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     Date : 20001027

     Dossier : IMM-5146-99



Entre :


     BODHITARU BARUA

     demandeur

     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE PINARD :


[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), rendue le 28 septembre 1999, par laquelle il a été décidé que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention au sens où l'entend le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi).

[2]      Le demandeur, un citoyen du Bangladesh, prétend craindre avec raison d'être persécuté en raison de sa religion (le bouddhisme) et en raison de son appartenance à un groupe social particulier (une minorité religieuse).

[3]      La Commission a conclu que le demandeur manquait de crédibilité pour les raisons suivantes :

-      Le revendicateur affirme que quand l'islam est devenu la religion de l'État en 1988, il y a eu une recrudescence d'extorsions des minorités religieuses par des Musulmans fondamentalistes, toutefois il a attendu plus de trois ans avant de se joindre à la cellule locale du Bangladesh Hindu Buddhist Christian Unity Council.
-      Le revendicateur aurait formé un comité de protestations, toutefois il a semblé improviser ses réponses relativement aux membres de ce comité ainsi que relativement à ses activités de 1991 à 1996. Il a attribué l'absence d'un conseil d'administration au manque de temps, une explication que la Commission a jugé absurde, compte tenu de la période de temps en question.
-      Le revendicateur n'a pas réussi à établir que lui-même ou un autre membre des minorités religieuses avait été persécuté. L'extorsion qu'il aurait subie le 18 novembre 1983 n'avait aucun rapport avec un motif de la Convention.
-      Le revendicateur a affirmé dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) que Salauddin Quader Chowdhury était un membre du parti nationaliste du Bangladesh et un membre du parlement en 1983, toutefois pendant son témoignage, il a dit qu'il ne savait pas quel parti politique celui-ci avait représenté en 1983. La Commission déduit que cette incapacité à identifier correctement l'homme qu'il accuse d'avoir provoqué sa crainte de persécution rend son histoire invraisemblable.
-      Le revendicateur a présenté deux certificats de décès pour sa mère, les deux certificats étaient signés par le docteur Arun Das Gupta et datés du 21 février 1998. Le premier mentionne que la cause du décès est [TRADUCTION] « une tension excessive et des blessures physiques » et indique quatre niveaux d'études. Le deuxième mentionne que la cause du décès est [TRADUCTION] « une agonie mentale faisant suite à une agression » et indique deux niveaux d'études. La Commission conclut que les documents sont faux.

[4]      Dans l'arrêt Fletcher c. Société d'assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère approprié justifiant une intervention judiciaire sur des questions de fait à la page 204 :

             À mon sens, le critère applicable pour décider s'il convient que la cour d'appel s'écarte des conclusions de fait du juge de première instance ressort très nettement de ces arrêts: les cours d'appel ne doivent intervenir que si le juge de première instance a commis une "erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits". L'organisation même de notre système judiciaire exige que l'on défère à la décision du juge des faits. [...]


[5]      De plus, comme l'a souligné la Cour d'appel fédérale dans Aguebor c. M.E.I. (1993), 160 N.R. 315, la Commission, qui est un tribunal spécialisé, est libre de conclure qu'un demandeur est indigne de confiance en s'appuyant sur des invraisemblances dans le témoignage de celui-ci, à condition que ses conclusions ne soient pas déraisonnables.

[6]      En l'espèce, la conclusion de non-crédibilité de la Commission était fondée sur la conduite générale du demandeur, ainsi que sur diverses contradictions et invraisemblances entre son témoignage, son FRP et la preuve documentaire. Après examen de la preuve, je ne suis pas convaincu que la Commission, qui avait l'avantage de voir et d'entendre le demandeur, ne pouvait pas évaluer la crédibilité de ce dernier et conclure comme elle l'a fait. Bien qu'à ce sujet le demandeur semble penser le contraire, il est simplement inacceptable pour une cour de révision de substituer son évaluation des faits à celle de la Commission, qui est beaucoup mieux placée pour évaluer cette question (Tawfik c. M.E.I. (1993), 137 F.T.R. 43, à la page 46). Je ne vois aucune raison de croire que la Commission, qui est présumée avoir évalué tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés (Hassan c. M.E.I. (1992), 147 N.R. 317, à la page 318), n'a pas tenu compte de la preuve dont elle disposait ou que son évaluation de la preuve documentaire était déraisonnable.

[7]      En outre, comme il a jugé que le témoignage du demandeur n'était pas crédible, le tribunal avait le droit de conclure à l'absence de minimum de fondement. Dans Sheikh c. M.E.I. (1990), 112 N.R. 61, la Cour d'appel fédérale a établi que quand un tel tribunal conclut qu'un revendicateur n'est pas crédible, il peut conclure qu'il n'y a pas de preuve crédible en fonction de laquelle le revendicateur pourrait être considéré comme un réfugié. De plus, dans M.E.I. c. Mathiyabaranam (5 décembre 1997), A-223-95, la Cour d'appel fédérale a confirmé que cette règle est valide pour le paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, relativement à la question du minimum de fondement.

[8]      En ce qui concerne l'argument du demandeur selon lequel la conduite de la Commission était inopportune au point de soulever une crainte raisonnable de partialité, je ne vois aucune preuve dans la transcription de l'audience ni dans la décision elle-même à l'appui de cette affirmation. Je suis d'avis que le demandeur n'a pas du tout réussi à démontrer qu'une personne renseignée, considérant l'affaire d'un point de vue réaliste et pratique, et ayant bien considéré l'affaire, conclurait à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité (Committee for Justice and Liberty c. L'Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à la page 394).

[9]      Enfin, compte tenu des conclusions qui précèdent, les autres arguments que le demandeur a soulevés sont simplement non pertinents.

[10]      Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[11]      Le 25 septembre 2000, l'avocat du demandeur a déposé les trois questions suivantes aux fins de la certification :

         [TRADUCTION]
         1)      L'utilisation de la conclusion « d'absence de minimum de fondement » dans des auditions de réfugié à Montréal enfreint-elle les garanties judiciaires prévues par l'article 7 et l'article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés? Cette conclusion devrait-elle être assimilée à une revendication manifestement non fondée (R.M.N.F.) en droit international?
         2)      L'article 3 de la Convention contre la torture est-il obligatoire devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et par application de la Charte canadienne des droits et libertés? Son examen est-il obligatoire dans le cadre de « la conclusion d'absence de minimum de fondement » de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié?
         3)      Le traitement que des réfugiés du Bangladesh prétendent recevoir à Montréal, avec l'usage fréquent de « la conclusion d'absence de crédibilité » ainsi que le renversement complet de la jurisprudence de la C.I.S.R. soulèvent-ils une crainte raisonnable de partialité?


[12]      L'avocat du demandeur n'a déposé aucun argument écrit pour étayer la certification demandée. Pour sa part, l'avocate du défendeur a déposé des arguments écrits en opposition à la requête du demandeur. Je suis entièrement d'accord avec les observations de cette dernière et, en conséquence, les questions proposées ne sont pas certifiées parce qu'elles ne sont pas déterminantes dans la demande de contrôle judiciaire, qu'elles ne sont pas de portée générale et qu'elles ne satisfont pas au critère établi par la Cour d'appel fédérale en vue de la certification d'une question dans Liyanagamage c. Canada (M.C.I.) (1994), 176 N.R. 4.



                             « YVON PINARD »

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

le 27 octobre 2000



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.





     Date : 20001027

     Dossier : IMM-5146-99



Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2000

En présence de : Monsieur le juge Pinard


Entre :


     BODHITARU BARUA

     demandeur

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur




     ORDONNANCE


     La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, datée du 28 septembre 1999, est rejetée.




                             « YVON PINARD »

                                     JUGE


Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.






     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                  IMM-5146-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      BODHITARU BARUA c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 13 septembre 2000
MOTIFS DE L'ORDONNANCE :      le juge Pinard
EN DATE DU :              27 octobre 2000

ONT COMPARU :

M. Stewart Istvanffy                      POUR LE DEMANDEUR
Mme Sherry Rafai Far                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Istvanffy                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



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