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Date : 19980610


Dossier : T-2159-96

OTTAWA (Ontario), le mercredi 10 juin 1998

EN PRÉSENCE DU JUGE HUGESSEN

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande visant à réviser et à infirmer, conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, une décision interlocutoire (la " décision ") rendue le 29 juillet 1996 par M. A.H. Rosenbaum, président du comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada créé en application de l'alinéa 5c ) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, relativement à l'appel de Khalil Hasan aux termes de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.         

ENTRE :

     KHALIL HASAN,

     requérant,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande est rejetée avec dépens.

                             James K. Hugessen

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date : 19980610


Dossier : T-2159-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT une demande visant à réviser et à infirmer, conformément à l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, et ses modifications, une décision interlocutoire (la " décision ") rendue le 29 juillet 1996 par M. A.H. Rosenbaum, président du comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada créé en application de l'alinéa 5c ) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, relativement à l'appel de Khalil Hasan aux termes de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33.         

ENTRE :

     KHALIL HASAN,

     requérant,

     et

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HUGESSEN

[1]      La présente demande de contrôle judiciaire vise à obtenir deux réparations différentes qui, bien qu'elles se ressemblent beaucoup, nécessitent l'application de principes légèrement différents par la Cour.

[2]      En premier lieu, le requérant veut faire réviser et infirmer une décision qu'a rendue le président d'un comité d'appel désigné conformément à l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.1 Dans cette décision, le président a refusé de se récuser et a rejeté les allégations du requérant quant à l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. Si je comprends bien l'état du droit, le requérant me demande ici de réviser la décision du président en me fondant sur la norme de la décision correcte, au motif que la décision attaquée comporterait des erreurs de droit ou de compétence.

[3]      En deuxième lieu, le requérant demande une ordonnance d'interdiction visant à empêcher le président de continuer à présider l'audition de son appel fondé sur l'article 21. Le requérant invoque à nouveau l'existence d'une crainte raisonnable de partialité. À mon avis, cet aspect de la demande m'oblige à évaluer la preuve que le requérant a présentée et à décider si elle établit effectivement, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'une crainte raisonnable de partialité de la part du président.

[4]      Pour trancher les deux aspects de la demande, il est nécessaire d'appliquer le critère reconnu en droit à l'égard de l'existence d'une crainte raisonnable de partialité, soit une crainte d'une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique.2 Le président et les deux parties à la présente demande s'entendent sur l'applicabilité de ce critère.

[5]      Si j'ai bien compris ses arguments au sujet du premier aspect de la demande, soit la contestation touchant la légalité de la décision du président, le requérant soutient, non pas que le président a appliqué un critère erroné en droit, mais plutôt qu'il n'aurait pas dû appliquer quelque critère que ce soit. Étant donné que qu'il a attaqué la conduite du président en lui demandant de se récuser, le requérant semble penser que le président n'avait plus par le fait même la compétence voulue pour entendre cette demande. Sur ce point, il a tout à fait tort. Chaque tribunal a le droit et fréquemment le devoir d'entendre toute demande qui met en doute sa propre compétence à l'égard d'une enquête. En fait, l'argument du requérant sur ce point ne peut tenir, compte tenu d'une décision que Madame le juge Simpson, de la Cour fédérale, a rendue dans la propre cause du requérant3 et qui est maintenant chose jugée entre les parties. En fait, l'argument du requérant selon lequel tout ce que Madame le juge Simpson a permis au président de faire, c'est " d'examiner " la question de sa propre récusation sans entendre de témoignages et d'arguments à ce sujet est une aberration : si le président avait osé faire ce que Madame le juge Simpson l'obligeait à faire, selon le requérant, c'est-à-dire examiner la question de sa propre récusation tout en refusant d'entendre des témoignages et des arguments à ce sujet, il aurait manifestement commis un manquement aux règles de justice naturelle.

[6]      La majorité des arguments du requérant concernent le deuxième aspect de la demande, selon lequel la Cour devrait conclure que les actions du président ont donné lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[7]      Une des mesures que le requérant a le plus vivement contestées est le refus du président d'ordonner la communication de certains documents d'évaluation qui se trouvaient en la possession du ministère. Il est évident maintenant que cette décision du président était erronée en droit et elle a d'ailleurs été infirmée par une décision de la Section de première instance que la Cour d'appel a plus tard confirmée.4 Toutefois, contrairement à ce que le requérant semble croire, ce fait ne mène pas nécessairement à la conclusion que le président avait des préjugés. Au contraire, bien que le prononcé d'une décision erronée à l'encontre des intérêts d'une partie puisse découler d'un préjugé contre cette partie, il n'en constitue pas la preuve. Les juges et les fonctionnaires quasi judiciaires rendent toujours des décisions qui vont à l'encontre des intérêts de l'une ou l'autre des parties qui comparaissent devant eux; certaines de ces décisions sont plus tard jugées erronées et les personnes qui les ont rendues ne deviennent pas de ce fait incompétentes pour cause de partialité.

[8]      Mis à part le résultat de la décision que le président a rendue, aucun élément des circonstances entourant la décision qu'il a prise au sujet de la communication ne peut donner lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[9]      Une autre partie importante de la cause du requérant est fondée sur des allégations portant que le président a utilisé des propos donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité lorsqu'il s'est adressé à lui. Le président se serait adressé au requérant [TRADUCTION] " d'une manière dégradante ", il lui aurait parlé sur un ton [TRADUCTION] " insultant et non professionnel ", il l'aurait [TRADUCTION] " engueulé ", il lui aurait parlé [TRADUCTION] " brusquement " et il aurait utilisé des [TRADUCTION] " propos grossiers ". À une exception près, ce sont là des descriptions que le requérant a faites de sa propre impression au sujet du langage que le président a employé, mais ces descriptions ne renferment aucune précision quant aux mots qui auraient effectivement été prononcés ou quant au contexte dans lequel ils l'auraient été. En fait, la seule preuve d'emploi de mots particuliers qui pourraient être considérés comme des propos grossiers est celle d'une remarque plutôt scatologique que le requérant a adressée lui-même au président. La seule autre preuve directe du langage utilisé concerne la remarque suivante que le président a formulée, lorsqu'il a dit au requérant [TRADUCTION] qu'il " ne devrait pas agir comme un enfant et devrait vieillir ". Bien qu'elle ne soit certainement pas flatteuse ni particulièrement judicieuse, cette dernière remarque ne peut constituer à elle seule le fondement d'une crainte raisonnable de partialité.

[10]      Le requérant formule d'autres plaintes au sujet de la façon dont le président l'a traité lui et sa cause. Il soutient que le président ne lui a pas donné suffisamment de temps pour se préparer et que, d'autre part, il a mis beaucoup trop de temps à rendre sa décision, qu'il a refusé de faire une copie d'une décision qu'il a rendue dans une autre affaire afin de la mettre le plus tôt possible à la disposition du requérant et qu'il a reçu des communications du ministère ou du représentant de celui-ci en son absence. Ces allégations ne sont tout simplement pas fondées. En réalité, le temps accordé au requérant était plus que suffisant. Même si le président a mis trop de temps à rendre sa décision, ce retard ne peut nullement être considéré comme une indication de partialité. La politique qui consiste à ne pas communiquer au public, dont le requérant fait partie, la décision rendue dans une autre affaire avant que le comité se soit assuré que les parties à celle-ci ont bien reçu ladite décision est sensée et a été bien expliquée au requérant. Enfin, il appert clairement de la preuve que toute communication échangée entre le ministère et le président en l'absence du requérant l'a été dans le contexte d'une audience à laquelle le requérant a décidé de ne pas assister, pour des raisons qui le concernent, même s'il avait été invité à s'y présenter; le requérant a été entièrement informé du contenu de cette communication.5

[11]      En dernier lieu, le requérant formule un certain nombre d'allégations entièrement injustifiées quant à l'existence d'un complot entre le ministère du Revenu national, le ministère de la Justice et la Commission de la fonction publique. Ce complot visait apparemment à avilir et à déshonorer le requérant, à le priver de ses moyens d'existence et à enlever le pain de la bouche de ses enfants. Il appert de la preuve que ce complot n'existe que dans l'esprit du requérant.

[12]      Il appartient au requérant de prouver, selon la prépondérance des probabilités, des faits susceptibles de faire naître une crainte raisonnable de partialité chez un observateur informé et neutre. Le requérant ne s'est tout simplement pas acquitté de ce fardeau en l'espèce.

[13]      Pour les motifs exposés ci-dessus, la demande sera rejetée avec dépens.

                             James K. Hugessen

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-2159-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Khalil Hasan c. Le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          2 juin 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE HUGESSEN

EN DATE DU :              10 juin 1998

ONT COMPARU :

M. Khalil Hasan              pour lui-même

Me Kathryn Hucal              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Me George Thomson              pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. P-33.

     2      Committee for Justice and Liberty c. Canada (L'Office national de l'énergie) (1976), [1978] 1 R.C.S. 369, p. 394.

     3      Hasan c. Procureur général du Canada (3 octobre 1995), T-1988-95 (C.F. 1re inst.) [décision non publiée].

     4      Hasan c. Canada (procureur général) (1996), 206 N.R. 175 (C.A.F.).

     5      Voir le contre-interrogatoire de Kathleen Plouffe par le requérant le 17 décembre 1996 (dossier de la demande de l'intimé, à l'onglet 2), notamment les questions 142 à 144.

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