Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040402

Dossier : IMM-1063-03

Référence : 2004 CF 497

Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 2 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                 CAROLINA LORETO ORTIZ DIAZ

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Mme Ortiz Diaz est une citoyenne du Chili qui prétend avoir été agressée par son père au Chili. Elle dépose la présente demande de contrôle judiciaire qui vise une décision défavorable rendue par un tribunal de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal). Le tribunal a estimé que la demanderesse ne lui avait pas fourni suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi lui permettant de conclure qu'il existait une possibilité sérieuse que Mme Ortiz Diaz soit persécutée pour un motif prévu à la Convention si elle devait retourner au Chili. Le tribunal a en outre conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi pour qu'il puisse conclure qu'il existait une possibilité sérieuse que Mme Ortiz Diaz ait la qualité de personne à protéger. Le tribunal a en outre conclu que Mme Ortiz Diaz avait à sa disposition une protection de l'État raisonnable au Chili et qu'elle y avait une possibilité de refuge intérieur raisonnable.

[2]                À l'égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par le tribunal :

i)           Le tribunal a mentionné le comportement de Mme Ortiz Diaz lors de l'audience. Contrairement à son témoignage selon lequel elle avait peu d'estime d'elle-même parce qu'elle avait été agressée et intimidée par son père, Mme Ortiz Diaz se présentait d'une manière directe qui ne démontrait pas, selon le tribunal, les caractéristiques inhibitives qu'elle décrivait. Le tribunal a mentionné que ce qu'elle avait accompli dans le passé au Chili n'était pas compatible avec le peu d'estime d'elle-même qu'elle décrivait. À cet égard, Mme Ortiz Diaz a obtenu un diplôme d'ingénierie de l'Université catholique du Chili. Après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé à titre d'ingénieure de projet et de gérante de projet pour la compagnie nationale de téléphone du Chili. Après avoir commencé à travailler, Mme Ortiz Diaz a eu relativement rapidement des promotions à des postes de responsabilité.


ii)          Le tribunal a tiré une inférence défavorable du fait que le témoignage de Mme Ortiz Diaz selon lequel son père l'a battait quand elle était enfant n'était pas mentionné dans son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP). Bien qu'elle ait expliqué que la raison de cette omission était qu'elle s'était d'abord souvenue du fait que son père l'a battait quand elle avait eu recours à des consultations psychologiques au Canada, Mme Ortiz Diaz n'a pas essayé de modifier son FRP pour inclure ces renseignements avant la tenue de l'audience ou au début de l'audience lorsqu'elle a confirmé que le contenu de son FRP était véridique et exact.

iii)          Le tribunal a en outre tiré une inférence défavorable du témoignage de Mme Ortiz Diaz selon lequel, en avril 1998, elle était arrivée en retard à un rendez-vous avec son père à son bureau et que sous le coup de la colère il avait sorti une arme à feu et lui avait dit qu'il la tuerait. Ce témoignage embellissait sa déclaration contenue dans son FRP selon laquelle elle avait simplement affirmé que son père avait sorti une arme à feu et l'avait brandie. Lorsqu'on lui a demandé d'expliquer pourquoi elle avait omis de dire dans son FRP que son père l'avait menacée directement de la tuer, elle a dit qu'elle n'avait réalisé l'erreur que lorsqu'elle avait examiné son FRP au bureau de son avocat. Une fois de plus, le tribunal a estimé que cela n'expliquait pas pourquoi ni Mme Ortiz Diaz ni son avocat n'avaient essayé de corriger le FRP avant la tenue de l'audience.

iv)         Le tribunal a mentionné que Mme Ortiz Diaz, après avoir été soi-disant menacée de mort par son père, est venue au Canada en septembre 1998 pour rendre visite à sa mère. Elle n'a pas demandé l'asile au Canada à ce moment et elle est retournée au Chili un mois plus tard. Lorsqu'on lui a demandé les raisons pour lesquelles elle était retournée au Chili malgré qu'elle ait reçu des menaces de mort, Mme Ortiz Diaz a déclaré qu'à ce moment elle venait juste d'envoyer son curriculum vitae et qu'elle voulait obtenir un emploi au Chili après avoir récemment obtenu son diplôme universitaire. Le tribunal a estimé qu'il s'agissait d'un comportement peu vraisemblable pour une personne qui avait véritablement peur de son père et qui avait récemment reçu des menaces de mort.


v)          Le tribunal a fait des commentaires à l'égard du témoignage de Mme Ortiz Diaz selon lequel elle avait téléphoné à son père et lui avait dit qu'elle partait pour le Canada. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi elle aurait téléphoné à son père pour lui dire qu'elle partait si elle croyait vraiment qu'il constituait une menace pour sa sécurité, Mme Ortiz Diaz a expliqué qu'elle ne pouvait pas lui dire qu'elle avait l'intention de quitter le Chili de façon permanente. Lorsqu'on a insisté pour avoir une autre explication quant aux raisons pour lesquelles elle prendrait ce risque de le faire réagir, Mme Ortiz Diaz a déclaré qu'elle lui avait dit qu'elle venait au Canada pour une visite et qu'elle voulait alors lui remettre certains de ses meubles qu'elle utilisait. Le tribunal a estimé que cette explication n'avait pas de sens. Si Mme Ortiz Diaz avait dit à son père qu'elle allait au Canada pour une courte visite, il n'était pas logique qu'elle lui remette ses meubles puisque cela était incompatible avec une courte visite.

vi)         Le tribunal a ensuite mentionné que Mme Ortiz Diaz a alors fourni une autre explication quant aux raisons pour lesquelles elle avait dit à son père qu'elle partait en voyage au Canada. Cette deuxième explication était qu'elle voulait éviter qu'il se rende de façon inattendue à son appartement et qu'il découvre qu'elle empaquetait ses effets afin de quitter le pays. Toutefois, la preuve a en outre établi que l'appartement de Mme Ortiz Diaz était dans un édifice où l'accès était contrôlé par un système d'interphones électroniques et un portier.

vii)         À son arrivée au Canada, Mme Ortiz Diaz n'a pas informé les autorités d'immigration qu'elle avait l'intention de présenter une demande d'asile. Mme Ortiz Diaz a attendu trois semaines avant de présenter une demande d'asile. Le tribunal a estimé que cette période était incompatible avec une crainte subjective.

[3]                Dans ses observations écrites, Mme Ortiz Diaz soulève trois motifs principaux de contestation de la décision du tribunal.


[4]                Premièrement, elle prétend que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a conclu que la protection de l'État était à sa disposition. Mme Ortiz Diaz fait valoir que le tribunal a omis de tenir compte du fait que son père avait des liens étroits avec les policiers.

[5]                Je ne suis pas convaincue que le tribunal ait commis une telle erreur. Le tribunal a expressément examiné le témoignage de la demanderesse et a conclu qu'il n'était pas satisfaisant parce que Mme Ortiz Diaz n'a fourni aucun élément de preuve à l'égard d'un exercice inhabituel d'une influence ou d'un pouvoir. Le tribunal a conclu que même si le père de la demanderesse avait des amis au sein de la police, cela ne signifiait pas que les liens qu'il avait empêcheraient les autorités de l'État d'essayer d'aider impartialement la demanderesse si elle demandait de l'aide.

[6]                Deuxièmement, Mme Ortiz Diaz prétend que même si elle réussit dans sa vie professionnelle, cela ne signifie pas qu'elle puisse obtenir la protection de l'État. Cependant, le tribunal a examiné la preuve documentaire dont il disposait, laquelle donnait à penser que le Chili essayait de s'occuper de la violence faite aux femmes par l'adoption de lois en matière criminelle et par la mise en oeuvre de programmes contre les abus. Le tribunal a conclu que l'État offrait une protection raisonnable. Je suis convaincue que le tribunal pouvait raisonnablement tirer une telle conclusion compte tenu de la preuve dont il disposait.

[7]                Troisièmement, et finalement, Mme Ortiz Diaz affirme que lorsque le tribunal a conclu qu'elle avait tardé à présenter sa demande de statut de réfugié, il n'a pas adéquatement pris en compte le fait qu'elle était troublée et qu'elle avait besoin d'avoir recours à des consultations psychologiques. Je ne suis pas convaincue que cette explication a été fournie au tribunal. Bien que Mme Ortiz Diaz ait témoigné qu'elle suivait une thérapie, elle n'a pas déclaré que sa thérapie avait eu des conséquences sur le temps écoulé avant qu'elle demande le statut de réfugié ou que le fait qu'elle était troublée ait entraîné quelque retard que ce soit. Le tribunal ne peut pas être blâmé pour avoir omis de tenir compte d'une explication qui ne lui a pas été donnée.

[8]                Dans son argumentation de vive voix, Mme Ortiz Diaz a tenté d'expliquer son omission d'avoir inclus dans son FRP des renseignements à l'égard du fait qu'elle avait été battue et qu'elle avait reçu des menaces en disant que les opinions juridiques qu'elle avait obtenues étaient de piètre qualité. Cette prétention n'est appuyée par aucun élément de preuve. Au moment de l'audience devant le tribunal, Mme Ortiz Diaz était représentée par un avocat expérimenté. La transcription révèle qu'au début de l'audience, elle a eu l'entière possibilité de faire toutes corrections ou modifications à son FRP et qu'elle n'en a fait aucune. À mon avis, les conclusions à l'égard des omissions dans le FRP étaient des conclusions que le tribunal pouvait raisonnablement tirer.


[9]                En résumé, je suis convaincue qu'il existait suffisamment de motifs pour lesquels le tribunal pouvait correctement conclure que Mme Ortiz Diaz n'avait pas réussi à établir le bien-fondé de sa demande par des éléments de preuve dignes de foi. J'ai énuméré les motifs énoncés par le tribunal pour sa conclusion selon laquelle il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi pour lesquels la demande de Mme Ortiz Diaz pouvait être accueillie. À mon avis, chaque motif était correctement appuyé par la preuve et aucun ne pouvait être jugé manifestement déraisonnable.

[10]            En dernier lieu, je remarque que Mme Ortiz Diaz ne conteste pas la conclusion du tribunal selon laquelle elle a une possibilité de refuge intérieur viable partout au Chili, sauf à Santiago. Cette conclusion est fatale à la demande présentée par la demanderesse.

[11]            Pour les motifs énoncés, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[12]            Les parties n'ont pas proposé une question aux fins de la certification et je suis d'avis qu'aucune question n'est soulevée dans le présent dossier.

                                                                ORDONNANCE

[13]            LA COUR ORDONNE :

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-1063-03

INTITULÉ :                                        CAROLINA LORETO ORTIZ DIAZ

demanderesse

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                           

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 30 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Carolina Loreto Ortiz Diaz                                 POUR LA DEMANDERESSE

Pour son propre compte

Helen Park                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Carolina Loreto Ortiz Diaz                                 POUR LA DEMANDERESSE

Richmond (Colombie -Britannique)

Morris Rosenberg                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.