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Date : 20040809

Dossier : IMM-5795-03

Référence : 2004 CF 1092

Ottawa (Ontario), le 9 août 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

                                                               VOJSAVA CELA

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue par l'agente des visas Halina Roznawski (l'agente) par laquelle elle a refusé la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse parce qu'elle n'était pas convaincue que la demanderesse répondait aux exigences requises aux fins de l'immigration au Canada, lesquelles sont prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) et le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

[2]                Vojsava Cela (la demanderesse) est une citoyenne de l'Albanie. La demanderesse s'est vu refuser le statut de réfugié dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC) et sa demande de résidence permanente fondée sur des raisons d'ordre humanitaire a également été refusée.

[3]                Le 27 mars 2001, la demanderesse a présenté une demande de visa de résidence permanente en tant que membre de la catégorie fédérale de travailleurs qualifiés en vertu du paragraphe 75(2) du Règlement. Dans sa demande, elle a expliqué qu'elle désirait être appréciée à titre de comptable (CNP 1111), d'économiste (CNP 4162), de teneuse de livres (CNP 1231) et de concierge d'immeubles (CNP 6663).

[4]                Le 23 mai 2003, la demanderesse s'est vu refuser le visa d'immigrant parce que l'agente a conclu qu'elle n'avait pas obtenu un nombre suffisant de points pour être admissible aux termes de la Loi et du Règlement.

[5]                L'agente a accordé à la demanderesse un total de 63 points sur 100 et a conclu que, aux termes de l'article 76 du Règlement, la demanderesse n'avait pas obtenu les 70 points exigés pour l'obtention d'un visa de résident permanent en tant que membre de la catégorie fédérale de travailleurs qualifiés.


L'ANALYSE

            Les études

[6]                La demanderesse prétend que l'agente lui a accordé un nombre de points erronés au chapitre des études. Plus précisément, la demanderesse prétend que ses études équivalent à une maîtrise et selon l'alinéa 78(2)f) du Règlement, elle aurait dû se voir accorder 25 points plutôt que 20. Subsidiairement, la demanderesse prétend que selon l'alinéa 78(2)e) du Règlement, elle aurait dû se voir accorder 22 points pour ses études parce qu'elle avait obtenu un diplôme post-secondaire nécessitant trois années d'études.

[7]                L'agente a accordé 20 points à la demanderesse au chapitre des études après avoir évalué ses antécédents scolaires au regard du sous-alinéa 78(2)d)(i) du Règlement. Dans son affidavit, l'agente souligne que la demanderesse a fourni trois versions différentes de niveau de scolarité et la version qui a été appréciée est celle qui a été présentée lors de l'entrevue; notamment, qu'elle avait obtenu un diplôme d'études secondaires en 1977 et avait obtenu son baccalauréat en 1984 grâce à un cours par correspondance à temps partiel alors qu'elle travaillait à temps plein. Dans ses notes du STIDI, l'agente mentionne ce qui suit :

[traduction]

Études : obtenu diplôme d'études secondaires en 1977 puis est entrée sur le marché du travail. 1980 à 1984. Diplôme obtenu par correspondance alors qu'elle travaillait. Curriculum : a étudié la comptabilité, la planification et l'organisation et tout ce qui concerne les chiffriers, les états financiers, tout. Je crois que cela mérite au plus 20 points pour l'instruction et cela est généreux étant donné qu'il s'agit d'études à temps partiel.


[8]                L'agente a reconnu que la demanderesse avait suivi un cours d'éducation aux adultes en comptabilité alors qu'elle vivait au Canada. Toutefois, compte tenu que la demanderesse n'a pas démontré que le cours était l'un de ceux dont la description figure au paragraphe 78(2) des Règles, l'agente n'a pas conclu que le cours de comptabilité justifiait l'accord de points supplémentaires.

[9]                Je ne conclus pas que l'agente a commis une erreur dans son appréciation des études de la demanderesse. La demanderesse a présenté des relevés de notes provenant du Yorkdale Adult Learning Centre attestant qu'elle avait suivi des cours de comptabilité. Toutefois, aucun de ces documents n'indique que la demanderesse avait reçu un titre de compétences pour ses études. Par conséquent, je conclus que l'agente a évalué d'une manière raisonnable les éléments de preuve qui ont été présentés et a accordé à la demanderesse un nombre de points suffisant pour ses études.

            La langue


[10]            La demanderesse prétend qu'elle ne s'est pas vu accorder un nombre de points suffisants pour sa connaissance de l'anglais parce que l'agente n'a pas tenu compte du fait qu'elle était capable de tenir une conversation sans l'aide d'un interprète. La demanderesse reconnaît que l'agente s'est conformée au règlement mais prétend que l'agente n'aurait pas dû accepter l'évaluation mentionnée dans l'appréciation du YMCA. Je ne suis pas d'accord. L'article 79 du Règlement prévoit clairement que pour prouver sa connaissance de la langue la demanderesse a le choix entre fournir une évaluation de la connaissance de la langue provenant d'une institution désignée ou fournir une autre preuve écrite de sa compétence dans la langue. La demanderesse a choisi de fournir une évaluation écrite émanant du Centre d'évaluation linguistique du YMCA.

[11]            Contrairement à ce que prétend la demanderesse, l'agente n'avait pas le pouvoir discrétionnaire de modifier les conclusions représentées dans l'évaluation fournie par la demanderesse.

[12]            Par conséquent, je conclus que l'évaluation qu'a faite l'agente des connaissances en anglais de la demanderesse en se fondant sur l'évaluation du Centre d'évaluation linguistique du YMCA était bien fondée et raisonnable.

            L'appréciation substituée de l'agente


[13]            La demanderesse prétend que l'agente a commis une erreur de droit en omettant d'examiner la possibilité d'exercer de manière favorable son pouvoir discrétionnaire malgré qu'elle soit tenue de le faire. Selon la demanderesse, la preuve démontre clairement et de façon convaincante qu'elle réussira son établissement au Canada. Le paragraphe 76(3) du Règlement prévoit ce qui suit :


76(3) Si le nombre de points obtenu par un travailleur qualifié - que celui-ci obtienne ou non le nombre minimum de points visé au paragraphe (2) - ne reflète pas l'aptitude de ce travailleur qualifié à réussir son établissement économique au Canada, l'agent peut substituer son appréciation aux critères prévus au paragraphe (1).

76(3) Whether or not the skilled worker has been awarded the minimum number of required points, an officer may substitute for the criteria set out in subsection (1) their evaluation of the likelihood of the ability of the skilled worker to become economically established in Canada if the number of points awarded is not a sufficient indicator of whether the skilled worker may become economically established in Canada.


[14]            L'agente a mentionné dans ses motifs qu'elle était d'avis que les points obtenus reflétaient exactement de la capacité de la demanderesse à réussir son établissement au Canada. L'agente s'est penchée sur la possibilité qu'elle substitue son appréciation et a donné à la demanderesse la possibilité de fournir des motifs justifiant pourquoi elle et sa famille devraient faire l'objet d'un examen mais elle n'a pas été en mesure de le faire d'une manière satisfaisante. Les notes du STIDI comprennent le passage suivant :

[traduction]

J'informe qu'elle a obtenu 63 points. Besoin de 70. Longue discussion au cours de laquelle elle m'a imploré. Je leur explique que j'ai déjà fait preuve de générosité en lui accordant l'ensemble des points pour la personne apparentée et pour les études universitaires à temps partiel. Je leur explique qu'ils auraient besoin d'une autorisation de revenir et un visa de résident temporaire. Je leur explique que leurs permis de travail ne sont plus valides. Ils sont contrariés. Ils m'implorent à nouveau. J'ai dû leur demander à plusieurs reprises de quitter car l'entrevue est terminée et que je crois que les points reflètent exactement leur aptitude à réussir leur établissement au Canada. À part de m'implorer de penser à leurs enfants, ils n'ont fourni aucun autre motif justifiant une substitution d'évaluation.

[15]            Je ne suis pas d'accord avec les prétentions de la demanderesse que l'agente a tenu compte de facteurs non pertinents en évaluant si elle réussirait son établissement au Canada. Une lecture de l'affidavit de l'agente ainsi que de la transcription du contre-interrogatoire de l'agente révèle qu'elle avait des réserves quant à la provenance des fonds de la demanderesse étant donné que la demanderesse et son époux avait réussi à épargner une somme de 32 000 $ en un court laps de temps alors qu'ils avaient déclaré des revenus annuels de 9 859 $ dans leur déclaration de revenu. L'agente a conclu que ces réserves portaient atteinte à la crédibilité de la demanderesse. Malgré la prétention contraire de la demanderesse, je conclus qu'une enquête sur la provenance des fonds est un élément pertinent car la crédibilité est toujours un facteur pertinent lorsque l'on apprécie la capacité du demandeur à réussir son installation au Canada sur le plan économique.

            L'équité procédurale et la justice naturelle

[16]            La demanderesse prétend que l'agente a omis de respecter un principe de justice naturelle et d'équité procédurale parce qu'elle n'a pas eu la possibilité de répondre aux réserves exprimées par l'agente quant à ses études et quant à ses compétences linguistiques en anglais avant qu'une décision ne soit prise. Encore une fois, je ne souscris pas à cette prétention. Dans la décision Parmar c. Canada (M.C.I.), (1997) 139 F.T.R. 203, à la page 213, le juge MacKay a fait la remarque suivante :


¶ 36          [...] L'équité procédurale n'oblige pas un agent des visas, qui apprécie la preuve produite par le requérant, « [...] à donner au requérant un " résultat intermédiaire " ou un avant-dernier commentaire au sujet de son " évaluation " » . J'ajouterais à cette opinion le point de vue [...] selon lequel l'agent n'est pas tenu de donner avis de ses préoccupations lorsqu'elles sont directement liées à la Loi et aux Règlements que l'agent est tenu de suivre scrupuleusement dans son évaluation du requérant.

[17]            Comme l'agente a fondé son évaluation de la connaissance de l'anglais et des études de la demanderesse sur la preuve qui lui a été soumise par la demanderesse, je conclus que l'omission de la part de l'agente d'informer la demanderesse de ses réserves ne constitue pas un manquement à l'équité procédurale ou à la justice naturelle.

[18]            Pour ces motifs, je conclus que l'agente n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a refusé la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                 « Danièle Tremblay-Lamer »          

                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                     IMM-5795-03

INTITULÉ :                                    VOJSAVA CELA c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :             TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :            LE 4 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                   LA JUGE DANIÈLE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :                  LE 9 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Inna Kogan                                       POUR LA DEMANDERESSE

Pamela Larmondin                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Inna Kogan                                       POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

120, avenue Eglinton Est

Bureau 1000

Toronto (Ontario)

M4P 1E2

Morris Rosenberg                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


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