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                                                                                                                                     IMM-3054-96

 

E n t r e :

 

                                                            BINH BOC THANH,

                                                                                                                                            requérant,

 

                                                                             et

 

                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

 

GENÈSE DE L'INSTANCE

 

            La Cour est saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agente des visas Nora M. Egan, qui travaille au consulat général du Canada à Buffalo (New York) (l'agente des visas) a, le 22 juillet 1996, refusé de délivrer un visa d'immigrant au requérant.

 

LA DÉCISION DE L'AGENTE DES VISAS

 

            Le requérant a été apprécié en fonction des exigences de deux postes : a) cuisinier de plats exotiques et b) troisième cuisinier. Lors de son entrevue avec l'agente des visas, le requérant a déclaré qu'il n'avait pas suivi de cours post-secondaires et qu'il n'avait reçu aucune formation professionnelle comme cuisinier. Il a déclaré qu'il avait appris à cuisiner en travaillant au restaurant de ses parents. Au cours de l'entrevue, l'agente des visas a exprimé ses réserves au sujet du manque de formation du requérant. Le requérant a eu l'occasion de contester ces réserves, mais il n'a pas formulé d'autres observations à ce moment-là. En conséquence, l'agente des visas a informé le requérant de sa décision au cours de l'entrevue. Elle l'a également informé qu'il satisfaisait toutefois aux exigences du poste de troisième cuisinier. Cependant, comme il n'y avait pas de demande pour ce métier à ce moment-là, la demande du requérant a été rejetée.

 

LES FAITS

 

            Le requérant est né au Viêt-Nam en mars 1972 et est d'origine chinoise. Il est allé s'installer en Chine avec sa famille en 1978, et à Hong-Kong en 1979. Par la suite, la famille s'est réinstallée en Irlande. En janvier 1995, le requérant a rendu visite à des membres de sa famille au Canada et a décidé de chercher à y obtenir la résidence permanente. Il a déposé sa demande d'établissement le 6 juillet 1995. Dans son affidavit, le requérant a déclaré qu'il avait appris à cuisiner au restaurant de plats à emporter de son père. Il a produit un menu sur lequel sont énumérés 135 plats différents et il a affirmé qu'il savait comment préparer et cuire tous les mets chinois.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

1.         L'agente des visas a-t-elle appliqué le bon critère pour évaluer la préparation professionnelle spécifique (PPS) et a-t-elle, en conséquence, mal apprécié l'expérience du requérant en tant que cuisinier de plats exotiques?

 

2.         L'agente des visas a-t-elle agi arbitrairement dans son appréciation de la personnalité du requérant?

 

3.         L'agente des visas a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle en négligeant de se renseigner auprès du requérant au sujet de son expérience en cuisine chinoise?

 

ANALYSE

 

1.Le critère de la préparation professionnelle spécifique (P.P.S.)

            La P.P.S. est définie comme suit au facteur 2 de l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration :

 

 

Être mesurée suivant la période de formation professionnelle, d'apprentissage, de formation en usine ou en cours d'emploi précisée dans la Classification canadienne descriptive des professions (CCDP), imprimée par l'autorisation du ministre, nécessaire pour acquérir les connaissances théoriques et les pratiques indispensables à l'exécution des tâches de l'emploi au regard duquel le requérant est apprécié d'après l'article 4.

 

            Les parties ne sont pas d'accord sur la façon d'appliquer ce critère aux faits de l'espèce. Le requérant soutient que l'agente des visas n'a tenu aucunement compte de la possibilité d'une formation en cours d'emploi et qu'elle a conclu à tort que le fait de travailler comme cuisinier dans un restaurant de mets à emporter ne pouvait en aucun cas constituer une formation professionnelle.

 

            Je ne puis me rallier à cette façon de voir la question. Voici en quels termes la CCDP définit la profession de « cuisinier de plats exotiques » (no 6121-126) :

 

 

Prépare et cuit les plats exotiques selon les recettes et méthodes traditionnelles en vue de leur consommation dans des restaurants : [...] Commande les spécialités ou les ingrédients. Prépare et sert les mets spéciaux à la table des clients. Accomplit au besoin des tours d'adresse pour distraire les convives pendant la préparation des aliments. (Non souligné dans l'original.)

 

            Suivant les éléments de preuve portés à la connaissance de l'agente des visas, l'expérience du requérant se limitait à la préparation de mets chinois dans un restaurant de mets à emporter. À mon avis, son expérience pratique et ses connaissances spécialisées sont loin de correspondre à ce qu'envisage la CCDP (no 6121-126), précitée. En conséquence, l'agente des visas était en droit de conclure que la formation en cours d'emploi du requérant ne lui permettait tout simplement pas de s'acquitter des fonctions plutôt complexes visées par la CCDP (no 6121-126), précitée.

 

2.L'agente des visas a-t-elle agi arbitrairement?

            Je ne suis pas d'accord pour dire que l'agente des visas n'a pas tenu compte de la possibilité que le requérant ait reçu une formation en cours d'emploi. J'estime plutôt qu'après avoir tenu compte de l'ensemble de la preuve, l'agente des visas a conclu que la formation en cours d'emploi que le requérant avait reçue ne l'avait aucunement préparé pour s'acquitter des fonctions visées par la description no 6121-26. À mon avis, il lui était de toute évidence loisible de tirer une telle conclusion au vu du dossier et on ne saurait prétendre qu'en tirant une telle conclusion, elle a agi de façon arbitraire.

 

3.Les principes de justice naturelle

            Il est de jurisprudence constante que c'est à la personne qui demande un visa qu'il incombe de fournir tous les renseignements pertinents qui tendent à appuyer sa demande[1]. Or, il ressort du présent dossier que le requérant a choisi de ne pas suivre cette voie[2]. En effet, au paragraphe 9 de son affidavit, il déclare qu'il n'a pas [TRADUCTION] « osé » communiquer de son plein gré des renseignements.

 

            Qui plus est, l'examen du dossier me persuade que l'agente des visas a tout fait en son pouvoir pour aider le requérant à contester l'appréciation et que le requérant ne s'est pas prévalu de cette aide[3].

 

            Pour ce motif, je conclus que la façon dont l'agente des visas a traité le requérant était conforme aux principes de justice naturelle.


CERTIFICATION

 

            Aucun des deux avocats n'a demandé à la Cour de certifier l'existence d'une question grave de portée générale en vertu des dispositions de l'article 83 de la Loi sur l'immigration. Je suis du même avis qu'eux. En conséquence, aucune question ne sera certifiée.

 

DISPOSITIF

 

            Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

                                                                                                                            « Darrel V. Heald »              

Juge suppléant

 

 

 

Toronto (Ontario)

Le 15 janvier 1997

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                                                                                                                                 

 

    François Blais, LL.L.


                                               COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-3054-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :BINH BOC THANH

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :13 JANVIER 1997

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :TORONTO (ONTARIO)

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE prononcés par le juge suppléant Heald le 15 janvier 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

Me Marvin M. Mosespour le requérant

 

 

Me Jeremiah A. Eastmanpour l'intimé

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me Marvin M. Moses

Avocat et procureur

212, rue King Ouest, bureau 410

Toronto (Ontario)

M5H 1K5pour le requérant

 

 

Me Jeremiah A. Eastman

Ministère de la Justice

2, First Canadian Place

Bureau 3400, Exchange Tower, C.P. 36

Toronto (Ontario)

M5X 1K6

 

 

Me George Thomson

Sous-procureur général du Canadapour l'intimé


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

 

 

No du greffe : IMM-3054-96

 

 

 

E n t r e :

 

 

BINH BOC THANH,

 

                                                                                                                                            requérant,

 

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                                 intimé.

 

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE



    [1]Hajariwala c. M.E.I., (1988) 6 Imm. L.R. (2d) 222 (C.F. 1re inst.), aux pages 226 et 227.

Voir également le jugement Wang c. M.E.I., (1988) 6 Imm. L.R. (2d) 243, à la page 248 (C.F. 1re inst.).

    [2]Voir le dossier de la demande, à la page 11 — Affidavit du requérant.

    [3]Voir l'affidavit souscrit par Mme Nora M. Egan le 25 septembre 1996, par. 7.

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