Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision



     Date : 19991118

     Dossier : T-1277-98


Ottawa (Ontario), le 18 novembre 1998

En présence du juge Pinard

Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     demandeur

     - et -


     TING JUNE LEE

     défendeur


     ORDONNANCE


     L'appel est accueilli. La décision que J. Hong, juge de la citoyenneté, a rendue le 21 avril 1998 est annulée parce qu'au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne, le défendeur ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. La demande de citoyenneté canadienne du défendeur est donc rejetée.

                                     YVON PINARD

                            

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.




     Date : 19991118

     Dossier : T-1277-98


Entre :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     demandeur

     - et -


     TING JUNE LEE

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD


[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par le ministre de la

Citoyenneté et de l'Immigration en application du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (Loi), contre la décision que le juge de la citoyenneté J. Hong a rendue le 21 avril 1998. Le demandeur soutient que le défendeur ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[2]      Le 22 juin 1992, le défendeur a obtenu le droit d'établissement au Canada en tant qu'investisseur ainsi que le statut de résident permanent. À l'appui de sa demande de citoyenneté canadienne, datée du 25 août 1997, le défendeur a soumis un calendrier de ses absences du Canada. Dans les quatre ans qui ont précédé sa demande, il a été absent du Canada pendant 904 jours en tout. Dans son affidavit, le défendeur a déclaré qu'il avait passé au moins 560 jours de cette période de quatre ans à Taïwan. Il a également déclaré qu'il avait été à Taïwan, à Hong Kong et en Chine pendant une période additionnelle de 341 jours. Selon le défendeur, il s'agissait d'absences à des fins d'affaires.

    

[3]      Le juge de la citoyenneté a décidé que [TRADUCTION] " le demandeur ... satisfait entièrement aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c ) de la Loi ".

[4]      Les exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sont les suivantes :

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

[...]

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

[...]

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;


     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après

     son admission à titre de résident permanent.

[5]      Mon collègue, le juge Muldoon, dans Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 259, à la page 260, expose les objectifs sous-jacents à cette disposition de la Loi :

         ... garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérir, au préalable la possibilité quotidienne de "se canadianiser". Il le fait en côtoyant les Canadiens au centre commercial, au magasin d'alimentation du coin, à la bibliothèque, à la salle de concert, au garage de réparation d'automobiles, dans les buvettes, les cabarets, dans l'ascenseur, à l'église, à la synagogue, à la mosquée ou au temple - en un mot là où l'on peut rencontrer des Canadiens et parler avec eux - durant les trois années requises. Pendant cette période, le candidat à la citoyenneté peut observer la société canadienne telle qu'elle est, avec ses vertus, ses défauts, ses valeurs, ses dangers et ses libertés. Si le candidat ne passe pas par cet apprentissage, cela signifiera que la citoyenneté peut être accordée à quelqu'un qui est encore un étranger pour ce qui est de son vécu, de son degré d'adaptation sociale, et souvent de sa pensée et de sa conception des choses. Si donc le critère s'applique à l'égard de certains candidats à la citoyenneté, il doit s'appliquer à l'égard de tous. Et c'est ainsi qu'il a été appliqué par Mme le juge Reed dans Re Koo , T-20-92, 3 décembre 1992 [publié dans (1992), 59 F.T.R. 27, 19 Imm.L.R. (2d) 1], encore que les faits de la cause ne fussent pas les mêmes.

(Voir également Re Afandi (6 novembre 1998), T-2476-97 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Kam Biu Ho (24 novembre 1998), T-19-98 (C.F. 1re inst.); M.C.I. c. Chen Dai (6 janvier 1999), T-996-98 (C.F. 1re inst.), M.C.I. c. Chung Shun Paul Ho (1er mars 1999), T-1683-96 (C.F. 1re inst.) et M.C.I. c. Fai Sophia Lam (28 avril 1999), T-1524-98 (C.F. 1re inst).)

[6]      La Cour a décidé que, suivant une interprétation appropriée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, il n'est pas nécessaire d'être physiquement présent au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours de résidence prescrits dans cette disposition, quand il existe des circonstances spéciales et exceptionnelles. J'estime, toutefois, que la présence réelle au Canada demeure le plus pertinent et le plus important facteur dont il faille tenir compte pour établir si une personne a " résidé " au Canada au sens de cette disposition. Comme je l'ai affirmé à de nombreuses reprises, une absence prolongée du Canada, bien que temporaire, au cours de cette période minimale de temps va à l'encontre de l'esprit de la Loi qui permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent la date de sa demande de citoyenneté.

[7]      Par conséquent, vu qu'en l'espèce, le défendeur a été absent du Canada pendant de longues périodes (il a été présent au Canada pendant seulement 556 jours, de sorte qu'il lui manque 539 jours sur les 1 095 jours nécessaires), j'estime que la conclusion du juge de la citoyenneté selon laquelle le défendeur satisfaisait aux exigences de résidence prévues dans la Loi est tout à fait déraisonnable et qu'elle résulte d'une application erronée de l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[8]      Vu qu'il s'agit d'un appel, la Cour n'est pas assujettie aux restrictions imposées par le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur la Cour fédérale et peut simplement annuler la décision d'un juge de la citoyenneté si, comme en l'espèce, elle ne satisfait pas au critère applicable de la décision correcte (voir M.C.I. c. Su-Chen Chiu (9 juin 1999), T-1892-98).

[9]      L'appel est donc accueilli et la décision que le juge de la citoyenneté a rendue en date du 21 avril 1998 est annulée parce qu'au moment où il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne, le défendeur ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. En conséquence, la demande de citoyenneté canadienne du défendeur est rejetée.



                                     YVON PINARD

                                                                  JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 18 novembre 1999


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              T-1277-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Ting June Lee
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      le 15 octobre 1999
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge Pinard
DATE DES MOTIFS :          le 18 novembre 1999


ONT COMPARU :


M. Kevin Lunney                      POUR LE DEMANDEUR

M. Irwin Sherman                      POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Morris Rosenberg                      POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Martinello & Associates                  POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.