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Date : 20041208

Dossier : IMM-1248-04

Référence : 2004 CF 1714

Ottawa (Ontario), le 8 décembre 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                          MOHAMMAD ROSHID

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                M. Roshid est un citoyen du Bangladesh âgé de 30 ans. La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) a décidé qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. La décision de la Commission a été rendue oralement à la fin de l'audience, le 5 mars 2004. Les motifs écrits, datés du 18 mars 2004, ont ensuite été envoyés à M. Roshid. Dans sa demande de contrôle judiciaire, M. Roshid demande que j'annule la décision de la Commission et que je renvoie la demande à un tribunal différemment constitué de la CISR pour nouvelle décision au motif qu'il y a eu violation des principes de justice naturelle. Le fondement de la décision n'est pas contesté.

[2]                Comme question préliminaire, le demandeur souhaite que l'intitulé soit modifié pour tenir compte de l'orthographe de son nom, Mohammad Roshid. J'ordonne que l'intitulé soit modifié.

[3]                Lors de l'audience, le commissaire de la CISR a entendu le témoignage de M. Roshid; puis, il a ordonné une pause qui a duré environ vingt minutes. Après la présentation des observations des avocats, il y a eu une autre pause d'environ vingt minutes. Après la deuxième pause, le commissaire a reconvoqué les parties avant de rendre sa décision qu'il a lue à partir de feuilles dactylographiées. La CISR n'a pas conclu que la crainte qu'avait M. Roshid de retourner au Bangladesh était bien fondée. La Commission a dit que M. Roshid n'avait produit aucune preuve pouvant établir : les raisons pour lesquelles les membres d'un groupement politique étudiant pourraient lui nuire; les motifs pour lesquels il ne pourrait pas se prévaloir de la protection de l'État au Bangladesh; que la police persécutait, sur les ordres du parti au pouvoir, les membres haut placés de groupements politiques étudiants des villages du Bangladesh. La Commission a également souligné les incohérences entre le témoignage de M. Roshid et les énoncés contenus dans la Formule de renseignements personnels (FRP).

[4]                Le fondement de l'argument de M. Roshid peut s'expliquer brièvement. Il prétend que les motifs ont été lus - quelques minutes après l'audience - directement d'une décision déjà rédigée sur un formulaire type. On pourrait donc croire que la décision avait été rédigée avant que le commissaire n'entende les témoignages et les observations des avocats. Cela soulève donc une crainte raisonnable de partialité et il s'agit d'une violation des principes d'équité ou de justice naturelle.


[5]                M. Roshid affirme que plusieurs facteurs soulèvent une crainte raisonnable de partialité et qu'il a donc fait l'objet d'une décision partiale. Premièrement, au début de l'audience, le commissaire a dit à M. Roshid qu'il était de son devoir d'entendre sa demande avec toute la célérité possible. Deuxièmement, le commissaire est revenu à la salle d'audience vingt minutes seulement après la fin des observations orales des avocats et il a lu la décision dactylographiée de cinq pages. La décision écrite, envoyée par la suite, était identique à la décision orale. Troisièmement, quand l'avocate a demandé au commissaire à quel moment il avait rédigé la décision, le commissaire a dit qu'il l'avait rédigée pendant les deux pauses de 20 minutes; puis, il a dit qu'il l'avait rédigée en entier pendant la deuxième pause. Quatrièmement, les explications du commissaire concernant la raison pour laquelle il avait pu prendre une décision et la rédiger aussi rapidement étaient erratiques, longues et données sur un ton défensif. Cinquièmement, le commissaire a dit qu'il était évident que la décision n'avait pas été rédigée avant l'audience parce qu'elle mentionnait certaines réponses données pendant l'audience. Sixièmement, le commissaire a dit qu'il aurait pu demander à M. Roshid de revenir dans une heure ou deux, mais que, selon lui, il n'y avait aucune raison de le faire attendre.

[6]                M. Roshid soutient qu'individuellement, aucun des cinq facteurs ne semble important mais leur effet cumulatif donne lieu à une crainte raisonnable de partialité et à une violation des principes de justice naturelle. Une personne raisonnable serait d'avis qu'il est peu vraisemblable qu'une personne rédige, en 20 minutes, un document dactylographié de cinq pages, particulièrement un document qui exige l'organisation et l'analyse de témoignages. Le commissaire avait déjà en main la FRP et une preuve documentaire bien avant l'audience et il les mentionne dans son analyse. Il aurait peut-être été raisonnable que le commissaire soutienne que les mentions des témoignages établissaient qu'il avait analysé l'affaire pendant la pause et que cette analyse s'était ajoutée au texte qu'il avait déjà rédigé concernant la preuve documentaire dont il disposait, mais ce n'est pas l'explication qu'il a donnée. Il a dit qu'il n'y avait aucune raison de faire attendre M. Roshid mais, selon le demandeur, cette affirmation laisse à penser que le commissaire avait déjà pris une décision, mais qu'il ne pensait pas qu'il était utile d'en repousser la présentation pendant une heure ou deux pour soigner les apparences.


[7]                Les observations de M. Roshid sont à première vue, impérieuses. Toutefois, après avoir examiné soigneusement la transcription, selon moi, M. Roshid n'a pas réussi à établir l'existence d'une crainte raisonnable de partialité et une violation des principes de justice naturelle. Le critère mentionné dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty et al. c. Office national de l'énergie et al., [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395, exige que la crainte de partialité soit raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Le critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? » Les motifs doivent être importants et le critère ne doit avoir aucun lien avec une conscience scrupuleuse ou très sensible.

[8]                Je conviens avec M. Roshid que, lorsque l'avocate l'a interrogé, le commissaire a donné une réponse longue et erratique. Toutefois, il est évident qu'il a été pris au dépourvu et qu'il a été très choqué qu'on prétende (pour la première fois de sa carrière de sept ans et demi) qu'il était partial. Il a expliqué qu'il s'était très bien préparé avant l'audience. Il s'était déjà préparé pour l'audience qui avait été reportée et il avait de nouveau examiné les documents. Il connaissait très bien la preuve documentaire. Il avait été journaliste pendant 25 ans et il avait l'habitude de mener des entrevues, de comprendre l'essentiel d'une question et de s'exprimer tout en pensant. Il dactylographiait très bien, il avait l'habitude de travailler sous pression et de respecter des délais et il pouvait donc travailler très rapidement.


[9]                Je ne suis pas convaincue que l'explication qu'il a donnée concernant le moment où il a rédigé la décision soit incohérente comme le prétend le demandeur. Le commissaire a expliqué qu'il avait utilisé un gabarit qui permettait d'inscrire les revendications du demandeur et l'article pertinent de la Loi - il utilise le même gabarit que sa décision soit ou non positive. Il est possible que la partie du document comprise dans le gabarit ait été complétée avant l'audience. Il affirme que la décision a été rédigée pendant les pauses et après les témoignages. À la lecture des passages concernant sa réponse, j'en arrive à la conclusion que, pendant la première pause qui a suivi les témoignages, il a inscrit les dates et les preuves qui lui avaient été soumises. Quand on lui a demandé si la « décision » avait été rédigée pendant la première pause, il a dit qu'elle ne l'avait pas été, qu'il avait examiné les questions et les réponses. La « décision » n'a pas été rédigée à ce moment-là. Elle n'a été rédigée qu'après les observations des avocats. En d'autres termes, les réponses de M. Roshid ont été consignées pendant la première pause, mais la décision elle-même n'a été rédigée qu'après la deuxième.

[10]            L'allégation est grave et j'ai donc fait preuve de beaucoup de circonspection et d'attention en examinant la transcription. Selon moi, la transcription révèle que le commissaire était très bien préparé avant l'audience et qu'il connaissait très bien les faits sur lesquels la demande était fondée ainsi que le contenu de la preuve documentaire. Il a avisé le demandeur, dès le début de l'audience, qu'il souhaitait une audience centrée sur la question et sur l'essentiel de la demande et il a mentionné les questions qui le préoccupaient. Il a demandé des explications, des détails supplémentaires et de nouveaux renseignements susceptibles d'influer sur son dossier, à M. Roshid. Plus tard, pendant l'audience, il a dit à M. Roshid et à son avocate de se centrer sur les éléments de preuve pouvant étayer la crainte objective de M. Roshid, compte tenu que la Ligue Awami n'était plus au pouvoir depuis les élections tenues au Bangladesh en octobre 2001.

[11]            Il ne s'agissait pas d'une affaire compliquée et la décision n'est pas longue. Dans sa décision, le commissaire a inscrit les réponses données par M. Roshid pendant l'audience. Il a également souligné les incohérences entre le témoignage et les affirmations contenues dans la FRP. Je constate que le commissaire n'avait pas de parti pris concernant le témoignage de M. Roshid et qu'il n'a pris aucune décision avant d'entendre l'affaire.

[12]            Bref, une personne éclairée, qui examinerait la question d'une manière réaliste et pratique, et qui aurait étudié la question à fond, n'en arriverait pas à la conclusion qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité. Il n'y a eu aucune violation des principes de justice naturelle en l'espèce.

[13]            Les avocats n'ont proposé aucune question de certification et il n'y en a aucune en l'espèce.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          L'intitulé est modifié pour que le nom de Mohammad Roshid soit correctement écrit.

2.          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                                         « Carolyn A. Layden-Stevenson »              

                                                                                                                                                     Juge                                     

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                                AVOCATS INCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-1248-04

INTITULÉ :                                                          MOHAMMAD ROSHID

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                                   LE 7 DÉCEMBRE 2004

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    OTTAWA (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE                       LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ET ORDONNANCE :

COMPARUTIONS :

Karla Unger                                                            POUR LE DEMANDEUR

Kris Klein                                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Karla Unger                                                            POUR LE DEMANDEUR

Lynn Marchildon                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

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