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Date: 19980825


Dossier: IMM-4365-97

Entre :      Landu Christian Bele-Binda

     Requérant

Et:          Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration,

     Intimé

     MOTIFS D'ORDONNANCE et ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT:

[1]      De nationalité zaïroise, le requérant a demandé au Canada de lui accorder le statut de réfugié politique en raison de la crainte d'être persécuté dans son pays d'origine par les agents du régime Mobutu. Peu après l'audition de sa demande, le 11 mars 1997, le renversement du président Mobutu par l'Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) de Laurent-Désiré Kabila, à la mi-mai, a incité la Section du statut de réfugié (le tribunal) à s'interroger sur l'effet de ce changement de circonstances sur sa demande de statut de réfugié.

[2]      Le tribunal a conclu qu'en raison du renversement du régime Mobutu, la crainte du demandeur d'être persécuté par les agents de ce régime n'était pas fondée. Il a aussi estimé que selon la prépondérance des probabilités, il n'existait "guère plus qu'une simple possibilité que le demandeur soit persécuté en RDC-Z1 pour l'un des motifs énoncés dans la Convention."

[3]      Le requérant demande le contrôle judiciaire de cette décision en alléguant une interprétation erronée des faits, tirée de façon arbitraire et absurde de la preuve, et une erreur de droit dans l'application du test relatif à la crainte raisonnable de persécution.

[4]      Je disposerai rapidement de la question de l'erreur supposée de droit. Le requérant reproche au tribunal d'avoir mal appliqué le test de la possibilité raisonnable de persécution tel qu'énoncé par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Adjei c. M.E.I.2, et précisé depuis dans plusieurs autres décisions3, en indiquant qu'il n'y avait "guère plus qu'une simple possibilité..." de persécution. En l'espèce, il s'agit d'un faux problème qui résulte de la traduction du texte. L'erreur n'est pas imputable à l'auteur de la décision dans la mesure où celle-ci, d'abord rédigée en anglais, énonce correctement : "On a balance of probabilities we find that there is not more than a mere possibility that the claimant would suffer persecution...". Ce motif ne justifie pas l'intervention de la Cour.

[5]      Le requérant reproche de plus au tribunal d'avoir mal apprécié la preuve. Défenseur actif de la démocratie et membre du Parti social démocrate chrétien (PDSC), le requérant plaide que s'il devait être renvoyé dans son pays, il lutterait pour la démocratie, s'enrôlerait dans l'opposition, et serait persécuté par le régime Kabila qui, à sa prise de pouvoir, a interdit les manifestations politiques et autres activités des partis autres que le sien.

[6]      Après une analyse exhaustive de la preuve, le tribunal a reconnu ces faits mais il a retenu que les nombreux rapports d'observateurs ne confirmaient pas l'idée que l'État intervenait dans les affaires des partis politiques autres que l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), un grand parti d'opposition sous le régime Mobutu. Le tribunal a aussi conclu à l'absence de confirmation de preuve de persécution contre des personnes ordinaires qui militent pour la démocratie.

[7]      Il est important de noter, en l'espèce, que le tribunal dont la décision a été rendue le 12 septembre 1997, ne bénéficiait que d'une preuve des activités du nouveau régime Kabila limitée à la période de la prise de pouvoir à la mi-mai 1997 jusqu'à la mi-août. La preuve est muette quant à des actes de persécution contre des membres du PDSC tout autant que contre des individus militant pour la démocratie. Il va de soi que l'interdiction de manifestations politiques et d'activités des partis autres que celui du régime en place (AFDL) peut inciter à croire que les droits démocratiques sont brimés; cette interdiction ne démontre pas pour autant le bien-fondé de la crainte de persécution du requérant. D'une part, cette crainte doit être évaluée en fonction de la preuve soumise au moment de la revendication4, et en l'espèce, il n'est pas contesté que le requérant n'ait pas eu l'occasion de faire valoir ses arguments sur le changement de circonstances. D'autre part, il est de jurisprudence constante5 que cette Cour ne doit pas intervenir pour modifier une conclusion de faits de la Section du statut si cette conclusion trouve appui dans la preuve.

[8]      En l'espèce, appelée à trancher la question de faits, cette Cour aurait pu en venir à une conclusion différente de celle du tribunal. Tel n'est cependant pas le critère qu'elle doit appliquer lors d'une demande de contrôle judiciaire6. En l'occurence, l'analyse du changement de circonstances constituait essentiellement une question de fait et la Cour n'est pas convaincue que la Section du statut a erré en rejetant la demande de statut de réfugié du requérant.

[9]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, de certifier une question grave de portée générale.

     J.C.F.C.

__________________

     1      République démocratique du Congo.

     2      [1989] 2 F.C. 680

     3      Panniah c. M.E.I., 13 Imm.L.R. (2d), 244; Osei c. M.E.I. (1990), 12 Imm L.R. (2d), 49; Salibian c. Canada [1990] 3 C.F. 250.

     4      Mileeva c. M.E.I. [1991] 3 C.F. 398

     5      Voir entre autres: Tara c. Canada (M.E.I.) [1981] 1 c.f. 652; Tawfik c. Canada (M.E.I.) (1993) 26 Imm.L.R. (2d) 148

     6      Voir l'affaire Tawfik c. Canada , note 5

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