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     T-1695-95

ENTRE :

     MERCK FROSST CANADA INC.

     et

     MERCK & CO., INC.,

     requérantes,

     et

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL

     et

     APOTEX INC.,

     intimés.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     CONCERNANT LA DEMANDE DE FRAIS À L'ÉGARD DE LA

     DÉCISION RELATIVE À L'ABSENCE D'OBJET DES PROCÉDURES

     [prononcés au cours d'une conférence téléphonique

     le vendredi 30 mai 1997 et révisés]

LE JUGE ROTHSTEIN

     La présente demande découle de l'incapacité des parties de s'entendre sur les frais et dépens qu'Apotex doit payer à Merck à l'égard de l'instance fondée sur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Dans les motifs d'ordonnance que la Cour a prononcés à l'audience dans le présent dossier le 26 mars 1997 et qu'elle a fait connaître le 1er avril 1997 après les avoir révisés, la décision suivante a été rendue au sujet des frais et dépens :

         Apotex convient qu'elle devrait être redevable envers Merck des frais et dépens sur la base procureur-client, et une ordonnance en ce sens sera rendue, pour la période allant de la date de signification à Merck de l'avis d'allégations donnant lieu à la présente demande d'interdiction jusqu'à la conclusion de l'instance.         

     L'ordonnance du 26 mars 1997 prévoyait ce qui suit :

         (3) Merck a le droit de recouvrer d'Apotex ses frais et dépens sur la base procureur-client à compter de la date de signification à Merck de l'avis d'allégations ayant donné lieu à la requête en interdiction jusqu'à la conclusion de l'instance. Si les parties ne peuvent s'entendre sur le montant des frais et dépens entre procureur et client dans les trente jours de la présente ordonnance, ils peuvent demander à la Cour de le fixer.         

     Même si Apotex reconnaît qu'elle est redevable envers Merck des frais et dépens sur la base procureur-client, elle soutient que cette responsabilité est assujettie aux conditions suivantes :

     (1)      Le montant des frais et dépens sur la base procureur-client doit être raisonnable.
     (2)      Aucun montant ne devrait être accordé à titre de frais et dépens sur la base procureur-client à l'égard des procédures interlocutoires au cours desquelles des frais ont été adjugés à Apotex ou au cours desquelles aucun montant n'a été adjugé à ce titre à l'époque.
     (3)      Aucun montant ne devrait être accordé à Merck à titre de frais et dépens sur la base procureur-client à l'égard de la requête préliminaire portant rejet qui a été présentée au début de l'audience sur le fond et qu'Apotex a gagnée et un montant devrait être accordé à ce titre à celle-ci à l'égard de ladite requête.

     Il est indubitable que le montant des frais et dépens sur la base procureur-client doit être raisonnable. En ce qui a trait aux deuxième et troisième arguments, la position d'Apotex semble bien fondée en principe. Lorsqu'une décision spécifique a été rendue au sujet des frais dans le cadre de procédures interlocutoires, il m'apparaît inhabituel de modifier ou d'infirmer cette décision antérieure. De plus, il serait inhabituel d'accorder des frais et dépens sur la base procureur-client à la partie qui n'a pas eu gain de cause dans une requête. Cependant, cela ne signifie pas qu'il ne peut jamais y avoir de cas où, malgré les frais déjà adjugés, une ordonnance définitive concernant les frais ne peut tenir compte des procédures interlocutoires précédentes.

     Dans la présente affaire, aucune décision ayant pour effet d'accorder des frais indépendamment de l'issue de la cause n'a été rendue au cours des procédures interlocutoires. Dans les ordonnances interlocutoires rendues pendant l'instance, il n'est nullement question des frais, bien qu'il soit parfois mentionné qu'ils doivent suivre le sort de la cause. Même si le silence en soi peut constituer une décision quant aux frais, notamment lorsque le juge exerce son pouvoir discrétionnaire de façon à ne pas accorder de frais, compte tenu des circonstances, cette présomption ne saurait s'appliquer dans des demandes de contrôle judiciaire. Selon la Règle 1618 des Règles de la Cour fédérale, il n'y a pas de frais à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, sauf si la Cour n'en ordonne autrement pour des raisons spéciales. À mon avis, dans des demandes de contrôle judiciaire, en l'absence de mention explicite au sujet des frais, il y a lieu de présumer que, par son silence, le juge ayant entendu la procédure interlocutoire a indiqué qu'il ne voyait aucune raison spéciale d'adjuger des frais. De plus, lorsque les frais doivent suivre le sort de la cause dans une demande de contrôle judiciaire, en l'absence d'une conclusion explicite faisant état de raisons spéciales, cette ordonnance n'est pas exécutoire (voir l'arrêt Everett c. Canada (ministre des Pêches et Océans) (1994), 25 Admin. L.R. (2d) 112 (C.A.F.)). Dans tous ces cas, lorsque, à la conclusion de l'instance, la Cour est convaincue que des circonstances spéciales justifient l'octroi de dépens, cette décision peut, à mon sens, couvrir des montants applicables à des procédures interlocutoires au cours desquelles aucun montant n'a apparemment ou effectivement été accordé à l'époque.

     Aucun montant au titre de frais et dépens sur la base procureur-client n'a été accordé en l'espèce pour les raisons habituelles, comme une faute de la part d'une partie, un retard, des délais injustifiés, etc. (voir des exemples dans Federal Court Practice 1997, Sgayias p. 411). Un montant a plutôt été accordé à ce titre parce qu'Apotex, dans le cadre des observations qu'elle a formulées à la Cour pour lui demander de rejeter la demande d'interdiction de Merck parce que celle-ci était devenue sans objet, a reconnu qu'elle avait elle-même provoqué ces procédures en signifiant à Merck un avis d'allégations concernant un procédé de fabrication de lovastatine qu'elle a subséquemment décidé de retirer. Apotex a demandé une ordonnance rejetant la demande d'interdiction parce que le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a refusé de délivrer à son endroit un avis de conformité fondé sur une allégation différente alors que la présente demande d'interdiction était encore en cours.

     Sans répéter ce qui a déjà été dit en long et en large dans la décision sur le fond qui a été rendue en l'espèce, Apotex a soutenu énergiquement que la Cour devrait rejeter la demande d'interdiction le plus tôt possible parce que l'avis de conformité qu'elle avait demandé lui avait été, selon elle, refusé à tort en raison de l'autre allégation qu'elle avait invoquée et qu'elle était empêchée sans raison valable en droit de commercialiser son produit lovastatine. Je ne puis reprendre mot à mot les arguments qu'Apotex a invoqués, mais, essentiellement, elle a reconnu que, étant donné qu'elle avait provoqué l'introduction de la présente demande d'interdiction en déposant un avis d'allégations qu'elle ne voulait plus invoquer, elle devrait être redevable des frais et dépens sur la base procureur-client de Merck en ce qui a trait à cette affaire. Je suis convaincu que la conduite d'Apotex, qui a rendu sans objet l'instance qu'elle a elle-même provoquée, constitue une raison spéciale d'adjuger des frais. Vers la fin des plaidoiries, les avocats des parties ont commenté spécifiquement la période pour laquelle des frais et dépens sur la base procureur-client devraient être payés et c'est en raison de ces arguments et du consentement d'Apotex à payer des frais et dépens sur la base procureur-client que les paragraphes précités de l'ordonnance et des motifs ont été inclus.

     Au cours de ces plaidoiries, Apotex n'a formulé aucun argument semblable à ceux qui sont invoqués dans la présente demande. L'avocat de Merck soutient que la demande de frais d'Apotex à l'égard de la requête portant rejet relève d'une [TRADUCTION] "subtilité complaisante", ce qui signifie, notamment, une façon spécieuse de contourner les obligations difficiles (voir le Shorter Oxford English Dictionary ). Je suis d'accord avec cette description. Comme elle a elle-même proposé de payer à Merck des frais et dépens sur la base procureur-client sans réserve, une démarche subséquente de sa part en vue d'ergoter sur les éléments à inclure ne convient pas.

     À cet égard, il m'apparaît également pertinent de souligner que, dans une affaire subséquente qui a été plaidée devant moi sous le régime du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) et où Apotex a eu gain de cause dans une requête visant à rejeter les demandes d'interdiction parce qu'elles étaient devenues sans objet, Apotex ayant retiré ses allégations liées auxdites demandes (voir Sandoz c. Apotex, nos T-1463-93 et T-860-95, 2 mai 1997), cette même société a formulé ce que j'estime être un argument plus complexe en ce qui a trait à l'obligation de payer des frais et dépens sur la base procureur-client. Dans cette affaire, elle a réussi à me convaincre que, même s'il est vrai qu'elle devrait être redevable de l'ensemble des frais et dépens sur la base procureur-client lorsqu'elle retire ses allégations donnant lieu à l'instance, elle devrait avoir droit à des frais entre parties dans une demande portant rejet qui est contestée et qu'elle gagne parce que l'instance est devenue sans objet. Apotex a alors soutenu, notamment, que la question n'était plus nouvelle et que Sandoz aurait dû consentir au rejet. En d'autres termes, Apotex a fait ressortir la différence entre les circonstances de cette affaire et celles dont la Cour est actuellement saisie, ce qui m'incite à conclure que, même s'il est vrai qu'elle devrait obtenir des frais dans sa demande portant rejet dans cette affaire, elle a reconnu que sa position dans celle-ci était différente de celle qu'elle invoque dans le présent dossier, où la question a été soulevée pour la première fois.

     Dans les arguments qu'elle a invoqués à l'origine au sujet des frais en l'espèce, Apotex m'a incité à croire qu'elle acceptait d'être redevable de tous les montants raisonnables engagés par Merck à titre de frais et dépens sur la base procureur-client depuis la signification à celle-ci de l'avis d'allégations concerné jusqu'à la conclusion de l'instance. Aucune exception n'a été suggérée et il n'est nullement sous-entendu qu'Apotex devrait avoir droit à des frais dans l'instance qui est devenue sans objet ou que Merck ne devrait pas avoir droit à des frais dans ladite instance.

     Si Apotex avait formulé des arguments valables à l'époque, la Cour aurait peut-être pu rendre une décision différente en ce qui a trait à certains aspects des frais en litige. Mais elle ne l'a pas fait et je suis convaincu que la Cour voulait, comme elle l'a expliqué dans les motifs qu'elle a exprimés à l'époque en fonction des arguments et des admissions d'Apotex concernant les frais, que Merck reçoive un montant raisonnable à titre de frais et dépens sur la base procureur-client à compter de la signification de l'avis d'allégations jusqu'à la conclusion de toute l'instance. Essentiellement, il semble qu'Apotex tente d'inciter la Cour à revenir sur la décision qu'elle a déjà rendue au sujet des frais. Ce réexamen n'est pas justifié aux termes de la Règle 337(5) ou 1733 des Règles de la Cour fédérale.

     Les parties ont demandé une autre occasion de résoudre la question des frais à la lumière des présents motifs. Par conséquent, l'affaire est reportée au lundi 30 juin 1997, 9 h, date à laquelle une conférence téléphonique aura lieu et, si les parties n'ont pu en arriver à un règlement à cette date, la Cour fixera la date, l'heure et le lieu de l'audition ou de la conférence téléphonique visant à trancher de façon définitive la question des frais et dépens.

                         (S) Marshall E. Rothstein

                             Juge

VANCOUVER (C.-B.)

Le 10 JUIN 1997

Traduction certifiée conforme         

                         Martine Guay, LL.L.

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MERCK FROSST CANADA INC. et
                         MERCK CO., INC.
                         c.
                         LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE
                         ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et
                         APOTEX INC.
No DU GREFFE :                  T-1695-95
LIEU DE L'AUDIENCE :                  Halifax (N.-É.)
DATE DE L'AUDIENCE :              12 mai 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN

EN DATE DU :                      10 juin 1997

ONT COMPARU :

     Me Nelson Landry              pour les requérantes
     Me Harry Radomski              pour les intimés

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Ogilvy Renault
     Montréal (Qc)                  pour les requérantes

     Goodman, Phillips & Vineberg

     Toronto (Ont.)                  pour les intimés

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