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Date : 20040805

Dossier : T-1639-03

Référence : 2004 CF 1063

Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 5 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DOUGLAS CAMPBELL

ENTRE :

                                                       MEDIK MEGERDOONIAN

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                            LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

                                                                                                                                        défenderesse

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) datée du 1er août 2003, rendue en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi). Dans sa décision, la Commission a rejeté la plainte de Mme Megerdoonian à l'encontre de la Banque canadienne impériale de commerce (CIBC), par laquelle elle alléguait avoir reçu un traitement différent dans son emploi au motif de son origine nationale ou ethnique.


A. Les faits en contexte

[2]                Mme Megerdoonian est une citoyenne canadienne d'origine iranienne. Elle a été à l'emploi de la CIBC de mai 1985 au 17 avril 1999, date à laquelle son emploi a pris fin par suite d'un programme de restructuration. En avril 1996, elle a déposé une plainte auprès de la Commission, alléguant une discrimination à son égard pour les motifs suivants :

[traduction]

ALLÉGATION

Que la Banque canadienne impériale de commerce a exercé une discrimination à mon égard en me traitant de façon différente dans mon emploi, au motif de mon origine nationale ou ethnique, en contravention de l'article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

DÉTAILS

Je travaille pour la défenderesse depuis 1985.

En janvier 1995, j'ai été transférée au groupe d'appui aux gestionnaires des hypothèques (GAGH) en tant que spécialiste de la gestion des hypothèques. Ma surveillante m'a déclaré que ce nouveau poste serait au même niveau salarial que celui que je quittais (niveau 4). Le 9 août 1995, Pam Hayward, ma gestionnaire au GAGH et Connie Davis, directrice régionale, m'ont informée que mon poste avait été évalué au niveau 3. Ce changement de niveau devait entrer en vigueur le 1er novembre 1995, mais je conserverais le niveau 4 jusqu'en 1996. Lorsque que j'ai accepté un transfert au nouveau poste, la gestion ne m'a pas informée que le niveau de ce poste n'était pas encore déterminé.


En février 1995, j'ai reçu une évaluation de rendement au niveau 3. En juin 1995, mon rendement a été ramené au « niveau de perfectionnement 2 » . Hayward m'a déclaré que je faisais souvent des erreurs et que ma productivité était moins élevée que celle de mes collègues. Ceci ne concordait pas avec les renseignements reçus du souscripteur, qui m'avait dit que c'était moi qui faisait le moins d'erreurs et que ma productivité était bonne. Aussi récemment qu'en mai 1995, Hayward m'avait fait des compliments au sujet de mon travail. Hayward et Davis m'ont déclaré que le travail « dépassait mes capacités » et ont suggéré que mon travail soit suivi de façon quotidienne, ainsi que chaque semaine. Le 2 août 1995, Hayward m'a recommandé de chercher un autre poste en me disant que je n'y arrivais pas dans mon poste actuel. Lors d'une réunion tenue le 9 août 1995, les deux gestionnaires ont suggéré que je cherche à me placer ailleurs au sein de la banque. Hayward a déclaré que si je restais dans mon poste jusqu'en novembre, les choses « iraient mal pour moi » et elle m'a menacée de placer une évaluation encore plus négative à mon dossier.

Depuis que je suis dans le GAGH, j'ai été traitée de façon différente par mes gestionnaires, notamment comme suit :

En mars 1995, Davis m'a annoncé qu'un collègue serait le nouveau coordonnateur avec l'Institut des banquiers canadiens, la personne chargée de fournir des renseignements aux autres employés au sujet des cours de formation proposés par l'Institut. Je m'occupais de cette fonction depuis trois ans et je n'étais pas du tout au courant qu'on allait me remplacer.

En février 1995, Hayward a sciemment omis d'inscrire mon nom sur la liste des employés devant être félicités pour leur assiduité lors d'une cérémonie, alors même que je n'avais jamais manqué un jour de travail.

En juin 1995, on m'a ciblée pour une vérification du travail en attente dans mon panier et j'ai été humiliée devant mes collègues lorsque Hayward a demandé des chiffres et des détails.

Le 20 juillet 1995, Davis m'a remis mon évaluation de rendement provisoire. Cette évaluation était inexacte et peu flatteuse. Lorsque j'ai refusé de signer le rapport au cours de la réunion, elle a tenu un discours très agressif à mon égard.

Le 15 août 1995, j'ai examiné mon dossier personnel et noté que les courriels en provenance de mes surveillants qui soulignaient l'excellence de mon rendement dans les années précédentes, ainsi que les dossiers portant sur ma promotion de 1992, n'y étaient plus.

Entre le 9 août et fin octobre 1995, un collègue a vérifié mon travail chaque jour. Les autres employés n'étaient pas suivis d'aussi près. En octobre, lorsque j'ai eu l'occasion d'examiner ce dossier de suivi, j'ai noté qu'on n'y faisait état que des erreurs et non des réalisations positives. De plus, le dossier comportait des inexactitudes.

Le 27 octobre 1995, Hayward et Davis ont à nouveau évalué mon rendement de façon négative. Lors de la réunion, Davis a répondu à mes questions de façon peu amène et en élevant la voix.

Pendant 11 ans, j'ai été une employée responsable et productive de la défenderesse et j'ai reçu par deux fois le Prix du premier vice-président. Contrairement à ce que mes gestionnaires actuels déclarent, mon rendement ne s'est pas détérioré.

Je crois qu'on m'a ciblée pour un suivi rapproché et qu'on m'a évaluée de façon négative à cause de mon origine nationale ou ethnique.

(Formulaire de plainte, Commission canadienne des droits de la personne, Medik Megerdoonian, dossier numéro H33870, p. 1 et 2.)


[3]                Le 12 mars 2003, un enquêteur désigné par la Commission pour évaluer la plainte de Mme Megerdoonian a produit un « Rapport d'enquête » , où il recommandait la nomination d'un conciliateur chargé d'essayer de régler la plainte. L'enquêteur a analysé la preuve qu'il avait recueillie de la façon suivante :

[traduction]

Analyse

114. La question consiste à savoir si la plaignante a reçu un mauvais traitement au motif de son origine nationale ou ethnique. La preuve indique qu'il y a des motifs de croire que c'est le cas. Parmi les 5 spécialistes de la gestion des hypothèques, la plaignante est la seule dans le service dont le poste a été rétrogradé au niveau III suite au processus de ratification. L'information fournie par les collègues dans le service ne cadre pas avec le point de vue exprimé par le surveillant et par la défenderesse, qui veut que seulement deux employés aient été touchés par le processus de ratification des postes de spécialistes de la gestion des hypothèques. Les témoignages, ainsi que la preuve documentaire comme les organigrammes et les annuaires téléphoniques internes, confirment qu'il y avait 4 à 5 employés dans les postes de spécialistes de la gestion des hypothèques avant la ratification.

115. Les témoignages viennent confirmer l'allégation de la plaignante qu'on ne l'aurait pas informée avant de la transférer dans un poste de spécialistes de la gestion des hypothèques que ce poste pouvait être classé à un niveau inférieur. Rien dans la preuve ne vient appuyer la prétention de la défenderesse que la plaignante aurait pu retourner à son ancien poste de spécialiste des avances, niveau IV. En fait, l'option de retourner à cet ancien poste n'a pas non plus été offerte à Mme Johnson. De plus, les notes de la surveillante au sujet de la rencontre qu'elle a eue avec la directrice régionale et la plaignante, lorsqu'elles l'ont informée du niveau du poste suite au processus de ratification, n'indiquent pas qu'on lui aurait offert cette option.

116. Les témoignages et la preuve documentaire appuient la position de la plaignante que tous les employés du GAGH faisaient des erreurs, y compris certains collègues qui étaient dans ce poste depuis plus longtemps qu'elle. Nonobstant ce fait, on leur a offert des postes de souscripteurs alors que les autres employés recevaient des postes équivalents au niveau IV. La plaignante est la seule personne visée par une rétrogradation suite au processus de ratification.

117. S'agissant de la plaignante, on lui a dit et répété qu'elle ne pouvait répondre aux exigences d'un poste qui exigeait des capacités multifonctionnelles qu'elle n'aurait pas eues. Pourtant, la même personne a été responsable de deux projets pilotes qui ont réussi et, pendant plusieurs années, elle a formé de nouveaux employés, rédigé des manuels, été reconnue pour ses compétences et a gagné deux fois le Prix du premier vice-président. Son travail exemplaire a été souligné par le président J.J. Quinn.


118. La preuve indique qu'on appréciait le travail de la plaignante jusqu'à son transfert au GAGH. Bien qu'un surveillant a déclaré qu'il devait faire un suivi du travail de la plaignante, il n'a pu avancer d'exemple à l'appui de cette assertion. En 1992, le même surveillant avait autorisé la plaignante à accorder des hypothèques allant jusqu'à 250 000 $. La souscriptrice Gunderson a évalué le travail de la plaignante au GAGH comme moyen ou inférieur à la moyenne. Pourtant, elle l'avait mise en nomination en 1992 pour une récompense et elle avait fait l'éloge de son rendement.

119. Un témoin a déclaré que les gestionnaires étaient toujours prêts à aider quelqu'un qui était surchargé. Toutefois, au cours du mois de mai 1995 alors que deux collègues étaient en vacances et en formation, la plaignante a dû faire plus que sa part du travail et personne ne l'a aidée, ce qui l'a obligée à travailler à l'extérieur des heures normales.

120. Alors que tout employé peut obtenir communication immédiate de son dossier de personnel en présence d'un gestionnaire, la plaignante a dû attendre une approbation spéciale de la directrice régionale et de sa surveillante. Il n'est pas clair si cette situation est due au fait que la demande a été présentée à un gestionnaire intérimaire.

121. Deux personnes de race blanche n'ont pas été inscrites sur la liste pour la cérémonie de l'assiduité parfaite. Dans le cas de la plaignante, elle travaillait pour un surveillant différent en 1994 mais elle était toujours employée du secteur des hypothèques. Les services de la paye, responsables de préparer les listes d'employés qui avaient été au travail sans aucune absence, étaient chargés de bien examiner son dossier de présences pour décider si elle méritait une récompense pour ne pas s'être absentée en 1994.

122. Bien que la plaignante ait fourni, dans son évaluation d'octobre 1995, des exemples pour indiquer comment elle avait atteint ses objectifs, ses explications n'ont pas été jugées suffisantes pour justifier un quelconque changement dans sa cote ou dans la formulation de l'évaluation. Dans son évaluation, sa surveillante depuis 10 mois indiquait qu'elle ne devrait pas chercher à se placer ailleurs au sein de la banque. Par contre, Mme Byron, qui avait été sa surveillante pendant longtemps, ainsi que M. Timmons, l'ancien directeur régional, font une évaluation très positive de son rendement au travail et indiquent sans hésitation qu'elle est une personne à rendement élevé. Bien que l'une de ces deux personnes ne croyait pas aux allégations de racisme en l'espèce, les deux ont indiqué au cours de l'enquête que la situation actuelle de la plaignante au travail ne pouvait être liée à une question de rendement.

123. Les témoignages d'autres employés qui font partie de groupes de minorité visible font ressortir qu'il y avait un sentiment d'iniquité et une incertitude au sujet de l'emploi dans leur environnement de travail. Plusieurs de ces personnes ont été renvoyées ou ont accepté des indemnités pour partir.

Recommandation


124. Il est recommandé qu'en vertu de l'article 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un conciliateur soit nommé pour chercher à obtenir un règlement de la plainte, étant donné que la preuve indique que la plaignante a été traitée de façon négative à diverses occasions.

[Non souligné dans l'original.]

(Rapport d'enquête, Commission canadienne des droits de la personne, p. 19 et 20, paragr. 114 à 124.)

[4]                Lors de l'audience en l'espèce, Mme Megerdoonian a soutenu qu'elle avait fait l'objet d'une discrimination « subtile » et elle a fait référence à la décision du Tribunal des droits de la personne dans Grover et la Commission des droits de la personne et le Conseil national de recherches du Canada (T.D. 12/92, décision datée du 21 août 1992) pour démontrer que ce type de conduite avait été assimilé à de la discrimination. Je crois qu'on peut raisonnablement dire que le rapport d'enquête contient une conclusion fondée sur une preuve circonstancielle portant qu'au cours de l'emploi de Mme Megerdoonian à la CIBC, une discrimination subtile a eu lieu fondée sur l'origine ethnique, même si cette conclusion n'est pas couchée en termes spécifiques.

[5]                Le Rapport d'enquête a été envoyé aux parties pour commentaires. Mme Megerdoonian et la CIBC ont déposé des mémoires fort longs en réponse à ce rapport et en réponse aux réponses. Dans son mémoire, la CIBC rejette de façon péremptoire les conclusions de l'enquêteur, comme suit :

[traduction]

Lien fortuit entre le « traitement inéquitable » et les motifs interdits

La plaignante a souligné plusieurs domaines où elle prétend avoir eu droit à un traitement différent, mais elle n'apporte aucune preuve de discrimination pour un motif interdit. De plus, l'enquête n'a pas fait ressortir de preuve crédible que la plaignante aurait fait l'objet de discrimination fondée sur son origine nationale ou ethnique.


En l'espèce, la preuve démontre que le milieu de travail était très multiculturel (voir le paragraphe 4 du Rapport), bien que ce fait ne soit pas mentionné par l'enquêteur lorsqu'il analyse la preuve afin de déceler s'il y a eu discrimination ou pas. De plus, dans au moins deux des incidents dont la plaignante fait état, la preuve démontre qu'elle a été traitée de la même façon que les employés de race blanche et des explications très raisonnables de ces incidents ont été fournies par la CIBC. La CIBC soutient que la preuve démontre que ces allégations n'ont pas de fondement.

Une autre partie importante de la plainte porte sur les évaluations de rendement faites par la CIBC au cours de la période allant de juin à octobre 1995. La CIBC soutient qu'un examen de la preuve dans son ensemble vient appuyer le point de vue voulant que l'évaluation du rendement de la plaignante par ses surveillants a été menée de bonne foi. Que l'enquêteur ait été prêt, ou non, à accepter l'exactitude de l'évaluation du rendement de la plaignante par la gestion, il n'y a pas de preuve crédible qu'il y aurait eu discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

(Ré : Medik Megerdoonian, dossier numéro H33870, Réponse de la CIBC au rapport d'enquête, 12 mars 2003, p. 2.)

[6]                En fin de compte, la Commission n'a pas retenu la recommandation du rapport d'enquête. Elle a plutôt décidé de rejeter la plainte de Mme Megerdoonian. Dans une lettre datée du 1er avril 2003, la secrétaire de la Commission a avisé Mme Megerdoonian de la décision de la Commission. La partie pertinente de ce texte est rédigée comme suit :

[traduction]

Avant de prendre sa décision, la Commission a examiné le rapport qu'on vous a transmis et tous les mémoires déposés en réponse à ce rapport. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé, en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte (H33870) puisque, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci par un tribunal n'est pas justifié.

(Affidavit de Medik Megerdoonian, 19 décembre 2003, pièce H.)


B. Les dispositions législatives pertinentes

[7]                Le sous-alinéa 44(3)b)(i) de la Loi est rédigé comme suit :


Rapport

44. (1) L'enquêteur présente son rapport à la Commission le plus tôt possible après la fin de l'enquête.

Report

44. (1) An investigator shall, as soon as possible after the conclusion of an investigation, submit to the Commission a report of the findings of the investigation.

Suite à donner au rapport

(2) La Commission renvoie le plaignant à l'autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

Action on receipt of report

(2) If, on receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission is satisfied

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d'appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

(a) that the complainant ought to exhaust grievance or review procedures otherwise reasonably available, or

b) que la plainte pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

(b) that the complaint could more appropriately be dealt with, initially or completely, by means of a procedure provided for under an Act of Parliament other than this Act,

it shall refer the complainant to the appropriate authority.


Idem

(3) Sur réception du rapport d'enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

Idem

(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commissiona) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l'article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) d'une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci est justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

(ii) d'autre part, qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

(b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié,

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l'un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

Avis

(4) Après réception du rapport, la Commission :

Notice

(4) After receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) informe par écrit les parties à la plainte de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3);

(a) shall notify in writing the complainant and the person against whom the complaint was made of its action under subsection (2) or (3); and

b) peut informer toute autre personne, de la manière qu'elle juge indiquée, de la décision qu'elle a prise en vertu des paragraphes (2) ou (3).

[Non souligné dans l'original.]

(b) may, in such manner as it sees fit, notify any other person whom it considers necessary to notify of its action under subsection (2) or (3).

[Emphasis added]



C. La norme de contrôle

[8]                Il est clair qu'il y a lieu d'exercer une grande retenue face à l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission en vertu de l'article 44 de la Loi. Comme la Cour d'appel fédérale l'a déclaré, dans l'arrêt Gee c. Canada (Ministre du Revenu national) (2002), 284 N.R. 321 (C.A.F.), aux paragraphes 13 et 15, la norme de contrôle de l'exercice, en vertu du sous-alinéa 44(3)b)(i), du pouvoir discrétionnaire de rejeter une plainte au lieu de nommer un conciliateur est celle de la décision raisonnable :

[13]    La présente Cour a à plusieurs reprises indiqué le degré de retenue judiciaire dont il faut faire preuve à l'égard de la Commission lorsqu'elle décide, après la réception d'un rapport d'enquête, si elle doit rejeter la plainte ou la renvoyer à un tribunal. Par exemple, il a été déclaré dans l'arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier ([1999] 1 C.F. 113 (C.A.)) :

L'exercice du pouvoir discrétionnaire

[38]    La Loi confère à la Commission un degré remarquable de latitude à l'exécution de sa fonction d'examen préalable au moment de la réception d'un rapport d'enquête. Les paragraphes 40(2) et 40(4), et les articles 42 et 44 regorgent d'expressions comme « à son avis » , « devrait » , « normalement ouverts » , « pourrait avantageusement être instruite » , « des circonstances » , « estime indiqué dans les circonstances » , qui ne laisse aucun doute quant à l'intention du législateur. Les motifs de renvoi à une autre autorité (paragraphe 44(2)), de renvoi au président du Comité du tribunal des droits de la personne (alinéa 44(3)a)) ou, carrément de rejet (alinéa 44(3)b)) comportent, à divers degrés, des questions de fait, de droit et d'opinion (voir Latif c. La Commission canadienne des droits de la personne, [1980] 1 C.F. 687 (C.A.), à la page 698, le juge Le Dain), mais on peut dire sans risque de se tromper qu'en règle générale, le législateur ne voulait pas que les cours interviennent à la légère dans les décisions prises par la Commission à cette étape.


Plus récemment, dans l'arrêt Zundel c. Procureur général du Canada et al. ((2000) 267 N.R. 92, au paragraphe 5), la présente Cour a endossé une décision de la Section de première instance ([1999] 4 C.F. 289, aux paragraphes 46 à 49), selon laquelle la norme de contrôle judiciaire d'une décision de la Commission prise en vertu de l'article 44, c'est-à-dire celle de déférer après enquête une question à un tribunal, devait être de savoir si la décision s'appuyait sur un motif rationnel. Dans l'arrêt Bradley c. Procureur général du Canada ((1999) 238 N.R. 76), la présente Cour a statué que la norme de contrôle d'une décision prise par la Commission en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi de rejeter une plainte au lieu de nommer un conciliateur était celle de la décision raisonnable. Avec respect, je suis d'accord avec mes collègues sur ce point et j'accepte que la norme de contrôle relative à l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui est conféré au sous-alinéa 44(3)b)(i) de rejeter une plainte est celle de la décision raisonnable. C'est la norme qu'il faut appliquer en l'espèce. Pour les motifs qui suivent, je ne peux en toute déférence souscrire à l'opinion du juge des demandes qui a qualifié la décision de la Commission en l'espèce, c'est-à-dire la décision de rejeter la plainte, de refus d'examiner la plainte parce qu'elle en était empêchée par le mémoire d'entente de novembre 1995. À son avis, une telle entente était invalide parce qu'elle était contraire à l'ordre public, qu'elle constituait une renonciation à la protection de la Loi canadienne sur les droits de la personne, et que la Commission avait donc commis une erreur de droit en lui donnant un effet quelconque. Comme il sera expliqué ci-dessous, je crois que la Commission a effectivement examiné la plainte et par conséquent nous devons vérifier si la décision qui en a résulté selon laquelle il n'était pas justifié de prendre d'autres mesures s'appuyait sur un motif rationnel.

[...]

[15]    En l'absence de motifs clairs, toutefois, la Cour doit examiner les documents dont la Commission était saisie et le résultat qui a été atteint et vérifier si ce résultat s'appuie sur un motif rationnel. En l'espèce, un enquêteur de la Commission a fait enquête et un rapport a été envoyé à la Commission avec une recommandation. Étaient jointes à ce rapport les observations faites par les parties concernant le contenu du rapport, qu'elles ont eu la possibilité de lire avant qu'il soit transmis à la Commission, de même qu'un certain nombre d'autres documents connexes rédigés tout au long de cette histoire. Il convient de noter que, dans ses recommandations (citées ci-dessus au paragraphe 7), l'enquêteur laissait entendre qu'il n'était pas justifié de prendre d'autres mesures parce que [traduction] « la situation qui a donné lieu à la plainte a fait l'objet d'un redressement en ce sens qu'un mémoire d'entente a été signé [...] » . Bien que la Commission n'ait pas retenu la mention du « redressement » dans sa décision, elle a accepté la recommandation. À moins que la Cour « [n'intervienne] à la légère dans les décisions prises par la Commission [...] » , ce qui n'était pas l'intention du législateur, comme la présente Cour l'a reconnu dans l'arrêt Bell Canada c. Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (précité), je ne crois pas que nous devrions infirmer la décision de la Commission simplement parce qu'elle n'a pas été bien exprimée.

[9]                À l'audience, Mme Megerdoonian, qui se représentait elle-même, a déclaré qu'il n'était pas équitable que la Commission rejette sa plainte sans motiver ce rejet. Étant donné le fait qu'elle prend sa plainte très au sérieux, je comprends son point de vue. Toutefois, la jurisprudence a établi que dans les circonstances qui sont celles de la présente espèce la Commission n'est pas tenue de motiver son rejet d'une plainte en vertu du paragraphe 44(3).


[10]            Dans Gardner c. Canada (Procureur général), [2004] C.F. 493, le juge Gibson a traité la question de savoir si la Commission avait manqué à son devoir d'observer les principes de l'équité procédurale en ne motivant pas suffisamment le fait qu'elle soit passée de la recommandation initiale de l'enquêteur d'envoyer le dossier à la conciliation à sa décision finale de rejeter les plaintes. Les faits dans l'affaire Gardner sont semblables à ceux en l'espèce. Dans Gardner, la Commission a examiné deux rapports d'enquête (un seul d'entre eux étant pertinent dans le cadre du contrôle judiciaire), et donné l'occasion à la plaignante de présenter son point de vue à l'appui de ses plaintes et de répondre au point de vue présenté par l'autorité qui faisait l'objet de ses plaintes. Le rapport d'enquête pertinent recommandait à la Commission de nommer un conciliateur. La Commission a décidé de rejeter les plaintes, déclarant tout simplement que « compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l'examen de celle-ci n'est pas justifié » . Aucun autre motif n'a été présenté et la plaignante n'en a pas demandé. Le juge Gibson conclut comme suit, au paragraphe 36 :

Par conséquent, je conclus que la Commission n'a pas omis de respecter son obligation d'agir de façon équitable en fournissant des motifs insuffisants. Je conclus en ce sens, en raison de l'absence d'obligation législative de fournir des motifs et aussi de l'omission de la demanderesse de demander des motifs après avoir été informée de la décision qui rejetait ses plaintes et avant de présenter la présente demande de contrôle judiciaire. Dès lors, la Commission n'a pas commis une erreur susceptible d'être révisée lorsqu'elle a rejeté les plaintes de la demanderesse, malgré l'opinion de la demanderesse selon laquelle, d'après les preuves présentées à la Commission, il était « clair et manifeste » que la demanderesse avait fait l'objet de discrimination fondée sur sa situation de famille et le rapport de l'enquêteur apportait un certain appui à cette opinion.

(Voir aussi : Johnson c. Maritime Telegraph and Telephone Co., 2004 C.F. 951 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 35 à 37; et Armoyan c. Canada (Procureur général), [2004] C.F. 730 (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 15 à 18.)


[11]            Je me range au raisonnement du juge Gibson et conclus qu'en l'espèce, comme dans Gardner, la Commission n'avait aucune obligation de motiver sa décision de façon plus élaborée.

D. Les points de vue des parties

[12]            Mme Megerdoonian rejette la conclusion de la Commission et présente, comme son argument le plus fort, le fait que [traduction] « la Commission a outrepassé sa compétence en ne faisant pas de lien entre la discrimination délibérée et systématique qui a ruiné ma carrière et la discrimination exercée contre moi au motif de mon origine ethnique » (Mémoire des faits et du droit de Mme Megerdoonian, p. 4, paragr. 3).

[13]            Toutefois, la CIBC présente l'argument suivant à ce sujet :

[traduction]

16. En évaluant l'aspect raisonnable de la décision de la Commission de rejeter la plainte, nous considérons qu'il est pertinent d'indiquer que ni la plaignante ni le rapport d'enquête n'ont démontré quelque preuve directe que ce soit de l'existence d'une discrimination fondée sur la race ou l'origine ethnique. Par exemple, rien dans la preuve ne porte qu'il y aurait eu des insultes racistes, des blagues peu appropriées, ou toute autre forme de conduite fondée sur des motifs racistes qu'on associerait normalement avec un environnement de travail hostile. En conséquence, dans sa plainte Mme Megerdoonian s'appuie sur des preuves circonstancielles, alléguant qu'elle aurait reçu un traitement différent dans des circonstances où d'autres employés comme elle étaient mieux traités. Bien que la CIBC reconnaisse qu'une preuve circonstancielle peut fonder une plainte valable en matière de droits de la personne, il est aussi vrai que la Commission doit, en évaluant le bien-fondé d'une telle plainte, examiner toutes les explications fournies par l'employeur qui démontrent que le traitement de la plaignante n'avait pas pour fondement des motifs raciaux ou ethniques.

[...]


22. Plus important encore, il n'y a pas de preuve dans le rapport d'enquête, non plus que dans les présentations de Mme Megerdoonian, que l'évaluation de son rendement était fondée de quelque façon que ce soit sur sa race ou son origine ethnique. Les présentations de Mme Megerdoonian font plutôt état de raisons liées à des relations interpersonnelles et expriment l'avis que sa surveillante, savoir la personne qui a évalué son rendement, était motivée par des considérations personnelles. Bien que la CIBC nie qu'il y ait eu quelque motivation non justifiée que ce soit pour l'évaluation, le fait que la plaignante affirme que l'évaluation de son rendement avait des motifs politiques, plutôt que raciaux ou ethniques, appuie aussi une conclusion qu'il y a un fondement rationnel au rejet de la plainte.

23. Au vu de ce qui précède, nous soutenons que la preuve circonstancielle principale de la plaignante, savoir la prétendue différence de traitement et la coïncidence du fait que la demanderesse est d'origine iranienne, a reçu une réponse complète dans la documentation en réponse au rapport d'enquête et que la décision de la Commission de rejeter la plainte de la demanderesse sans aller plus loin ne peut être décrite comme déraisonnable au vu de toutes les circonstances.

(Mémoire des faits et du droit de la défenderesse, p. 5, 7 et 8, paragraphes 16, 22 et 23.)

E. Conclusion

[14]            Au vu de la décision de la Commission, précitée, il ressort qu'après avoir examiné la preuve considérable au dossier, la Commission s'est tout simplement rangée aux arguments de la CIBC au sujet de la recommandation contenue dans le rapport d'enquête, qui avait l'appui de Mme Megerdoonian. Je peux comprendre qu'on arrive à un tel résultat. Étant donné qu'il n'y a aucune preuve directe au dossier d'une discrimination fondée sur l'origine nationale ou ethnique, et que les preuves circonstancielles sont conflictuelles, je conclus que la conclusion de la Commission avait un fondement rationnel.

[15]            Bien que je sache que Mme Megerdoonian trouvera ceci difficile à accepter, je conclus que rien ne me permet de dire que la décision de la Commission est déraisonnable.


                                        ORDONNANCE

En conséquence, pour les motifs précités, la demande est rejetée.

Il n'y aura pas de dépens.

_ Douglas R. Campbell _

                                                                                                     Juge                        

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                              T-1639-03

INTITULÉ :                                             MEDIK MEGERDOONIAN

c.

LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE

DE COMMERCE

LIEU DE L'AUDIENCE :                       VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 29 JUILLET 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE CAMPBELL

COMPARUTIONS :

MEDIK MEGERDOONIAN                                       POUR LA DEMANDERESSE

RANDY KAARDAl                                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Blake, Cassels & Graydon LLP                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

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