . Le demandeur renvoie au dossier certifié du tribunal pour montrer que la Commission avait en fait une copie de la CIN. Ce document, de l'avis du demandeur, établit clairement qu'il était au Pakistan le 24 avril 2001, date qui figure sur la CIN. Toutefois, je note que le dossier certifié du tribunal ne contient qu'une copie du recto de la carte et que la date, qui est à peine lisible, pourrait être « 2001 » ou « 2000 » . La traduction de ce document, contenue au dossier, indique à deux endroits l'année 2000 comme date. Par conséquent, vu que la copie de la CIN était incomplète, que la date figurant sur cette copie était illisible et que la traduction indiquait une date différente, il était loisible à la Commission de refuser d'utiliser ce document comme preuve que le demandeur était au Pakistan aux dates pertinentes.

(b)         Autres éléments de preuve corroborants

[9]         Deuxièmement, le demandeur affirme que la Commission n'a pas tenu compte des éléments de preuve qui corroboraient son allégation suivant laquelle il était au Pakistan à l'époque pertinente. Cependant, la Commission a commenté la lettre de l'avocat du demandeur, les diverses lettres des membres de son parti et ses cartes d'identité du parti. À la page 5 de sa décision, la Commission a dit qu'elle avait fondé sa décision quant à l'identité du demandeur sur ces documents. En conséquence, j'estime que la Commission a tenu compte des éléments de preuve contenus dans ces documents.

[10]       La Commission n'a pas expressément renvoyé à ces documents lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'avait pas démontré qu'il était au Pakistan aux dates pertinentes. Toutefois, un examen de ces documents démontre que ceux-ci n'établissent pas que le demandeur était au Pakistan aux dates pertinentes.


(c)         Preuve médicale de blessures

[11]       Le demandeur soutient qu'il a subi des blessures au dos lors d'une manifestation tenue en mars 2001 et qu'il a demandé des soins médicaux pour ces blessures. Une lettre d'un médecin au Pakistan, datée du 24 mars 2001, prétend corroborer cette allégation de blessures. Le demandeur a raison de dire que la Commission n'a pas traité des blessures qu'il a subies ni de la lettre de son médecin. Cependant, j'estime qu'il ne s'agit pas là d'une omission importante.

[12]       La seule preuve se rapportant directement à ces blessures est le propre témoignage du demandeur, que la Commission a considéré non crédible. Il y a des documents émanant d'un médecin au Pakistan qui montrent que le demandeur a subi un traumatisme à la colonne vertébrale. Toutefois, ces documents n'indiquent quelle est la cause de ce traumatisme, à quel moment le demandeur a été examiné par le médecin ni à quel moment il aurait pu être blessé. En conséquence, il n'y a aucun élément de preuve qui rattache les blessures du demandeur à une présumée agression policière. Bien que, pour aller au fond des choses, la Commission aurait dû faire référence aux blessures, son omission de le faire ne porte pas un coup fatal à décision. Je note également que le dossier contient une copie d'une lettre identique datée du 3 mars 1998. Cela pouvait certainement soulever un doute dans l'esprit de la Commission quant à la véracité de la lettre subséquente.


(d)         Passeport

[13]       Enfin, je note la réserve exprimée par la Commission relativement au passeport manquant. Dans sa décision, la Commission a dit que « [s]i [...] le demandeur [...] possède vraiment une [photocopie du passeport], [elle] tire alors la conclusion que ce dernier la retient délibérément parce qu'elle contient des renseignements qu'il veut cacher au tribunal » . Le passeport en question a expiré en 1999, mais il aurait pu néanmoins corroborer l'allégation du demandeur suivant laquelle il était au Pakistan en 1997 lorsque le premier incident allégué s'est produit.

[14]       Contrairement au point de vue adopté par le demandeur, la Commission était autorisée à tirer une conclusion défavorable du fait que le demandeur n'avait pas produit son passeport. Cependant, même si la Commission a exagéré l'effet de l'absence du passeport, il ne s'agit pas là du seul fondement de la conclusion tirée par la Commission. Il y avait des éléments de preuve au dossier qui appuyaient la conclusion de la Commission; on avait notamment des doutes quant à la date de la CIN et la preuve corroborante était faible.

[15]       Pour conclure sur ce point, je ne suis pas convaincue que la Commission n'a pas tenu compte d'éléments de preuve pertinents ou qu'elle a par ailleurs commis une erreur dans les conclusions qu'elle a tirées à partir de ceux-ci.


Question #2 : La Commission a-t-elle commis une erreur en décidant que le témoignage du demandeur n'était pas crédible?

[16]       Le demandeur soutient que la conclusion défavorable tirée par la Commission quant à la crédibilité était abusive et arbitraire. Le demandeur laisse entendre que la Commission s'est servie de l'absence de sa CIN et de son passeport pour mettre en doute sa crédibilité alors qu'elle avait accepté ces mêmes documents relativement à son identité. De plus, le demandeur laisse entendre la Commission s'est livrée à une évaluation arbitrairement « poussée » de la preuve.

[17]       Je ne souscris pas aux prétentions du demandeur. Premièrement, la Commission n'a pas fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur l'absence de la CIN et du passeport du demandeur. Elle l'a fondée sur une contradiction quant au rôle que jouait le demandeur au PPP. De plus, la Commission a conclu que le demandeur « n'a pas fait preuve de clarté concernant ceux que le gouvernement prenait pour cibles dans le PPP : il a semblé dire que les militants et les leaders étaient en danger » .

[18]       Les conclusions de crédibilité et de non-plausibilité relèvent plus particulièrement de la compétence de la Commission (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)), et l'expertise de la Commission en la matière appelle une grande retenue judiciaire. Pour ces motifs, seule une décision manifestement déraisonnable rendue par la Commission relativement à la crédibilité du demandeur n'appellera l'intervention de la Cour.


[19]       En l'espèce, les motifs de la Commission sont exprimés clairement et ses conclusions reposent sur les faits contenus au dossier. Rien ne permet à la Cour d'intervenir.

Question #3 : La Commission a-t-elle tiré une conclusion abusive de non-plausibilité relativement à l'allégation du demandeur suivant laquelle il était poursuivi par les autorités?

[20]       Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en concluant qu'il était non plausible que les autorités du Pakistan souhaitaient le poursuivre, et ce, parce qu'il n'était pas un leader du PPP.

[21]       En l'espèce, la Commission a conclu qu'il était non plausible que les autorités au Pakistan cherchaient systématiquement à éliminer les militants du PPP. Cette conclusion reposait non seulement sur l'absence de preuve documentaire à cet égard, mais également sur le fait que le PPP est un parti important au Pakistan. Il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion de fait, laquelle n'est susceptible de contrôle que dans la mesure où elle est manifestement déraisonnable (Aguebor, précité, et Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S 982).


Conclusion

[22]       Le demandeur en l'espèce n'a pas été capable de démontrer que la Commission ne pouvait pas raisonnablement tirer les conclusions qu'elle a tirées eu égard à la preuve dont elle était saisie.

[23]       Je ne crois pas que la décision de la Commission en l'espèce était manifestement déraisonnable et, par conséquent, la demande sera rejetée.

[24]       Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question à certifier. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande est rejetée; et

2.          Aucune question de portée générale n'est certifiée.

« Judith A. Snider »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5072-03

INTITULÉ :                                                    MUHAMMAD ASIF

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 29 JUIN 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LA JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                                   LE 30 JUIN 2004

COMPARUTIONS :

Amina Sherazee                                                 POUR LE DEMANDEUR

A. Leena Jaakkimainen                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Galati, Rodrigues, Azevedo & Associates          POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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