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                                                                                                                                            Date : 20010330

                                                                                                                                Dossier : IMM-1482-00

                                                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 257

ENTRE :

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     demandeur

                                                                 et

                              ANNA DAVYDENKO, résidant et domiciliée au

                               7460, chemin Kingsley, app. 107, Côte St-Luc

                                                    (Québec) H4V 1P3

                                                                                                                  défenderesse

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire que le ministre a présentée à l'encontre de la décision par laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait accueilli, le 10 mars 2000, l'appel interjeté par la défenderesse, qui voulait parrainer son conjoint, M. Iskander Galiev, aux fins de la résidence permanente.

[2]                 Le tribunal a fait remarquer que la norme de preuve à appliquer est celle de la prépondérance de la preuve; il a conclu que la défenderesse avait satisfait à cette obligation. La décision du tribunal repose essentiellement sur les conclusions ci-après énoncées :


[...] L'appelante fait allusion aux observations dans la lettre de refus à l'effet qu'elle et son conjoint se connaissent peu. L'appelante a déclaré que tous les deux se connaissent assez bien. En effet, elle a répondu aux questions posées concernant leur relation personnelle et elle a démontré une connaissance de la vie et des activités de son conjoint. J'ai trouvé l'appelante crédible dans son témoignage. Elle a répondu spontanément et avec franchise aux questions posées.

[3]                 Le tribunal a également noté que la lettre de refus qu'Immigration Canada avait envoyée n'était pas rédigée par la personne qui avait eu une entrevue avec M. Galiev. L'agent qui a rédigé la lettre de refus s'est simplement fondé sur les notes de l'agent qui avait mené l'entrevue. Le tribunal a conclu ce qui suit : « Donc, la décision de l'agent des visas est affaiblie parce que celui qui a pris la décision n'a pas mené l'entrevue. »

[4]                 Le paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978, qui est ici pertinent, se lit comme suit :


4. (3) La catégorie des parents ne comprend pas le conjoint qui s'est marié principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada à titre de parent et non dans l'intention de vivre en permanence avec son conjoint.


4. (3) The family class does not include a spouse who entered into the marriage primarily for the purpose of gaining admission to Canada as a member of the family class and not with the intention of residing permanently with the other spouse.


[5]                 L'examen de l'exclusion prévue au paragraphe 4(3) du Règlement sur l'immigration de 1978 est assujetti à un critère à deux volets (Horbas c. MEI, [1985] 2 C.F. 359). Monsieur le juge Rouleau a expliqué ce critère comme suit dans la décision MCI c. Agyemang (20 mai 1999), IMM-1906-98, au paragraphe [10] :

L'objet du paragraphe 4(3) du Règlement est d'empêcher des parties de contourner, à des fins d'immigration, les critères de sélection auxquels la plupart des immigrants doivent se soumettre en créant artificiellement des liens familiaux au moyen d'une forme quelconque de mariage. Le critère prévu au paragraphe 4(3) a deux volets. Premièrement, la personne doit s'être mariée principalement dans le but d'obtenir l'admission au Canada. Deuxièmement, l'immigrant éventuel ne doit pas avoir l'intention de résider en permanence avec son conjoint parrain. L'agent des visas qui procède à une évaluation doit examiner l'authenticité du mariage en fonction de la perception et des motivations du conjoint parrainé.


[6]                 Comme la présente cour l'a toujours dit, pour rendre le demandeur non admissible en vertu du paragraphe 4(3), les deux volets du critère doivent être satisfaits; voir Horbas, précité, à la page 369 :

[...] Il ne faut pas perdre de vue que ce paragraphe ne peut servir de fondement au rejet d'une telle demande que si le conjoint parrainé s'est marié principalement dans le but d'immigrer et s'il n'a pas l'intention de vivre en permanence avec son conjoint. [...]

[7]                 Il ressort de ce passage que le demandeur ne peut pas être inadmissible s'il ne satisfait pas à l'un ou l'autre de ces volets. Cette interprétation est également conforme au passage suivant tiré de la décision que la Commission d'appel de l'immigration a rendue dans l'affaire Ahn c. Canada (MEI) (1987), 2 Imm.L.R. (2d) 23, à la page 26 :

[TRADUCTION]

[...] Le paragraphe 4(3) énonce un double critère. Si l'intention du demandeur ne satisfait pas au critère, il est un conjoint pour l'application de la définition de la catégorie des parents.

[8]                 En l'espèce, le tribunal a statué que le conjoint parrainé avait conclu un mariage véritable, c'est-à-dire qu'il n'avait pas principalement contracté le mariage aux fins de l'immigration. Puisque le premier volet du critère n'a pas été satisfait, il n'était pas nécessaire de poursuivre l'analyse au sujet du deuxième volet. Cet avis est tout à fait conforme à la jurisprudence, qui exige que le tribunal analyse le deuxième volet uniquement si le premier volet est satisfait.

[9]                 Je ne puis donc pas retenir l'argument du demandeur selon lequel le tribunal a commis une erreur en appréciant la totalité de la preuve dont il disposait. À moins que le contraire ne soit démontré, le tribunal est présumé avoir examiné l'ensemble de la preuve (voir Florea c. MEI (11 juin 1993), A-1307-91 (C.A.F.)). En général, le fait que certains éléments de preuve ne sont pas mentionnés dans les motifs du tribunal ne porte pas un coup fatal à la décision de celui-ci (Hassan c. MEI (1992), 147 N.R. 317, à la page 318 (C.A.F.)).


[10]            Dans ce cas-ci, le demandeur n'a pas réussi à mon avis à prouver que les conclusions que le tribunal a tirées au sujet du statut civil de la défenderesse sont abusives ou arbitraires. Malgré les présumées incohérences soulevées par le demandeur, on ne peut pas dire que la décision du tribunal soit arbitraire. Au contraire, le tribunal a conclu que la défenderesse avait répondu à toutes les questions qui lui avaient été posées au sujet des relations qu'elle entretenait avec M. Galiev et qu'elle avait démontré « une connaissance de la vie et des activités de son conjoint » . Compte tenu de la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la crédibilité, la décision du tribunal était suffisamment fondée.

[11]            Le demandeur conteste également la conclusion que le tribunal a tirée au sujet de la décision de l'agent des visas. J'estime que le tribunal pouvait à bon droit, en sa qualité de juge des faits, apprécier la valeur probante des conclusions de l'agent des visas et statuer que la décision de l'agent était affaiblie du fait qu'elle était fondée sur les observations de tiers. Le demandeur se fonde sur la décision que Madame le juge Reed a rendue dans l'affaire Rattan c. MEI (1994), 73 F.T.R. 195, pour dire que le rôle du tribunal ne consiste pas à déterminer si la décision de l'agent des visas est correcte, mais à se demander si le demandeur appartient à une catégorie exclue. Le passage pertinent se lit comme suit :

[7]            Un appel sous le régime de l'article 77 n'est pas un contrôle judiciaire lorsque seulement l'exactitude de la décision de l'agent d'immigration est à l'examen.    C'est ce qui se dégage du paragraphe 77(3), qui permet des appels pour des questions de fait, et de la procédure suivie qui permet au répondant, au Canada, d'appeler des témoins et de produire d'autres éléments de preuve. Le rôle de la section d'appel consiste, non pas à déterminer si la décision de l'agent d'immigration a à juste titre été prise, mais à déterminer si la personne parrainée appartient à la catégorie des personnes exclues par le paragraphe 4(3) du Règlement : Mohammad c. Canada (Ministre de L'Emploi et de l'Immigration), [68 N.R. 220], [1986] 3 C.F. 90 (C.A.), à la page 94, le juge en chef Thurlow. Àcette fin, elle doit examiner le témoignage du répondant et la décision de l'agent d'immigration pour se décider. Si le répondant peut convaincre le tribunal que les conclusions de l'agent d'immigration n'étaient pas fondées, son appel est accueilli.


[12]            Je ne souscris pas à la façon dont le demandeur interprète ce passage. Contrairement à l'avis exprimé par le demandeur, je crois comprendre que le passage précité veut dire qu'en statuant sur un appel fondé sur l'article 77, la section d'appel doit déterminer si, compte tenu de la preuve du répondant et de la décision de l'agent d'immigration, la personne parrainée appartient à une catégorie exclue en vertu du paragraphe 4(3). Si elle est convaincue, sur cette base, que la décision de l'agent d'immigration est incorrecte, elle accueille l'appel. Cet avis est conforme à celui que la présente cour a exprimé dans l'affaire Horbas, précitée, à la page 369 :

[...] Comme l'a souligné la Cour d'appel fédérale dans la cause Brar précitée, la procédure d'appel permet d'avoir accès à l'ensemble de la preuve, de contre-interroger les témoins de l'intimé, de soumette des éléments de preuve et de faire des observations. L'espèce soulève d'importantes questions de fait qui débordent le cadre du contrôle judiciaire par le biais d'un bref de prérogative et qui peuvent être plus facilement examinées en appel, même si elles peuvent être mêlées à des questions de droit.

[13]            Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Y. Pinard »

Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 30 mars 2001.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.


                                                                                                                                            Date : 20010330

                                                                                                                                Dossier : IMM-1482-00

Ottawa (Ontario), le 30 mars 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Pinard

ENTRE :

                                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     demandeur

                                                                 et

                              ANNA DAVYDENKO, résidant et domiciliée au

                               7460, chemin Kingsley, app. 107, Côte St-Luc

                                                    (Québec) H4V 1P3

                                                                                                                  défenderesse

                                                       ORDONNANCE

La demande que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a présentée en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié avait accueilli, le 10 mars 2000, l'appel interjeté par la défenderesse, qui voulait parrainer la demande de résidence permanente de son conjoint, est rejetée.

« Y. Pinard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad.a.

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