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     T-800-97

     OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 29 AOÛT 1997

     DEVANT LE JUGE EN CHEF ADJOINT

E N T R E

     MILES CHARLES BRESSETTE,

     requérant,

     et

     LE CONSEIL DE LA BANDE DE KETTLE AND STONY POINT,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     Une demande d'ordonnance radiant l'affidavit de l'intimé ayant été présentée, les documents qui ont été produits ayant été lus, les avocats de toutes les parties ayant été entendus à Toronto (Ontario) le 23 juin 1997, pour les motifs prononcés en ce jour,

1.      IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ que les paragraphes 9 et 15 soient radiés.

2.      ET IL EST PAR LES PRÉSENTES EN OUTRE ORDONNÉ que le reste de la demande soit rejeté, les dépens devant suivre l'issue de la cause.

                             "James A. Jerome"
                                         J.C.A.

Traduction certifiée conforme              __________________________________

                                 F. Blais, LL.L.

     T-800-97

E N T R E

     MILES CHARLES BRESSETTE,

     requérant,

     et

     LE CONSEIL DE LA BANDE DE KETTLE AND STONY POINT,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     J'ai entendu la présente affaire à Toronto (Ontario), le 23 juin 1997. À la fin des plaidoiries orales, j'ai demandé aux avocats de préparer un projet d'ordonnance en vue de régler les questions sur lesquelles les parties s'étaient entendues; l'ordonnance a été rendue le 30 juin 1997. J'ai réservé mon jugement sur la question de la radiation de l'affidavit de l'intimé et j'ai dit que je ferais connaître mes motifs par écrit.

     Par un avis de requête daté du 17 juin 1997, le requérant sollicitait une ordonnance radiant l'affidavit de M. Allan Bressette, souscrit le 23 mai 1997, ou certains paragraphes de cet affidavit. M. Bressette est membre du conseil de la bande de Kettle and Stony Point et de son comité de la police. À mon avis, les paragraphes 9 et 15 de l'affidavit devraient être radiés.

     Le contenu de l'affidavit est régi par l'article 332 des Règles de la Cour fédérale dont le paragraphe (1) se lit comme suit :

         332. (1) Les affidavits doivent se restreindre aux faits que le témoin est en mesure de prouver par la connaissance qu'il en a, sauf en ce qui concerne les requêtes interlocutoires pour lesquelles peuvent être admises des déclarations fondées sur ce qu'il croit et indiquant pourquoi il le croit.                 

Cette disposition incorpore la règle de common law en matière de ouï-dire, laquelle interdit l'admission de déclarations faites par une personne qui n'est pas citée comme témoin, sauf lorsqu'on présente pareilles déclarations à une fin autre que pour établir leur exactitude. Ces deux principes sont fondés sur ce que la preuve par affidavit doit pouvoir être vérifiée pendant le contre-interrogatoire du déposant. Cela étant, chaque paragraphe contesté sera examiné en vue de permettre de déterminer s'il est approprié.

     Le requérant a soutenu que les paragraphes 6, 7 et 8 devraient être radiés parce qu'ils se rapportent à une vérification du service de police de Kettle and Stony Point que le sergent d'état-major W.J. Prosser, du ministère du Solliciteur général et des services correctionnels de l'Ontario a effectuée à la demande du conseil de la bande. Le requérant a soutenu que le déposant n'a pas personnellement connaissance du rapport. Les paragraphes en question sont ainsi libellés :

         [TRADUCTION]                 
         6.      Le requérant a été suspendu par suite d'une vérification du service de police de Kettle and Stony Point effectuée par le sergent d'état-major W.J. Prosser, de la Direction de la vérification et du contrôle de la qualité, ministère du Solliciteur général et des services correctionnels. Une copie du rapport de vérification est jointe à l'annexe "C" des présentes.                 
         7.      La vérification a été demandée par le conseil de la bande par suite du mauvais moral signalé par les membres du service de police de Kettle and Stony Point.                 
         8.      La vérification a permis de constater ce qui suit :                 
         a) le requérant a dérogé d'une façon importante aux modalités applicables aux rapports de présence à l'égard d'un des agents qu'il était chargé de superviser;                 
         b) les dérogations étaient telles que si elles se produisaient au sein de la PPO, il serait fort possible que des mesures disciplinaires fondées sur le dol soient prises;                 
         c) les dérogations n'auraient pas pu avoir lieu si le requérant n'en avait pas été au courant et s'il ne les avait pas appuyées;                 
         d) les dérogations n'ont pu être constatées qu'à l'égard d'un des agents, et non à l'égard des autres membres du service de police de Kettle and Stony Point;                 
         e) plusieurs comptes rendus incompatibles se rapportant au mode de gestion autocratique et vindicatif du requérant ont été jugés dignes de foi par l'enquêteur;                 
         f) il y avait une mauvaise communication et un manque de confiance entre le requérant et les autres agents;                 
         g) les autres agents ont signalé leurs préoccupations au sujet des méthodes disciplinaires incohérentes et dégradantes employées par le requérant. Dans un cas, un membre a été suspendu sans rémunération pour un jour à la discrétion du requérant. L'enquêteur a conclu que les agents de police ne pouvaient pas être assujettis à pareille mesure, que pareil pouvoir était dangereux et il a conclu que la suspension n'était pas justifiée dans ce cas-là.                 

     Le déposant est au courant de la décision de suspendre le requérant et toute mention de cette décision aux paragraphes 6 et 7 de l'affidavit est appropriée. Le paragraphe 8 pose davantage un problème, parce qu'il s'agit d'un résumé du rapport du sergent d'état-major Prosser et que le déposant ne sait pas dans quelles conditions le rapport a été fait. Toutefois, je retiens l'argument de l'avocat de l'intimé, qui a déclaré que la vérification n'avait pas été présentée pour montrer l'exactitude de son contenu, mais plutôt pour faire connaître la décision du conseil de la bande de suspendre le requérant en attendant la tenue d'une enquête additionnelle. Par conséquent, cette requête est rejetée en ce qui concerne les paragraphes 6, 7 et 8.

     L'avocat du requérant a soutenu que le paragraphe 9 devrait être radié parce qu'il exprime une conclusion juridique. Le paragraphe 9 dit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         9.      J'ai tous les motifs de croire que le conseil de la bande, à titre d'employeur des services de police des Premières nations, était tenu d'agir lorsqu'il a reçu les résultats de la vérification.                 

L'avocat a cité la décision rendue par Monsieur le juge Muldoon dans l'affaire Bell Canada c. Canada (Commission des droits de la personne), [1991] 1 C. 356 à la page 359 :

         [...] cette déposante ou tout autre déposant doit s'abstenir de donner des commentaires ou des explications pour ce qui est de l'interprétation de la loi. L'avocat des intimées peut le faire dans ses observations soumises à la Cour ou dans ses discussions avec celle-ci, qui est l'interprète suprême compétent du droit. La tentative de contre-interroger un déposant sur cette question finirait par être un examen inapproprié de l'opinion du déposant [...] sur l'interprétation de la loi.                 

Je souscris à l'argument de l'avocat et j'ordonne donc que le paragraphe 9 soit radié de l'affidavit.

     L'avocat du requérant a soutenu que le paragraphe 11 devrait être radié parce qu'une opinion au sujet du caractère juridique de la décision contestée y est exprimée :

         [TRADUCTION]                 
         11.      La décision concernant la suspension du requérant avec rémunération était une décision administrative qui était uniquement fondée sur le résultat de la vérification préliminaire effectuée par le sergent d'état-major Prosser. Elle était destinée à permettre la tenue d'une enquête complète et équitable sans pénaliser l'agent Bressette.                 

Toutefois, l'argument de l'intimé selon lequel par "décision administrative", on n'entend pas une décision fondée sur le droit administratif, mais plutôt une décision prise par le comité chargé de l'administration des services de police, me convainc. Partant, le paragraphe en question renferme des renseignements dont le déposant a personnellement connaissance. La requête en vue de la radiation du paragraphe 11 est donc rejetée.

     Le requérant s'est également opposé au paragraphe 14 pour le motif que la première phrase exprime une conclusion de nature juridique. Ce paragraphe dit ceci :

         [TRADUCTION]                 
         14.      J'ai tous les motifs de croire que la tentative que le requérant a faite pour faire examiner la décision du conseil de la bande est prématurée. Aucune décision n'a été prise au sujet de la question de savoir si des mesures disciplinaires doivent être prises contre le requérant. Une décision ne pourra être rendue qu'une fois connu le résultat de l'enquête approfondie et après que le requérant aura eu la possibilité de répondre.                 

Je suis d'accord pour dire que la première phrase pose des problèmes, mais je suis convaincu que dans le reste du paragraphe, on présente des éléments de preuve dont le déposant a connaissance en sa qualité de membre du conseil de la bande et du comité de la police, et qu'il ne servirait à rien de radier ladite phrase. La requête en vue de la radiation du paragraphe 14 est donc rejetée.

     L'avocat du requérant a soutenu que le paragraphe 15 n'était pas approprié parce que le déposant exprime une opinion au sujet des droits du requérant, en common law. L'intimé a rétorqué que l'opinion exprimée est celle du conseil de la bande, dont le déposant est membre. Ce paragraphe se lit comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         15.      Le requérant n'a pas le droit en ce moment à une audience tant que le résultat de l'autre enquête ne sera pas connu.                 

À mon avis, le paragraphe 15 est semblable au paragraphe 9 quant à sa nature et doit également être radié.

     Les paragraphes 21 et 22 se lisent comme suit :

         [TRADUCTION]                 
         21.      Le sergent d'état-major Wayne Prosser a été informé que les résultats de la vérification préliminaire justifient la prise de mesures disciplinaires en vertu de la Loi sur les services policiers à l'égard de tout agent hors réserve.                 
         22.      Le conseil a fait tout son possible pour se montrer équitable et pour ne pas agir prématurément. Au lieu de simplement se fonder sur la vérification initiale, qui semble à première vue justifier la prise de mesures disciplinaires, le conseil de la bande a demandé à la PPO de l'aider à effectuer un autre examen.                 

     Comme je l'ai fait savoir aux avocats lors d'une conférence téléphonique qui a eu lieu il y a quelques jours, je pourrais justifier une conclusion selon laquelle la mention de mesures disciplinaires constitue du ouï-dire. En même temps, je permettrais habituellement qu'une modification soit effectuée. En l'espèce, je tiens à ce que l'audience ait lieu à la date prévue, soit pendant la semaine du 23 septembre 1998, à London, et puisque je présiderai l'audience et qu'il semble essentiel, selon toute probabilité, de faire dans une certaine mesure mention de la vérification, j'ai décidé de laisser les paragraphes 21 et 22 tels quels.

     Enfin, le litige porte également sur le fait qu'il est mentionné que l'examen découle d'un "tuyau" donné dans le cadre du programme Échec au crime. Si cela avait pour effet de prouver l'exactitude des allégations qui ont été faites dans le cadre du programme Échec au crime, je radierais cette mention. À mon avis, cette mention peut demeurer dans l'affidavit parce qu'elle tend uniquement à prouver qu'un "tuyau" a été donné par opposition à son exactitude.

     Pour ces motifs, les paragraphes 9 et 15 sont radiés; la demande est par ailleurs rejetée, les dépens devant suivre l'issue de la cause.

O T T A W A

Le 29 août 1997                      "James A. Jerome"
                                     J.C.A.
Traduction certifiée conforme              __________________________________
                                     F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-800-97
INTITULÉ :                  Miles Charles Bressette

                     et

                     le conseil de la bande de Kettle and Stoney Point
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 18 août 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT EN DATE DU 29 AOÛT 1997

ONT COMPARU :

Timothy Morin                      POUR LE REQUÉRANT
Andrew F. Camman                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Lipson, Frauts                      POUR LE REQUÉRANT

London (Ontario)

Cohen Highley Vogel & Dawson              POUR L'INTIMÉ

London (Ontario)

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