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Date : 20200228


Dossier : IMM‑2529‑19

Référence : 2020 CF 318

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 février 2020

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

QIAOYUN ZHU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Le contexte

[1]  La demanderesse, Qiaoyun Zhu, est citoyenne de la Chine. Depuis 2013, Mme Zhu effectue des voyages annuels à Hong Kong. Lors de ses voyages en 2015 et en 2016, elle a fait l’acquisition de livres de l’auteure controversée Liu Xiaobo, qu’elle a passés en contrebande en Chine et vendus à une amie. Elle savait que les livres de Liu Xiaobo étaient interdits, mais ignorait les graves conséquences de leur introduction en contrebande en Chine; elle voulait simplement faire de l’argent à son retour de voyage.

[2]  Lors d’un long voyage que la demanderesse a effectué au Canada en 2017 pour rendre visite à des membres de sa famille et à des amis, sa mère lui aurait téléphoné pour l’informer que des agents du service de sécurité nationale de la Chine (aussi connu sous le nom de Bureau de la sécurité publique ou BSP) s’étaient rendus à la maison où elles cohabitaient à plusieurs reprises. Ils recherchaient Mme Zhu parce qu’elle vendait des livres interdits. Mme Zhu a présenté sa demande d’asile peu après l’appel téléphonique allégué de sa mère. Je relève que plusieurs jours avant l’appel téléphonique de sa mère, Mme Zhu avait retenu l’attention de la section d’exécution de la loi dans les bureaux intérieurs de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) du fait qu’elle aurait prétendument travaillé (pour une entreprise d’escorte de Vancouver), contrairement à ce que prévoit son statut de résident temporaire (de visiteur). L’ASFC a recommandé que Mme Zhu soit autorisée à quitter volontairement le Canada à une date légèrement ultérieure à celle à laquelle sa mère lui avait téléphoné, correspondant à la date inscrite sur un billet d’avion dont elle avait fait l’acquisition.

[3]  La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que sa demande d’asile, que ce soit sous le régime de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), ne présentait pas un minimum de fondement et, le 25 mars 2019, a refusé sa demande au titre du paragraphe 107(2) de la LIPR. La demanderesse a présenté la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR au titre du paragraphe 72(1) de la LIPR.

[4]  Pour les motifs exposés ci‑dessous, je rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

II.  La décision contestée

[5]  Je souligne que la décision de la SPR a été rendue à la suite de trois audiences tenues entre le 22 juin 2018 et le 19 février 2019; la plupart des questions préoccupantes pour la SPR ont été soulevées au cours de l’audience du 8 novembre 2018. De plus, à l’issue de l’audience du 19 février 2019, la SPR a accordé aux parties la possibilité de présenter des observations écrites avant que la décision finale ne soit rendue le 25 mars 2019. Le ministre a déposé des observations supplémentaires le 28 février 2019, tandis que la demanderesse a déposé des observations supplémentaires le 19 mars 2019.

[6]  La crédibilité de Mme Zhu était la question déterminante devant la SPR. La SPR a relevé des fausses déclarations et des incohérences concernant des renseignements personnels dans les demandes de visa canadien et américain de Mme Zhu (toutes deux déposées en 2015), dans sa demande de résidence permanente au Canada présentée au titre de la catégorie du parrainage des époux ou conjoints de fait (déposée en 2018) et dans sa demande d’asile actuelle. Ces fausses déclarations et incohérences étaient graves et ne pouvaient être écartées comme étant des erreurs d’écriture commises par des tiers, car la demanderesse était responsable du contenu des demandes. La SPR a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité de Mme Zhu. La SPR a également conclu que Mme Zhu « ne semblait s’inquiéter non plus de la gravité de ces divergences », qui s’apparentait à son ignorance et son absence d’inquiétude relativement à la gravité de sa prétendue contrebande alléguée de livres. La SPR a de plus souligné que, au moment où Mme Zhu a fait sa demande, elle n’était pas recherchée par les autorités chinoises [et qu’elle n’était donc pas en situation de contrainte ou de stress pour ce motif]. Elle a, plus particulièrement, déclaré dans sa demande de résidence permanente qu’elle n’avait pas d’antécédents criminels en Chine et fourni un certificat notarié censé corroborer cette allégation. La SPR a estimé déraisonnable de croire qu’elle serait en mesure de produire ce document si les autorités chinoises la recherchaient pour cause d’activités criminelles.

[7]  De plus, la SPR n’a pas cru les déclarations de Mme Zhu selon lesquelles les autorités chinoises la recherchaient en raison de sa contrebande alléguée de livres (qu’elle allègue n’avoir jamais considéré comme étant illégale ou potentiellement dangereuse), et n’a trouvé aucun élément de preuve selon lequel les autorités chinoises s’intéressaient à elle. La SPR a souligné que Mme Zhu n’a fourni pratiquement aucun document corroborant, comme une lettre de sa mère, un mandat ou une sommation, des reçus de ses acquisitions de livres ou des lettres ou des affidavits de toute autre personne, dont son époux canadien (qu’elle a rencontré et épousé lors de son voyage au Canada en 2017, et qui était disponible lors de l’une des entrevues, mais qui n’a pas témoigné), même si elle a disposé de plusieurs mois pour ce faire entre le 8 novembre 2018 et le 19 février 2019, dates auxquelles l’audience a eu lieu devant la SPR en l’espèce. Mme Zhu n’a pas non plus fourni d’explication raisonnable pour expliquer l’absence de documents corroborants, même si elle avait déjà obtenu, avec l’aide de sa mère, un certificat notarié ou un certificat de police pour sa demande de résidence permanente. La SPR a donc tiré une conclusion défavorable du fait que la demanderesse n’avait fourni aucun élément de preuve fiable pour corroborer son allégation selon laquelle elle est exposée au risque en Chine, même si la SPR lui a présenté plusieurs occasions de le faire.

[8]  En résumé, compte tenu des préoccupations quant à la crédibilité qui précèdent et de l’absence d’éléments de preuve corroborants, la SPR a rejeté la demande d’asile de Mme Zhu au titre de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la LIPR, et a conclu qu’elle n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger. Étant donné que le témoignage de Mme Zhu « était dans son ensemble, selon la prépondérance des probabilités, ni digne de foi ni crédible », la SPR a également conclu à l’absence de minimum de fondement de sa demande aux termes du paragraphe 107(2) de la LIPR.

III.  Les questions en litige

[9]  La seule question en litige consiste à savoir l’appréciation de la crédibilité de la SPR effectuée par la SPR, et par conséquent sa conclusion quant à « l’absence de minimum de fondement », était déraisonnable.

IV.  Les dispositions pertinentes

[10]  Les dispositions pertinentes sont reproduites à l’annexe A.

V.  L’analyse

[11]  La présente affaire a été instruite la veille de l’adoption par la Cour suprême du Canada (CSC) d’une nouvelle approche pour déterminer la norme de contrôle applicable dans le contexte de l’examen judiciaire des décisions administratives sur le fond. L’analyse a comme point de départ la présomption réfutable selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique dans tous les cas : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], aux para 10 et 11. Je suis d’avis qu’aucune des situations où la présomption d’application de la norme du caractère raisonnable est réfutée (situations résumées dans l’arrêt Vavilov, précité, aux para 17 et 69) ne se retrouve dans la présente instance. Par conséquent, « [l]orsqu’elle effectue un contrôle selon la norme de la décision raisonnable, la cour de révision doit tenir compte du résultat de la décision administrative eu égard au raisonnement sous‑jacent à celle‑ci afin de s’assurer que la décision dans son ensemble est transparente, intelligible et justifiée » : Vavilov, précité, au para 15. La CSC a décrit une décision raisonnable commandant la déférence comme étant « fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et […] justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, précité, au para 85. La CSC a conclu qu’« il ne suffit pas que la décision soit justifiable […] [,] […] le décideur doit également […] justifier sa décision […] » : Vavilov, précité, au para 86 [italiques dans l’original]. Somme toute, la décision doit posséder les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle‑ci : Vavilov, précité, au para 99. Il incombe à la partie qui conteste la décision d’en démontrer le caractère déraisonnable : Vavilov, précité, au para 100. Les deux parties se sont prononcées en faveur de l’applicabilité de la norme du caractère raisonnable, quoique fondée sur la jurisprudence antérieure; étant donné que la nouvelle approche n’a pas d’incidence sur l’issue de la présente instance, j’ai jugé inutile de demander aux parties de présenter des observations, comme l’enseigne Vavilov, précité, au para 144.

[12]  Je remarque que les deux parties conviennent que l’on ne peut conclure à « l’absence d’un minimum de fondement » aux termes du paragraphe 107(2) de la LIPR qu’en l’absence d’éléments de preuve crédibles ou dignes de foi sur lesquels fonder une décision favorable d’accorder l’asile : Rahaman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 89, aux para 16 à 18, 29 et 51; Ramón Levario c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 314, au para 19. Cela reflète les conséquences importantes d’une telle conclusion qui interdit un appel devant la Section d’appel des réfugiés.

[13]  On m’a soumis des éléments de preuve objectifs qui donnent à penser que les personnes qui introduisent, par la contrebande, des livres illégaux en Chine, surtout ceux de Liu Xiaobo, sont recherchées par le BSP; toutefois, à mon avis, on ne m’a présenté aucun élément de preuve objectif démontrant que Mme Zhu avait fait l’acquisition de ces livres, les ait passés en contrebande ou en ait fait le transport et effectué la revente, comme on l’allègue. En particulier, elle n’a présenté aucun reçu pour les 80 livres et plus dont elle aurait fait l’acquisition au cours de plusieurs voyages à Hong Kong. Seul son témoignage faisait directement un lien avec le préjudice qu’elle pourrait subir ou le risque auquel elle pourrait être exposée; en outre, elle a nié s’être livrée à de la contrebande (les livres qu’elle a introduits en Chine se trouvaient dans ses bagages, à l’intérieur d’une boîte) ou être au courant des graves conséquences de ses actes, jusqu’à ce qu’elle fasse une recherche sur Internet au sujet de ces livres après que sa mère lui eut téléphoné.

[14]  De plus, Mme Zhu affirme qu’elle a été en mesure d’obtenir un certificat de police chinois aux fins du parrainage par son épouse, parce que les autorités ne faisaient que la rechercher; elle a déclaré que les agents du BSP ne se sont présentés (que trois fois) et n’ont téléphoné (qu’une fois) chez elle, sans toutefois lui laisser de sommation ni de mandat. Par conséquent, elle soutient qu’il est hypothétique de présumer que les soupçons du BSP à son égard étaient élevés au point où (i) elle serait signalée dans leurs systèmes et (ii) une vérification de routine du casier judiciaire confirmerait leurs préoccupations alléguées. Elle fait remarquer que la Cour a statué que les conclusions défavorables tirées quant à la vraisemblance ne sont permises que dans les cas les plus évidents, où aucune autre inférence ne pouvait raisonnablement être tirée : Valtchev c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, au para 7. Les conclusions tirées quant à la vraisemblance devraient donc être fondées sur « des éléments de preuve fiables et vérifiables » afin d’éviter les conjectures non fondées : Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155, au para 11, citant Gjelaj c Canada (Citoyenneté et Immigration)2010 CF 37, au para 4.

[15]  Je remarque que, dans ses observations écrites déposées le 19 mars 2019 à la SPR, la demanderesse s’est appuyée sur un article périmé [du 6 juillet 2012] apparaissant dans le cartable national de documentation, ou CND, sur la Chine concernant les renseignements à consigner dans [traduction] « un système unifié de casiers judiciaires » (également connu sous le nom de projet Bouclier d’or), notamment les renseignements de base sur les criminels, les détails concernant les verdicts, les crimes, les peines et les mesures d’exécution de la peine. Le dossier ne nous permet pas d’affirmer que le Bouclier d’or incluait dès le départ les enquêtes sur les criminels soupçonnés et les personnes accusées d’infractions criminelles, mais n’ayant pas été déclarées coupables, ou aurait été élargi vers 2017 pour inclure ce type d’enquête. Par conséquent, je conviens que la SPR a agi de façon déraisonnable en concluant qu’on n’aurait pas délivré un certificat notarié ou un certificat de police à Mme Zhu si ses allégations selon lesquelles le BSP s’intéressait à elle étaient crédibles; ce faisant, la SPR a fondé sa conclusion sur des conjectures non fondées.

[16]  Cela dit, à mon avis, cette conclusion tirée quant à la vraisemblance ne constitue pas une erreur déterminante. Cette conclusion n’était que l’un des nombreux facteurs pris en compte par la SPR dans le contexte de la question de savoir si les autorités chinoises recherchaient Mme Zhu, comme cette dernière l’alléguait. Aucun élément de preuve crédible objectif n’appuyait le fait que les autorités chinoises avaient quelque intérêt à lui causer du tort : Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689 [Ward]; Yan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 146, aux para 20 à 22. Comme il a été énoncé dans l’arrêt Ward, c’est au demandeur, et non au ministre, qu’incombe le fardeau de démontrer qu’il craint d’être persécuté (et ce, dans tous les pays dont il est ressortissant).

[17]  Je remarque que la SPR a tiré des conclusions défavorables cumulatives quant à la crédibilité en s’appuyant sur les diverses omissions et contradictions de Mme Zhu dans ses demandes et son témoignage, ainsi que sur son incapacité de fournir des éléments de preuve corroborants. Mme Zhu fait valoir que la SPR a, de façon déraisonnable, tiré de graves conclusions défavorables quant à la crédibilité en s’appuyant sur des omissions et des erreurs liées à des questions accessoires dans ses formulaires de demande de visa et de parrainage. Par exemple, le nom et la date de naissance de sa sœur (à une occasion, Mme Zhu a inscrit sa propre date de naissance au lieu de celle de sa sœur) étaient sans conséquence sur le fondement de sa demande et pouvaient être attribués à des erreurs humaines ou de traduction. Dans ses observations écrites du 19 mars 2019, elle a réglé la question en joignant une photocopie du passeport de sa sœur. Toutefois, les incohérences et les omissions, notamment celles concernant la « composition de la famille » de Mme Zhu, préoccupaient davantage la SPR; par exemple, sa demande de visa de résident temporaire en 2015 ne faisait état que d’un frère, alors que le formulaire Fondement de la demande d’asile (le formulaire FDA) faisait état d’un frère et d’une sœur.

[18]  Lorsqu’elle a été interrogée à l’audience au sujet des erreurs dans ses divers formulaires de demande, Mme Zhu a affirmé que les renseignements étaient exacts. Cependant, lorsqu’on l’a plus tard confrontée aux divergences, elle les a attribuées à l’absence de diligence d’un tiers. La SPR a rejeté, à juste titre selon moi, l’explication quant au tiers, soulignant que Mme Zhu était en dernier ressort responsable de la confirmation des renseignements figurant dans ses formulaires et que ces formulaires avaient été remplis à une époque où elle n’était pas soumise à la contrainte. Compte tenu de ces incohérences, la SPR a exigé que Mme Zhu présente des éléments de preuve corroborants pour faire avancer sa demande d’asile. Elle n’a pas produit une telle preuve et n’a pas non plus expliqué pourquoi elle a été incapable de le faire. En ce qui concerne son incapacité à fournir une lettre de sa mère, notamment, Mme Zhu soutient que, non seulement a‑t‑elle déclaré que la santé de sa mère était défaillante, mais également que les gens ne communiquent plus de cette façon; ils le font plutôt par téléphone. Aucune autre question ne lui a été posée après ces réponses. Mme Zhu ajoute qu’on ne lui a pas demandé directement pourquoi son époux n’a pas témoigné, bien qu’elle ait déclaré qu’il se trouvait dans l’immeuble. Ces préoccupations ont été soulevées par la SPR le 8 novembre 2018, soit trois mois avant la conclusion de l’audience le 19 février 2019, date à laquelle auraient pu être présentés les éléments de preuve corroborants, notamment une lettre de sa mère au sujet des visites par les agents du BSP et de l’aide que sa mère lui avait apportée pour l’obtention du certificat notarié ou du certificat de police.

[19]  Je conviens que, règle générale, les incohérences qui n’ont en soi rien à voir avec les aspects essentiels de la demande d’asile ne peuvent pas être déterminantes; sinon, toute incohérence pourrait dégager la SPR de son obligation légale d’évaluer le fondement d’une demande d’asile : décision Attakora c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] ACF no 444, au para 9. Toutefois, lorsque les incohérences sont omniprésentes au point de miner la capacité de la SPR de s’appuyer sur l’exactitude des formulaires ou des témoignages dans leur ensemble, il est raisonnable pour la SPR de s’attendre à ce qu’on lui fournisse des éléments de preuve corroborants lui permettant de conclure que la demande d’asile est fondée : Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924, au para 25, citant Ndjavera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 452, aux para 6 et 7, et Ismaili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 84, aux para 33 à 35. À mon avis, dans l’ensemble, le cumul des incohérences dans le témoignage de Mme Zhu (concernant la composition de sa famille, notamment son état matrimonial antérieur, ses déplacements à destination et en provenance de la Chine, ainsi que l’acquisition, la contrebande ou le transport et la revente présumés de livres interdits) suffisaient pour appuyer une conclusion de manque général de crédibilité : Zhai c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 452, au para 17; Qasem c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1182, au para 48.

[20]  Comme le souligne la SPR, Mme Zhu n’a présenté aucun élément de preuve supplémentaire. Étant donné qu’elle n’en a présenté aucun au cours des trois audiences ni dans ses observations écrites subséquentes (si ce n’est que pour clarifier l’identité et la date de naissance de sa sœur), la SPR était justifiée, au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles elle est assujettie, de rejeter la demande d’asile et conclure à l’absence de minimum de fondement de la demande. À mon avis, la décision est intrinsèquement cohérente et rationnelle. Je conclus que la demanderesse ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’elle était fondée à craindre d’être persécutée et que la décision de la SPR était déraisonnable.

VI.  Conclusion

[21]  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier n° IMM‑2529‑19

LA COUR DÉCLARE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’il n’y a aucune question à certifier.

« Janet M. Fuhrer »

Juge


Annexe A : Les dispositions pertinentes

  1. La partie 2 de la LIPR est l’assise du régime canadien de protection des réfugiés. Le Canada accorde l’asile aux personnes qui ont qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger : LIPR, aux articles 95 à 97.

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (L.C. 2001, ch. 27)

Immigration and Refugee Protection Act (S.C. 2001, c. 27)

95 (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

95 (1) Refugee protection is conferred on a person when

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

(c) except in the case of a person described in subsection 112(3), the Minister allows an application for protection.

(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

 

(2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles‑ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

  1. En première instance, la SPR est le décideur autorisé en ce qui concerne les demandes d’asile : LIPR, au paragraphe 107(1).

107 (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

107 (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

  1. Les demandeurs dont les demandes d’asile ne présentent pas un minimum de fondement n’ont plus accès à la Section d’appel des réfugiés : LIPR, au paragraphe 107(2).

107 (2) Si elle estime, en cas de rejet, qu’il n’a été présenté aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel elle aurait pu fonder une décision favorable, la section doit faire état dans sa décision de l’absence de minimum de fondement de la demande.

107 (2) If the Refugee Protection Division is of the opinion, in rejecting a claim, that there was no credible or trustworthy evidence on which it could have made a favourable decision, it shall state in its reasons for the decision that there is no credible basis for the claim.

  1. Les demandeurs qui ne sont pas par ailleurs privés de ce droit peuvent porter en appel auprès de la SAR les décisions défavorables de la SPR à leur endroit : LIPR, au paragraphe 110(1).

110 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), la personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, porter en appel — relativement à une question de droit, de fait ou mixte — auprès de la Section d’appel des réfugiés la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile.

110 (1) Subject to subsections (1.1) and (2), a person or the Minister may appeal, in accordance with the rules of the Board, on a question of law, of fact or of mixed law and fact, to the Refugee Appeal Division against a decision of the Refugee Protection Division to allow or reject the person’s claim for refugee protection.

  1. Dans le cadre d’un appel auprès de la SAR, les demandeurs ne peuvent présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de leur demande ou qui n’étaient pas normalement accessibles au moment où ils ont présenté leur demande d’asile ou, s’ils l’étaient, qu’ils n’auraient pas normalement présentés dans les circonstances : LIPR, au paragraphe 110(4).

(4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

(4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2529‑19

 

INTITULÉ :

QIAOYUN ZHU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE l’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 DÉcembRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 FÉVRIER 2020

 

COMPARUTIONS :

Dov Maierovitz

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Jocelyn Espejo‑Clarke

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

EMJE Professional Corp.

Avocats

North York (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

For The Applicant

 

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

For The Respondent

 

 

 

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