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Date : 20051109

Dossier : IMM-102-05

Référence : 2005 CF 1517

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

 

ENTRE :

IBADULLAH CATAL

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]      Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise une décision en date du 14 décembre 2004 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger et qu’en tout état de cause il était exclu du bénéfice de la protection en application de l’alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention).

 

LES FAITS

 

[2]      Le demandeur affirme craindre avec raison d’être persécuté par les autorités turques du fait de ses opinions politiques et de sa religion, deux motifs prévus par la Convention.

 

[3]      Le demandeur était un sous-officier de carrière qui a travaillé dans la Gendarmerie turque pendant dix ans, de 1987 à 1997. Il a expliqué à la Commission que sa femme et lui ont été victimes d’une opération lancée par l’armée laïque contre l’infiltration appréhendée d’islamistes dévots en son sein. Plus précisément :

i.                     en janvier et février 1997, il a été détenu pour des motifs liés à ses pratiques religieuses et a fini par être emprisonné et par faire l’objet d’une destitution ignominieuse de l’armée;

 

ii.                   à sa libération en 1998, il s’est installé dans la province de Sakarya, où il a travaillé dans une usine appartenant à des membres de Nur Jamaat;

 

iii.                  en 1999, sa femme, musulmane pratiquante, s’est fait menacer de perdre son emploi d’infirmière parce qu’elle portait le hidjab;

 

iv.                 en 2000, l’armée l’a menacé, lui et d’autres employés de l’usine, en raison de leurs convictions religieuses;

 

v.                   lorsque l’armée a appris le lien qui l’unissait à son épouse, ils ont tous deux été accusés de conspirer pour miner le caractère laïc de l’État turc.

 

[4]      Le 14 juin 2001, le demandeur et sa femme ont fui la Turquie, persuadés que, s’ils restaient dans leur pays, ils seraient arrêtés, torturés ou carrément tués par les militaires en raison de leurs pratiques religieuses. Le 19 juin 2001, ils sont arrivés au Canada après être passés par les États-Unis, et ils ont présenté une demande d’asile sur place le 23 juillet 2001. Le 21 septembre 2002, la femme du demandeur a retiré sa demande et est retournée en Turquie.

 

[5]      La Commission a rejeté la demande d’asile du demandeur pour deux raisons. Premièrement, elle a conclu qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger à cause de sa complicité par association de crimes contre l’humanité commis par la Gendarmerie au sens de l’alinéa 1Fa) de la Convention. Deuxièmement, elle a conclu que le demandeur n’était pas fondé à craindre d’être persécuté en Turquie pour des motifs prévus par la Convention. Elle a trouvé le témoignage du demandeur non crédible pour les questions tant d’exclusion que d’inclusion. Au sujet de l’exclusion, la Commission a estimé qu’une bonne partie du témoignage était invraisemblable et découlait d’une tentative pour se distancier des atrocités commises par la Gendarmerie. Quant à l’inclusion, elle a constaté que le témoignage ne se tenait pas et était incompatible avec la preuve documentaire objective, qu’il renfermait des invraisemblances non résolues et que le demandeur avait sciemment produit des documents militaires frauduleux.

 

 

 


DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[6]      Voici les dispositions législatives applicables :

L’article 98 de la Loi sur l’immigration et le statut de réfugié, L.C. 2001, ch. 27,  dispose que :

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98.  A person referred to in section E

or F of Article 1 of the

Refugee Convention is not a

Convention Refugee or person in need

of protection.

 

L’alinéa 1Fa) de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés dispose que :

F.  Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

 

F.  The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

 

a) Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.

 

(a) He has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes.

 

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[7]      Les deux questions soulevées dans la présente demande sont les suivantes :

1.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu du bénéfice de la protection des réfugiés par application de l’alinéa 1Fa) de la Convention?

 

 

2.         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas fondé à craindre d’être persécuté en Turquie en raison de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité et à la vraisemblance?

 

Pour obtenir gain de cause en l’espèce, le demandeur doit démontrer que la Commission a commis une erreur relativement à ces deux questions, étant donné que chacune d’elles, séparément, le prive du bénéfice de la protection.

 

 

ANALYSE

 

Première question :    La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu du bénéfice de la protection des réfugiés par application de l’alinéa 1Fa) de la Convention?

 

[8]      Le critère d’exclusion consiste à déterminer s’il peut être démontré l’existence de « raisons sérieuses de penser » que des crimes contre la paix, des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité ont été commis, pour lesquels le demandeur est responsable (Zrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2003), 307 N.R. 201 (C.A.F.)).  Il n’est pas nécessaire de montrer que le demandeur a commis lui-même ces crimes. Il suffit de montrer qu’il a été complice de leur perpétration par une organisation (Sivakumar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 163 N.R. 197 (C.A.F.)).  Le critère de complicité consiste à déterminer s’il y a eu participation personnelle et consciente avec une intention commune partagée par l’organisation, dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

A.        s’il s’agit  d’une organisation aux fins limitées et brutales, l’appartenance à cette organisation rend la personne complice de ses crimes;

                                                                                                                                                                  

B.         s’il s’agit d’une organisation dont la perpétration de crimes est accessoire à la poursuite d’un autre objectif, fondamental, la complicité est déterminée par une analyse des faits, au cas par cas, compte tenu des facteurs suivants adoptés par le juge Hughes dans la décision Bedoya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1092 :

                       

1.         La nature de l’organisation

2.         La méthode de recrutement

3.         Le poste ou le grade au sein de l’organisation

4.         La période de temps passée dans l’organisation

5.         La possibilité de quitter l’organisation

6.         La connaissance des atrocités commises par l’organisation.

 

[9]      Comme l’a déclaré le juge Hughes dans la décision Bedoya, précitée, au paragraphe 7 :

Le point à décider ici n’est pas celui de savoir si le demandeur a personnellement commis un crime en tuant ou blessant lui-même une autre personne, mais plutôt de savoir s’il y avait « des raisons sérieuses de penser » qu’il a « commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité » parce qu’il était « complice » d’un tel crime. La « complicité » trouve son origine dans l’arrêt Ramirez, précité, de la Cour d’appel fédérale, un arrêt où le mot « commis », dans la section Fa) de l’article premier, était rattaché à une personne qui avait « une participation personnelle et consciente » et qui était coupable de « complicité ».

 

 

[10]  La norme de contrôle permettant d’évaluer l’application de l’alinéa 1Fa) à un ensemble de faits donné pour tirer une conclusion de complicité, et donc d’exclusion, est la décision raisonnable simpliciter (Bitaraf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 254 F.T.R. 277 (C.F.), juge Phelan, paragraphe 18).  La norme de contrôle permettant d’évaluer les conclusions de fait de la Commission, y compris les faits touchant les six facteurs de complicité énumérés plus haut, est la décision manifestement déraisonnable (Bitaraf, précité, paragraphe 17).  Comme le demandeur était membre d’une organisation non brutale à qui des crimes contre l’humanité sont reprochés, je vais maintenant aborder la question de savoir si la conclusion de complicité de la Commission peut résister à un examen assez poussé à la lumière du critère de complicité. La Commission  n’a aucune preuve directe attestant que le demandeur a commis des violations des droits de la personne. Il s’agit de déterminer si le demandeur s’est rendu complice de crimes contre l’humanité perpétrés par le commandement de la Gendarmerie, sous les ordres de laquelle il servait.

 

1.         Nature de l’organisation

 

[11]  La Commission examine ce facteur à la page 17 de ses motifs. Elle déclare ceci :

Le tribunal conclut, à partir de la preuve dans son ensemble, que la Gendarmerie était une organisation aux fins limitées et brutales et qu’elle est reconnue pour avoir commis en toute impunité des crimes contre l’humanité.

 

Cette conclusion de fait est manifestement erronée. Les deux parties s’entendent là-dessus.

 

[12]  La Gendarmerie compte environ 213 000 membres. Elle est le service policier de la Turquie à l’extérieur des grands centres urbains. La preuve a démontré que c’est uniquement un sous-groupe de la Gendarmerie qui est responsable de crimes contre l’humanité, tels que la disparition de civils et l’évacuation forcée et la destruction par le feu de villages kurdes. L’application du facteur montre clairement que l’appartenance à la Gendarmerie, en tant qu’organisation, ne rend pas le demandeur complice.

 

2.         Méthode de recrutement

 

[13]  La Commission a conclu à juste titre que le demandeur avait volontairement joint les rangs de la Gendarmerie et qu’il n’avait pas été conscrit. La Gendarmerie constitue néanmoins la police nationale de la Turquie; le fait que le demandeur se soit volontairement enrôlé ne signifie pas qu’il s’est rendu complice de crimes contre l’humanité commis par un sous-groupe de la Gendarmerie.

 

3.         Poste / grade au sein de l’organisation

 

[14]  La Commission a constaté que le demandeur jouait un rôle administratif et n’occupait pas de poste de commandement. Il avait le grade de sergent d’état-major et était responsable de questions administratives et de l’approvisionnement alimentaire. Son grade relativement bas ne justifie pas une conclusion de complicité.

 

4.         Période de temps passée dans l’organisation

 

[15]  La Commission a constaté que le demandeur avait servi dix ans dans la Gendarmerie. Ce facteur est neutre et ne rend pas le demandeur complice.

 

5.         Connaissance des atrocités commises par l’organisation

 

[16]  La Commission a constaté que le demandeur était au courant des atrocités commises par la Gendarmerie. Elle a conclu ce qui suit :

i.                     le demandeur était au courant des violations des droits de la personne commises par la Gendarmerie, y compris des pratiques de détention arbitraire, d’évacuation forcée et d’exécution sommaire;

 

ii.                   les violations des droits de la personne commises par la Gendarmerie étaient largement connues;

 

iii.                  le témoignage du demandeur selon lequel il n’était pas au courant de crimes précis commis contre l’humanité n’était pas crédible.

 

 

La Commission a eu raison de conclure que le demandeur était au courant des crimes contre l’humanité commis par la Gendarmerie. Elle a aussi conclu que le témoignage du demandeur sur sa connaissance des crimes était évasif et vague. De toute évidence, le demandeur essayait de montrer qu’il n’avait pas eu connaissance de ces activités de la Gendarmerie. Ce facteur joue contre le demandeur pour ce qui est de déterminer s’il est complice.

 

 

6.         Possibilité de quitter l’organisation

 

[17]  Le demandeur a expliqué dans son témoignage que, s’il n’avait pas quitté la Gendarmerie aussitôt après avoir pris connaissance des atrocités, c’est que, comme l’indique la Commission à la page 24, il y avait « quinze années de service obligatoire […] [et] qu’une peine de cinq années dans la prison militaire était imposée à ceux qui partaient avant la fin du service obligatoire ». Ce facteur est neutre, lui aussi. Manifestement, le demandeur n’a pas quitté la Gendarmerie parce qu’il ne voulait pas être emprisonné comme déserteur.

 

Conclusion relative à la complicité

 

[18]  La Commission a conclu que le demandeur était complice. Cette conclusion ne résiste pas à un examen plutôt poussé, pour les raisons suivantes :

1.         la Commission a manifestement eu tort de conclure que la Gendarmerie était une organisation aux fins limitées et brutales, ce qui rendrait le demandeur complice par sa seule appartenance;

 

2.         le demandeur s’est porté volontaire pour joindre les rangs de la police nationale turque. Cela ne veut pas dire qu’il est entré volontairement au service d’une organisation qui commettait des crimes contre l’humanité;

 

3.         le demandeur occupait un poste aux échelons inférieurs de la Gendarmerie, de sorte qu’on ne peut pas lui attribuer les atrocités et le rendre complice;

 

4.         le demandeur avait des motifs raisonnables de ne pas quitter la Gendarmerie aussitôt après avoir pris connaissance des atrocités;

 

5.         la Commission a conclu à juste titre que le demandeur avait eu un témoignage évasif et non crédible quant à sa connaissance des crimes contre l’humanité commis par la Gendarmerie. Ces crimes étaient largement connus en Turquie. Mais il est évident aussi que le demandeur n’a pas pris part personnellement à ces crimes contre l’humanité et qu’il n’avait pas un grade assez élevé pour pouvoir être blâmé;

 

  1. le demandeur a expliqué pourquoi il n’avait pas quitté l’organisation plus tôt : c’était par peur d’être emprisonné.

 

La Commission n’a fait état d’aucune preuve selon laquelle le demandeur avait sciemment participé à des crimes graves. Il est difficile de savoir si la Commission a inféré cette participation de la preuve de l’appartenance du demandeur à une organisation qu’elle a estimé à tort viser des fins limitées et brutales. En examinant la décision de la Commission relativement à la norme de la décision raisonnable, la Cour conclut que la Commission n’a pas établi que le demandeur avait participé personnellement et sciemment à des crimes contre l’humanité.

 

[19]  Pour ces motifs, la Cour estime que la Commission a conclu à tort que le demandeur était exclu pour cause de complicité. Je passe maintenant à la deuxième question en litige.

 

Deuxième question : La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur n’était pas fondé à craindre d’être persécuté en raison de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité et à la vraisemblance?

 

[20]  En ce qui concerne la question de l’inclusion, la Commission a, aux pages 4 et 5 de ses motifs, jugé le témoignage du demandeur non crédible à cause d’incohérences, d’invraisemblances, de l’omission de faits importants, de réponses évasives et de la communication intentionnelle de documents militaires frauduleux :

Le tribunal n’a pas trouvé le demandeur crédible comme témoin […] Son témoignage relatif à l’inclusion ne se tenait pas et était incompatible avec la preuve documentaire objective. Il semblait au fait de la loi militaire et d’autres renseignements concrets aisément accessibles, mais le tribunal a estimé que ces éléments n’avaient aucune valeur probante dans le contexte de sa demande d’asile. Sa déposition relative aux principaux aspects de son récit était émaillée de réponses évasives, d’omissions, d’invraisemblances et de contradictions non résolues. En outre, le tribunal est d’avis qu’il a sciemment produit des documents militaires frauduleux et a omis de fournir les documents concernant la période allant de 1998 à 2001, y compris ses antécédents professionnels et les assignations à témoigner que lui avait fait parvenir l’armée avant son départ de la Turquie. Le tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que le témoignage du demandeur n’était ni crédible ni digne de foi. Envisagé globalement, ce témoignage sonne faux.

 

[21]  Aux pages 28 et 29, la Commission expose les raisons de sa conclusion défavorable au sujet de la crédibilité du demandeur :

Le récit du demandeur était émaillé d’incohérences, d’omissions et d’invraisemblances qui n’ont pas été résolues; ses réponses étaient souvent évasives ou tombaient à côté de la question, de sorte que le tribunal a conclu que son témoignage n’était ni crédible ni digne de foi. Par conséquent, le tribunal n’accorde aucun poids au rapport médical ni à son témoignage de vive voix.

 

[…]  Le tribunal estime que le demandeur n’a pas fourni de détails crédibles et dignes de foi quant à ses responsabilités comme s/off lors du transfert du prisonnier au tribunal militaire d’Antalya. De même, le demandeur n’a fourni aucune preuve crédible quant à la manière et au moment où il aurait découvert que le prisonnier s’était échappé, puis qu’on l’avait retrouvé, ni quant aux raisons l’ayant incité à croire qu’il avait été piégé.

 

[...]  Le tribunal ne trouve pas plausible que le demandeur ait été détenu par suite d’une inspection surprise pendant le ramadan, puis qu’il ait été la cible d’un coup monté visant à le destituer à cause de ses soi-disant pratiques religieuses.

 

À la page 31 :

 

En novembre 2000, le demandeur et sa femme se sont rendus en Allemagne, munis de visas de quatorze jours […] On a voulu savoir pourquoi il serait retourné dans le pays [ la Turquie] où il craignait d’être persécuté. Le demandeur a répondu qu’ils n’avaient que brièvement séjourné en Allemagne et qu’ils n’avaient pas d’autre choix que de retourner en Turquie.

 

Aux pages 32 et 33 :

 

Le tribunal ne trouve pas plausible que le JITEM, reconnu pour ses pratiques brutales, notamment des mises à mort extrajudiciaires, ait fait preuve de patience à l’endroit du demandeur si ce dernier possédait des renseignements que le JITEM convoitait ou ne voulait pas voir ébruités. Le tribunal estime que des représentants du JITEM n’ont pas rendu visite au demandeur, contrairement à ses allégations, et en tire une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur, qui a clairement tenté d’induire le tribunal en erreur.

 

[...]

 

Aux yeux du tribunal, la déposition du demandeur au sujet de ce soi-disant mandat, dont il a oublié la teneur et dont l’existence n’est corroborée par aucune preuve, est intéressée et nullement crédible.

 

L’exposé circonstancié du FRP ne fait état ni d’une enquête à propos d’une demande d’asile en Allemagne, ni d’une surveillance exercée par le JITEM, ni d’un mandat de comparution lié à une enquête sur le rôle qu’aurait joué le demandeur relativement à la fuite d’un prisonnier.

 

 

 

[22]  Après avoir examiné ces conclusions sur la crédibilité du demandeur, je conclus que la Commission a invoqué des motifs suffisants et que ses conclusions ne sont pas manifestement déraisonnables. Les réserves qu’elle a formulées font ressortir la réticence ou l’incapacité systémique du demandeur à donner des réponses suffisamment détaillées à des questions que la Commission était en droit de poser.

 

[23]  Pour ces motifs, la Cour ne modifiera pas ces conclusions de fait.

 

QUESTION CERTIFIÉE

 

[24]  Le demandeur a proposé une question certifiée au sujet de l’exclusion. Le défendeur s’est opposé à cette question au motif que la conclusion relative à l’exclusion repose sur les faits. La question proposée était celle-ci :

Une personne peut-elle être jugée complice de crimes contre l’humanité d’après la conclusion qu’elle s’acquittait de tâches administratives dans une organisation qui ne poursuit pas des fins limitées et brutales si aucune conclusion précise ne lie directement le demandeur à un crime précis?

 

 

[25]  J’estime, comme le défendeur, que nous avons affaire à un cas d’espèce. La question implique des facteurs qui ont été clairement tranchés par la jurisprudence. Par conséquent, je suis convaincu que la question ne devrait pas être certifiée.

 

 

CONCLUSION

 

[26]  Pour ces motifs, la Cour conclut que :

1.                  la Commission a commis une erreur en concluant que le demandeur était exclu du bénéfice de la protection accordée par la Convention parce qu’il était membre d’une organisation aux fins limitées et brutales, connue pour avoir commis des crimes contre l’humanité;

2.                  la Commission n’a pas produit suffisamment d’éléments de preuve démontrant que le demandeur s’était rendu complice de crimes graves contre l’humanité;

3.                  la Commission n’a pas commis d’erreur en concluant que le demandeur n’était pas fondé à craindre d’être persécuté en Turquie parce qu’elle a trouvé la preuve du demandeur non crédible.

 


ORDONNANCE

 

 

LA COUR ORDONNE :

 

            Le volet relatif à l’exclusion de la décision de la Commission en date du 14 décembre 2004 est annulé, et la demande de contrôle judiciaire est par ailleurs rejetée.

 

 

 

 

« Michael A. Kelen »

JUGE

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Lucie Boisvenue, trad.a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-102-05

 

INTITULÉ :                                                   IBADULLAH CATAL c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 1ER NOVEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE KELEN

 

DATE DES MOTIFS :                                 LE 9 NOVEMBRE 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Lorne Waldman

(416) 482-6501

 

POUR LE DEMANDEUR

John Loncar

(416) 973-0933

 

                            POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WALDMAN and ASSOCIATES

281, avenue Eglinton Est

Toronto (Ontario)  M4P 1L3

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

                              POUR LE DÉFENDEUR

 

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