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                                                                                                                                 Date : 20040617

                                                                                                                    Dossier : IMM-2841-03

                                                                                                                  Référence : 2004 CF 862

ENTRE :

                                                   PARANJOTHIE RAMANATHAN

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), en date du 31 mars 2003, a conclu que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » suivant les définitions respectivement contenues aux articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).


[2]         Paranjothie Ramanathan (le demandeur) est un citoyen tamoul du Sri Lanka qui prétend être une personne qui, du fait de la race, de la nationalité, des opinions politiques imputées et de l'appartenance à un groupe social, craint avec raison d'être persécutée par l'armée sri-lankaise, les policiers, l'Organisation de libération du peuple de l'Eelam tamoul et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul. Le demandeur prétend en outre avoir la qualité de personne à protéger suivant l'article 97 de la Loi.

[3]         La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une « personne à protéger » parce qu'elle estimait que sa demande n'était pas digne de foi.

[4]         La Cour ne peut pas substituer son opinion à celle de la Commission à l'égard des conclusions quant à la crédibilité à moins que le demandeur puisse démontrer que la décision de la Commission était fondée sur une conclusion de fait erronée tirée de façon arbitraire ou sans avoir tenu compte de la preuve dont elle disposait (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7). La Commission est un tribunal spécialisé capable d'apprécier la vraisemblance et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure où les inférences qu'elle en tire ne sont pas déraisonnables (arrêt Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et dans la mesure où ses motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (arrêt Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.)).


[5]         En l'espèce, la Commission a sérieusement mis en doute les prétentions du demandeur à l'égard des circonstances se rapportant à son lieu de résidence au Sri Lanka. La Commission a mentionné que les raisons pour lesquelles le demandeur serait retourné à Mannar en juin 1998 après s'être enfui n'étaient pas claires. La Commission a rejeté l'explication du demandeur selon laquelle il avait reçu l'ordre de retourner à Mannar parce qu'aucun des documents qu'il possédait n'établissait un lien entre lui et la ville de Mannar. En fait, selon les renseignements contenus dans sa carte d'identité nationale délivrée le 4 mai 1998, le demandeur réside à Colombo. La Commission a en outre mentionné que le demandeur n'avait fourni aucun élément de preuve de quelque sorte que ce soit au soutien de ses prétentions selon lesquelles il se trouvait à Mannar entre 1998 et 2001. Étant donné que le demandeur prétend que c'est lorsqu'il se trouvait à Mannar qu'il a subi la persécution la plus grave, l'absence de renseignements au soutien de sa prétention selon laquelle il résidait dans cette ville est un élément essentiel de la demande d'asile.

[6]         De plus, la Commission mettait également en doute le fait que le demandeur ait obtenu un permis de résidence à Colombo à la suite de son arrestation à Mannar en 2001. La Commission a mentionné qu'il n'était pas vraisemblable que la police ait accordé au demandeur un permis pour Colombo s'il devait se présenter toutes les deux semaines au camp de l'armée à Mannar. En réponse aux questions de la Commission, le demandeur n'a pas pu fournir une explication satisfaisante à l'égard de ces incohérences. En fait, comme le prétend le défendeur, les seuls arguments présentés par le demandeur sont ceux mentionnés dans son affidavit qui contient des explications qui ont déjà été présentées à la Commission qui a jugé qu'elles n'étaient pas satisfaisantes.

[7]         Finalement, le demandeur s'est contredit à l'égard de la question de savoir s'il avait déposé une demande d'asile aux États-Unis d'Amérique (les É.-U.) avant de venir au Canada. À un moment, le demandeur affirme qu'il n'a pas demandé asile aux É.-U., mais il admet par la suite qu'il était en attente d'une audience. La Commission estimait que cette incohérence soulevait un doute à l'égard de la crainte de persécution alléguée par le demandeur.


[8]         Toutes les incohérences mentionnées par la Commission étaient au coeur de la demande présentée par le demandeur parce qu'elles mettaient en doute le fondement même de sa crainte de persécution. La Commission a clairement expliqué les motifs pour lesquels elle mettait en doute la crédibilité du demandeur compte tenu de ces incohérences et je suis convaincu qu'elle a agi de façon raisonnable lorsqu'elle a conclu que le demandeur n'était pas digne de foi et que sa demande d'asile devrait être rejetée.

[9]         Le demandeur prétend que la Commission a commis une erreur de droit lorsqu'elle a exigé qu'il fournisse des documents des services américains d'immigration et de naturalisation, les US Immigration and Naturalization Services (USINS), déposés au soutien de sa demande parce qu'en faisant cela la Commission lui a imposé un fardeau trop élevé (décision Afzal c. Canada (M.C.I.), [2000] 4 C.F. 708 (1re inst.)). La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas fait des efforts sérieux pour obtenir des documents qui auraient corroboré ses prétentions à l'égard de son itinéraire et de la date de son arrivée aux É.-U. L'article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 (les Règles), prévoit que « [l]e demandeur d'asile transmet à la Section des documents acceptables pour établir son identité et les autres éléments de sa demande. S'il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s'en procurer » . Par conséquent, le fait que la Commission retienne le manque d'efforts sérieux faits pour obtenir les documents en possession du USINS n'a pas de conséquences sur le fardeau imposé au demandeur. En fait, les Règles prévoient clairement que le demandeur doit transmettre de tels documents. Dans la présente affaire, la Commission a rejeté l'explication du demandeur selon laquelle il pensait que Citoyenneté et Immigration Canada s'occuperait d'obtenir les documents (voir la décision Quichindo c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 463 (1re inst.) (QL), la décision Matarage c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 460 (1re inst.) (QL), et la décision Owoussou c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (5 mai 2004), IMM-1251-03, 2004 CF 661).


[10]       Par conséquent, en prenant en compte les autres conclusions de la Commission à l'égard du manque de crédibilité du demandeur, je suis d'avis que la Commission pouvait raisonnablement tirer une inférence défavorable du manque d'efforts du demandeur pour présenter des documents qui corroborent son itinéraire et la date de son départ du Sri Lanka ou de son arrivée aux É.-U. De plus, compte tenu de l'absence de preuve au soutien de la prétention du demandeur selon laquelle il a quitté le Sri Lanka en août 2001, la Commission pouvait conclure qu'il ne se trouvait pas à Colombo à la fin de juillet lorsqu'il prétend avoir été détenu.

[11]       Pour tous les motifs précédemment énoncés, étant donné que le demandeur n'a pas réussi à démontrer que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[12]       Après avoir lu les observations écrites présentées par les avocats des parties à l'égard de la certification de questions, je suis d'accord avec le défendeur lorsqu'il prétend essentiellement que la présente affaire ne soulève aucune question aux fins de la certification.

« Yvon Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 juin 2004

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-2841-03

INTITULÉ :                                                    PARANJOTHIE RAMANATHAN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 13 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                                   LE 17 JUIN 2004                                            

COMPARUTIONS :

Sarah Piven                                                       POUR LE DEMANDEUR

Marie Nicole Moreau                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sarah Piven                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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