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     Date: 20000824

     Dossier: IMM-3602-99


Entre :

     Pierre Henri Lumière KINGUE ELESSA

     Partie demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 23 juin 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que le demandeur, monsieur Pierre Henri Lumière Kingue Elessa, n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

[2]      Le demandeur, citoyen du Cameroun, est arrivé au Canada le 17 novembre 1998. Il allègue avoir une crainte bien fondée de persécution en raison d'opinions politiques imputées et de son appartenance à un groupe social, soit une famille dont le père était un notable ABO.

[3]      En ce qui a trait au motif d'opinions politiques imputées, le tribunal a conclu, aux pages 3 et 4 de sa décision :

             . . . le problème du revendicateur est un malentendu entre les autorités et lui-même, et qu'il aurait pu prendre des mesures légales pour démontrer aux autorités qu'il n'appartient pas au SDF comme il allègue.
             En aucun moment il ne s'adresse à un avocat pour obtenir des services juridiques pour défendre son point et ne s'adresse ni au SDF ou organisation de défense de droit pour lui venir en aide auprès des autorités, manquant ainsi au devoir qui incombe à un revendicateur de démontrer qu'il a recherché une protection ou recherché des solutions avant de demander une protection internationale.


[4]      Le tribunal a décidé, en outre, que même si le demandeur pouvait connaître certains problèmes, il aurait pu continuer à vivre au village de Penja, où il a résidé et travaillé durant un an sans problème.

[5]      De plus, le tribunal a conclu en l'absence d'une crainte objective car le demandeur a lui-même déposé son dossier pour se faire émettre un passeport.

[6]      Enfin, le tribunal n'a pas cru que le demandeur serait ciblé compte tenu du fait que son père avait été un notable ABO. Premièrement, il n'a eu aucun problème à obtenir sa carte d'identité nationale, émise le 22 avril 1997, et deuxièmement, ni ses frères ni sa mère n'ont eu de problème.

[7]      Même si je devais conclure, comme le soutient le demandeur, que le tribunal a eu tort, dans un contexte d'allégations de persécution en raison d'opinions politiques imputées, de juger "que le problème du revendicateur est un malentendu entre les autorités et lui-même, et qu'il aurait pu prendre des mesures légales pour démontrer aux autorités qu'il n'appartient pas au SDF comme il allègue", il n'en demeure pas moins que le tribunal a aussi conclu que le demandeur pouvait bénéficier d'un refuge interne.

[8]      En effet, au sujet de cette dernière possibilité, le tribunal a exprimé ce qui suit :

             Et si le tribunal avait été convaincu que le revendicateur pourrait avoir des problèmes, nous croyons qu'il aurait pu continuer à vivre au village de Penja, situé à une heure de Douala, où il y a résidé durant un an sans problème, y ayant même travaillé. Et, même vivre à Douala où certains députés de secteurs sont du SDF et dont certains quartiers dirigés par des maires de ce même parti.
             Après son exil d'un an au village, ne voulant plus travailler aux travaux champêtres et poursuivre ses études, il revient à Douala pour tenter de se faire émettre un passeport. De son propre aveu, il a lui-même déposé son dossier, démontrant au tribunal l'absence d'une crainte objective, car, si crainte il y avait, il n'aurait, en aucun moment, dû se présenter aux autorités pour l'obtention d'un passeport.
             En ce qui a trait à son allégation en tant que membre de la famille d'un notable Abo, le tribunal ne croit pas qu'il serait ciblé compte tenu du fait que sur sa carte d'identité nationale, émise le 22 avril 1997, on peut lire qu'il est vrai que son père est décédé par l'inscription sur la carte "Père "Feu Kingue Djong Clement". De son aveu même, le revendicateur n'a pas eu de problème pour l'obtenir et durant l'audience, il a admis qu'un frère travaille dans une banque et que l'autre travaille dans une discothèque et ni même sa mère n'a eu de problème.


[9]      Il est bien établi, en cette matière1, que le tribunal doit être satisfait, selon la balance des probabilités, qu'il n'y a pas de possibilité sérieuse qu'une personne revendiquant le statut de réfugié soit persécutée hors une région particulière d'un pays, et que, compte tenu tant de la situation particulière de cette personne que de celle du pays particulier en cause, les conditions hors cette région sont telles qu'il ne serait pas déraisonnable pour cette personne d'y chercher refuge. Le fardeau de la preuve à cet égard revient à la personne demandant le statut de réfugié, laquelle a le droit d'être prévenue si la question du refuge interne doit être soulevée devant le tribunal.

[10]      Appliquant tous ces principes aux faits de la présente cause, il m'apparaît que les questions du tribunal au demandeur étaient amplement claires pour avertir ce dernier que la question du refuge interne se posait dans son cas. De plus, je suis d'avis, à la lumière de la preuve, que le demandeur n'a pas repoussé son fardeau d'établir que les inférences tirées par ce tribunal spécialisé, quant à l'existence du refuge interne, ne pouvaient pas raisonnablement l'être (voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315). Comme l'existence de ce refuge est suffisante pour refuser au demandeur le statut de réfugié réclamé, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 août 2000



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1      Voir Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), [1994] 1 C.F. 589 et Rasaratnam c. Canada (M.E.I.), [1992] 1 C.F. 706.

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